Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du lundi 16 novembre 2020 à 14h30
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer :

Il n'est jamais évident de traiter les questions concernant les outre-mer depuis le seul point de vue de ce ministère dans la mesure où, si le ministre des outre-mer a la compétence sur tout ce qui s'y passe, l'interministérialité fait que divers aspects – qui ont été ou seront abordés par certains de mes collègues dans le cadre de vos travaux – s'y appliquent aussi. Ce que je vous propose – si vous en êtes d'accord –, c'est de mettre l'accent sur ce qui ne s'y passe pas comme ailleurs, sur les spécificités de ces territoires, afin de ne pas sombrer dans une litanie de chiffres – étant entendu que mon ministère, en particulier la direction générale des Outre-mer, tient à la disposition de la commission d'enquête divers documents et données chiffrées, territoire par territoire.

Les outre-mer se distinguent par trois traits spécifiques qu'il importe, je crois, d'avoir en tête, pour comprendre tant la gestion de crise que la nature de la solidarité nationale appliquées sur place.

D'abord, c'est une évidence, la situation sanitaire n'y est pas du tout uniforme : la Martinique est confinée en raison d'un taux d'incidence et d'un nombre d'hospitalisations en réanimation élevés, alors que, juste à côté, dans le même bassin caraïbe, sa sœur guadeloupéenne ne l'est pas : depuis le début de l'épidémie, la circulation du virus y est différente.

C'est toute l'histoire de la pandémie. On a confiné l'ensemble de la nation française à la mi-mars, y compris Mayotte et La Guyane, alors que certains se demandaient si c'était bien utile – de fait, cela l'a été, en particulier pour cette dernière. On a ensuite engagé le processus de déconfinement mais en raison d'un environnement géographique et sanitaire différent, l'épidémie a continué dans ces territoires. Il a fallu imaginer des stratégies de confinement prolongé, voire de couvre-feu, la Guyane ayant été le premier territoire à l'expérimenter. La chronologie de l'épidémie est donc complexe, ce qui complique considérablement les choses – notamment pour les équipes du ministère – car cela nous conduit à faire en permanence du sur-mesure.

Aujourd'hui encore, un territoire de la République est « covid-free » : c'est la Nouvelle-Calédonie – la contrepartie étant la quatorzaine à l'entrée. Les autorités coutumières, les chefferies – notamment dans les îles Loyauté –, ont été les premières à tirer la sonnette d'alarme, en raison notamment de la sensibilité historique des populations mélanésiennes aux pandémies, et ils ont refusé de prendre le moindre risque sanitaire. Ce fut l'un des premiers territoires à fermer ses frontières et à instaurer une quatorzaine à l'arrivée. Résultat : on n'y porte pas de masque, on y embrasse qui l'on veut et l'on s'y serre la main. La bulle s'étend à Wallis-et-Futuna, et Saint-Pierre-et-Miquelon connaît une dynamique proche, grâce à la mise en place d'une septaine.

Dans le même temps, la Martinique est confinée, avec une évolution du taux d'incidence surveillée de près, les chiffres n'étant pas très bons. La situation de la Polynésie française, qui était restée longtemps « covid-free » ou presque – les quelques cas résiduels étant bien identifiés et les cas contacts régulés par la procédure consistant à tester, tracer et isoler –, a dégénéré très vite à partir de la fin du mois d'août. Cela nous a conduits à envoyer d'importants renforts sanitaires militaires.

Attention donc à ne pas tout percevoir du point de vue de l'Hexagone et s'imaginer que la chronologie de la crise se résume à : confinement-déconfinement-reconfinement. Il existe autant de stratégies sanitaires que de comportements différents du virus. Quand on est à des milliers de kilomètres de Paris, on doit gérer les choses différemment, d'autant que ce ne sont pas les mêmes saisons : alors que nous entrons dans l'hiver, l'été commence dans la plupart des territoires d'outre-mer et les températures relevées sur place n'ont rien à voir avec celles que l'on connaît ici. Or, il semblerait que le virus se comporte différemment en fonction de la chaleur et du climat.

On est en outre condamné à s'adapter aux conditions océaniques et aux situations insulaires, avec toutefois une particularité dans la particularité : la Guyane. Sa situation sur le plateau continental la rend en effet très dépendante de ce qui se passe dans les pays frontaliers – les coopérations transfrontalières étant plus ou moins complexes, notamment avec le Suriname et le Brésil. Si les premiers clusters y ont été le fait de concitoyens venant de l'Hexagone, notamment d'Alsace et plus précisément de Mulhouse, la deuxième vague est davantage due à des flux migratoires – ce qui a des conséquences importantes au plan des compétences régaliennes, notamment s'agissant de la fermeture de la frontière.

Il y a donc non pas une, mais des épidémies de covid-19. Viennent s'y ajouter d'autres phénomènes sanitaires, qui sont malheureusement connus de nos concitoyens d'outre-mer mais que l'on a tendance à oublier dans l'Hexagone. La Martinique et, dans une moindre mesure, la Guadeloupe, affrontent ainsi en ce moment une autre épidémie : la dengue. Si l'on connaît désormais les mécanismes de prévention de cette maladie, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les insectes, on compte néanmoins presque 2 000 nouveaux cas par semaine, parmi lesquels de nombreux jeunes. Si j'ai pris la décision, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre et en concertation avec le ministre des Solidarités et de la santé, de reconfiner la Martinique, c'est aussi au regard de la capacité de son système sanitaire à absorber l'ensemble des malades : ceux atteints du covid-19, ceux atteints de la dengue et les autres.

La deuxième spécificité a trait aux compétences – mon propos invitant peut-être la commission d'enquête à examiner comment cela fonctionne dans certains territoires.

Notre Constitution a imaginé en la matière une différenciation très importante, qui est le fruit de notre histoire. Ainsi, dans les deux collectivités du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, le Gouvernement – voire le Parlement de la République française – ne dispose plus, du fait des transferts consentis il y a quelques années, de compétences dans nombre de domaines, notamment pour tout ce qui concerne la santé, la jeunesse, la solidarité ou l'éducation. Vu de Paris, cela peut paraître curieux, mais cela ne l'est pas vu de Nouméa ou de Papeete. En ces matières, l'État n'a plus du tout la main – ce qui n'exclut pas un dialogue opérationnel, ni des prescriptions ou des instructions données par moi aux deux hauts commissaires sur certains points requérant une vigilance particulière. Si vous souhaitiez examiner plus particulièrement la situation de ces deux territoires, il vous faudrait, Mesdames et Messieurs les membres de la commission d'enquête, auditionner M. Thierry Santa, président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et M. Édouard Fritch, président de la Polynésie française. Cela explique par exemple – et cela ne date pas de l'épidémie – que la Nouvelle-Calédonie soit le seul territoire de la République pour lequel je ne dispose pas de données en matière de décrochage scolaire, même si nous collaborons avec le vice-recteur, haut fonctionnaire de l'État néanmoins placé en grande partie sous les ordres du Gouvernement néo-calédonien. Il s'agit d'une spécificité importante à prendre en considération, notamment pour mesurer les effets de l'épidémie – ou plutôt de l'absence d'épidémie en Nouvelle-Calédonie, avec la fermeture des frontières.

Si l'État est compétent dans les autres territoires ultramarins, les collectivités locales y exercent leurs compétences d'une autre manière que dans l'Hexagone. Prenons l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou la protection maternelle et infantile (PMI) : si les compétences ont été données aux conseils départementaux, on ne peut de toute évidence pas les exercer de la même manière à Mayotte ou en Guyane que dans mon département de l'Eure. La question des effets de l'épidémie de covid-19 sur les enfants et la jeunesse dans les outre-mer doit donc être examinée en tenant compte de cette dimension partenariale avec les collectivités concernées et, disons-le, des difficultés qu'elles rencontrent à exercer leurs compétences. Par exemple, si l'aide sociale à l'enfance existe à Mayotte depuis que ce territoire est un département, c'est-à-dire bientôt dix ans – ce qui n'est pas si ancien –, il y a en la matière beaucoup à faire afin de permettre au Conseil départemental d'exercer convenablement cette compétence.

L'épidémie puis le confinement ont naturellement mis à l'épreuve ces collectivités. Si, en tant qu'élu local, je ne m'érige pas en juge de leur action, qui d'ailleurs peut être soumise au contrôle de l'autorité judiciaire – notamment pour ce qui concerne l'ASE –, il est évident qu'il va falloir les aider à mieux faire. Nous y travaillons, notamment au travers de moyens financiers dédiés.

Comme c'est souvent le cas en gestion de crise, ceux qui s'en sortaient bien ont tenu le choc tandis que ceux qui s'en sortaient moins bien ont eu plus de mal. Cela vaut également pour le bloc communal, en matière d'équipement des écoles. La question du décrochage scolaire renvoie directement à celle de l'accès au numérique, et ce ne sera pas un scoop si je vous dis que le rattrapage des enfants scolarisés grâce au numérique a été beaucoup plus efficace à La Réunion qu'à Mayotte.

La troisième spécificité des outre-mer tient à la nature. La Polynésie est aussi grande que l'Europe ; la superficie de la Guyane est comparable à celle du Portugal ; la Nouvelle-Calédonie fait la moitié de la Belgique. Sur des territoires aussi vastes et complexes, le maillage territorial de l'État et des collectivités locales se heurte en temps normal à des faiblesses structurelles, en particulier en matière sociale et éducative, ce qui conduit l'État à davantage prendre ses responsabilités. Un seul exemple : l'État n'est encore maître d'ouvrage que dans deux territoires de la République, Mayotte et la Guyane, pour le compte des collectivités territoriales, s'agissant de la construction des écoles. Le budget du ministère des outre-mer comprend les crédits correspondants. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) sont, avec le rectorat concerné, les maîtres d'ouvrage pour la construction des écoles. La crise sanitaire a montré l'urgence de poursuivre cette action.

Voilà pour les spécificités qu'il me semblait important de souligner. Pour ce qui concerne la solidarité nationale envers les différents territoires d'outre-mer, je considère qu'elle a plutôt fait preuve de résilience. Je vais tenter de l'illustrer par trois exemples : l'aide alimentaire, la lutte contre le décrochage scolaire et la vie étudiante.

La question de l'aide alimentaire, à savoir veiller que chaque jeune ultramarin mange à sa faim, s'est posée avec une acuité particulière. Des moyens importants ont été mobilisés, grâce à des dispositifs pouvant varier, à Mayotte, en Guyane, à la Martinique et à La Réunion. Quelques chiffres : à Mayotte, 160 000 enfants ont été destinataires d'une telle aide, ce qui représente 60 % des bénéficiaires, les actions ayant été conduites grâce à un tissu associatif plutôt de bonne qualité, habitué à la maraude et à la prévention spécialisée ; les prestations exceptionnelles ont concerné 25 000 enfants en Guyane, 45 000 à la Martinique, pour des enveloppes budgétaires variant entre 5 millions et 10 millions d'euros. Ce sont des chiffres considérables, surtout si on les rapporte à la population locale. Il s'agit de territoires très jeunes : en Nouvelle-Calédonie, 30 % de la population a moins de 20 ans et 50 % moins de 30 ans. La situation est comparable en Guyane et à Mayotte. À l'inverse, en dehors de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, les Antilles, et plus particulièrement la Guadeloupe et la Martinique, sont des territoires en voie de vieillissement. À La Réunion, un dispositif de ticket-service a été mis en place, dont 4 600 personnes ont bénéficié. Là encore, il faut prendre en considération la spécificité du territoire : La Réunion comprend vingt-quatre communes, la plus petite comptant 6 000 habitants, la plus grande, pas loin de 150 000 ; ces communes de grande taille disposent de centres communaux d'action sociale (CCAS) et d'une ingénierie sociale importants. L'État intervient beaucoup là où le réseau social local est plus fragile, notamment au travers des outils, des crédits et des réseaux de la politique de la ville, qui se sont avérés très précieux pour enclencher les choses depuis Paris.

S'agissant de la scolarité des élèves, les cours ont été presque interrompus en Martinique et en Guadeloupe, où, rappelons-le, des troubles sociaux ont eu lieu. On a beaucoup souligné l'importance du binôme préfet-maire. Elle est encore plus nette dans les outre-mer que dans l'Hexagone, et pour cause : ce n'est pas lors d'une réunion interministérielle à Paris, à des milliers de kilomètres de là, que vous allez décréter la fermeture ou la réouverture d'une école, d'autant que la propagation d'une épidémie est vécue de façon tout à fait singulière en milieu insulaire. En matière de calendrier d'ouverture et de fermeture des écoles, nous avons donc écouté attentivement les maires, notamment lors de la première vague de l'épidémie, sans imposer aucune décision – ce qui explique la longueur du processus. En Polynésie française, la situation est très contrastée, en raison de la structure archipélagique de ce territoire, unique au sein des outre-mer français ; les choses n'ont pas été organisées de la même façon aux îles Marquises, aux îles Tuamotu, aux îles Gambier ou à Tahiti.

De manière générale, le décrochage scolaire a été plus important dans les filières professionnelles et techniques que dans les filières générales. Cela a été mesuré à Mayotte, à la Martinique et à La Réunion. Très honnêtement, je suis incapable d'identifier les raisons du phénomène. Je me contente de vous livrer ces données. Je dispose également de chiffres concernant le rattrapage : grâce au numérique, 90 % des élèves relevant de l'éducation prioritaire ont eu accès à un enseignement à distance, par l'intermédiaire du logiciel Pronote, d'un smartphone, d'une tablette ou d'un ordinateur. Je ne cacherai pas ma gratitude envers les élus locaux, qui ont joué le jeu, en lien avec le rectorat. La maire de Saint-Denis de La Réunion, l'ancienne ministre Ericka Bareigts, ainsi que quelques autres, ont vraiment fait un bon travail ! À Mayotte, dans le même océan, où l'on part certes de plus loin, ce chiffre tombe à 30 %. Ces données aident à comprendre comment les choses se sont passées.

Je salue également l'implication des personnels de l'Éducation nationale : conseillers principaux d'éducation (CPE), enseignants, personnels des rectorats et des services supports – ainsi que celle des préfets, qui ont bien souvent joué un rôle de médiation avec les élus locaux pour garantir autant que possible la continuité pédagogique. Surtout, l'innovation, notamment en matière de méthodes d'enseignement, a été à la hauteur, comme elle l'a d'ailleurs été dans l'Hexagone. En outre-mer, certains territoires ont un réseau de télévisions et de radios locales très riche, issu du foisonnement associatif des années 1980 et 1990, qui s'est avéré très précieux.

Parmi ces initiatives et ces bonnes pratiques, je mentionnerai les cours filmés prodigués à la jeunesse mahoraise. En Martinique, l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) a développé des activités de révision scolaire, financées grâce à l'enveloppe dédiée à l'opération « Quartiers d'été 2020 » – ce qui a permis d'agir au plus près de la population. En Guadeloupe, des séances de mentorat d'urgence ont été organisées, ainsi que des stages pendant les vacances de Pâques et des permanences dans les centres d'accueil. Le dispositif « École ouverte » a accueilli 3 000 jeunes, et les « Colos apprenantes » près de 2 000, pendant les grandes vacances et les vacances de la Toussaint. J'invite chacun à rapporter ces chiffres à la population du territoire : accueillir entre 2 000 et 3 000 enfants dans un territoire comptant 250 000 ou 260 000 habitants, cela représente un ratio qui est loin d'être ridicule. Il serait d'ailleurs intéressant de le comparer à celui obtenu dans certains départements de l'Hexagone. En Guyane, des initiatives locales ont permis aux élèves d'accéder à des ressources pédagogiques en ligne. Cela fonctionne bien et il en restera sans doute quelque chose pour l'avenir, ce qui est très précieux pour des territoires si vastes. Des initiatives ont également été prises à La Réunion et en Polynésie française – j'en tiens le détail à votre disposition.

L'État et les collectivités territoriales ont injecté des moyens importants pour réduire la fracture numérique en urgence. Il en restera là aussi quelque chose, notamment en Martinique, à La Réunion et en Guyane. Par exemple, nous avons débloqué des crédits de la politique de la Ville – dont j'avais la charge dans mes précédentes fonctions – pour créer l'application Guyaclic', qui a permis d'équiper un millier de familles des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des communes isolées de Guyane. Si j'insiste sur ce point, c'est qu'il s'agissait d'un véritable challenge. Nous sommes au mois de novembre, l'affaire semble entendue. Tel n'était pas le cas au mois de mars ! Il me semble important de souligner le fort degré de résilience des territoires ultramarins.

J'en viens à la vie étudiante. Je laisse de côté le cas des étudiants ultramarins présents dans l'Hexagone, dont nous nous sommes assurés qu'ils ne manquaient de rien – je rappelle qu'il s'agit de 40 000 personnes, soit un effectif tout à fait significatif. Les étudiants n'ont pas tous la même relation à leur territoire. En outre, les conditions de déplacement entre les territoires ultramarins et l'Hexagone ont été très variables, de la quatorzaine en Nouvelle-Calédonie à la septaine à Saint-Pierre-et-Miquelon, en passant par l'obligation – variable dans le temps –, de justifier de motifs impérieux dans certains autres territoires. Certains étudiants pouvaient au contraire se rendre dans leur territoire d'origine sans contrainte particulière. Tout cela pose la question de la continuité territoriale.

Nous avons commencé par débloquer des fonds pour financer une aide de 200 euros destinée aux étudiants ultramarins restés dans l'Hexagone, pour leur permettre de financer certains déplacements provoqués par l'épidémie de covid-19. La plateforme OutremerSolidaires a plutôt bien fonctionné, permettant de faire de la mise en relation. Bien souvent, les membres de la diaspora ne savent pas se trouver ou se parler. Or, l'entraide et la débrouille fonctionnent parfois mieux que tout, à condition de les organiser. Nous nous y sommes efforcés, grâce aux outils dont nous disposons au ministère, notamment la plateforme téléphonique du Gouvernement. J'ai d'emblée veillé, comme Annick Girardin l'avait fait avant moi, à assurer l'accompagnement financier des associations qui se sont mobilisées en faveur de l'entraide étudiante. Nous avons débloqué des sommes, parfois à enveloppe constante, quitte à demander des efforts sur certaines fiches actions du budget du ministère – ce qui a plutôt bien fonctionné. Bien entendu, nous avons procédé au recensement et à l'accompagnement des étudiants ultramarins désireux de rentrer chez eux.

Il n'est pas évident de dresser le bilan d'un phénomène en cours. La Martinique est confinée, la Polynésie française vit un moment difficile et le préfet de la région Réunion vient de lancer un nouvel appel à la vigilance – les courbes et les chiffres n'étant pas tous bons. Il est donc un peu tôt pour présenter le bilan définitif de l'épidémie. Surtout, nous savons que le virus présentera un comportement différencié selon les territoires au cours des mois à venir. La vigilance s'impose.

S'il y a un sujet sur lequel nous devons nous mobiliser collectivement, c'est le décrochage scolaire, car, pour dire les choses très directement, c'était déjà un enjeu avant la pandémie de covid-19. Il est difficile à évaluer. Il faut tenir compte de dimensions culturelles : le rapport à l'école, dans certains territoires, n'est pas simple. Il ne faut pas que l'épidémie de covid-19 ou les mesures restrictives prises en conséquence fassent office de prétextes supplémentaires pour tenir éloignés de l'école les enfants concernés. Je ne veux pas hiérarchiser les combats : l'aide alimentaire n'est pas moins importante que la lutte contre le décrochage scolaire. Toutefois, si je ne devais retenir qu'un point de vigilance dans les outre-mer, s'il en est un pour lequel je me mobiliserai – en liaison avec Jean-Michel Blanquer –, c'est celui-ci. Nous risquons si nous n'y prenons pas garde de sacrifier une génération, qui aura ensuite bien du mal à retrouver le chemin de l'apprentissage, de l'emploi ou d'une formation.

Au demeurant, les outre-mer ont toujours présenté des particularités en la matière. Ce n'est pas un hasard si chacun d'entre eux dispose d'un régiment de service militaire adapté (RSMA), qui dépend de mon ministère. Dans ce cadre, les armées encadrent des gosses pour les accompagner vers des chemins de l'insertion spécifiques aux outre-mer. J'ai d'ailleurs veillé à faire en sorte que les RSMA continuent de fonctionner en dépit de l'épidémie de covid-19. Nous nous sommes certes demandé comment nous allions constituer les cohortes mais nous avons franchi cette étape. Mieux : les jeunes engagés dans les RSMA se sont largement mobilisés pour assurer l'entraide et la distribution de nourriture dans de nombreux villages, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.

Ainsi, dans le cadre de l'étude des effets de la crise du covid-19 sur la jeunesse, il importe d'observer que ce sont souvent les jeunes qui ont fait preuve de solidarité envers leurs compatriotes, notamment les plus âgés, par exemple en leur rendant visite dans les maisons de retraite et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

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