Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 11h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la Jeunesse et de l'engagement :

La crise sanitaire concerne absolument tous les membres de notre communauté nationale. Les enfants et les jeunes sont parmi les plus durement touchés : s'ils ne figurent pas parmi les populations les plus à risque d'un point de vue médical, leur vie a été profondément bousculée. À un âge où l'on vit au présent et au futur, le coronavirus est venu percuter la scolarité, les études supérieures, comme les loisirs, les pratiques sportives et les activités culturelles. À un âge où l'on construit son identité, le coronavirus a mis un coup d'arrêt à la vie sociale, essentielle à cette construction. À un âge où l'on n'a pas encore de situation professionnelle propre ni de revenus sécurisés, le coronavirus a creusé les inégalités sociales et entraîné un phénomène de précarisation.

Dépassant les stigmatisations outrancières et faussées à l'encontre d'une jeunesse qui serait irresponsable, nous devons, en tant que responsables politiques, affronter cette difficile réalité. Notre action doit être guidée par une détermination sans faille. C'est le combat que nous menons au travers du plan « 1 jeune, 1 solution » ; c'est aussi le sens du message adressé par le Premier ministre aux jeunes, le 1er novembre.

Agir pour la jeunesse, c'est d'abord prendre en considération la grande diversité des situations, parce que la vie n'est pas la même selon que l'on a 15, 20 ou 28 ans, mais aussi parce que ce sont les transitions qui définissent la jeunesse – vers les études, le logement, la mobilité, l'autonomie financière, la vie sentimentale – et qu'elles sont rendues plus complexes encore par des allers-retours imposés – reprise d'études, retour dans le logement parental.

Agir pour la jeunesse, c'est lutter contre ses fragilités. Avant la crise, parmi les quelque 12 millions de jeunes de 15 à 29 ans, 14 % n'étaient ni en emploi, ni en formation et 16,5 % des jeunes actifs étaient au chômage. Depuis 2017, le Gouvernement a mené des réformes importantes contre le décrochage scolaire et pour l'emploi. Avec l'obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans, entrée en vigueur à la rentrée 2020, le plan d'investissement dans les compétences, de 15 milliards d'euros, et le développement de l'apprentissage, le Gouvernement était en passe de gagner ces deux batailles.

L'action à destination des jeunes s'articule au niveau interministériel, notamment entre le ministère de l'Éducation nationale et le ministère du Travail. Le secrétariat d'État chargé de la Jeunesse et de l'engagement est le ministère des jeunes, « au-delà de l'école » : il inclut dans son périmètre les jeunes en âge scolaire, lors des temps périscolaires et extrascolaires, et les jeunes qui n'ont pas encore franchi toutes les étapes vers l'âge adulte. Nos moyens d'action sont majoritairement ceux de nos partenaires, l'éducation populaire et les associations, qui relaient et portent les politiques publiques sur le terrain. Notre administration leur donne les moyens d'agir et, en contrepartie, les contrôle et les évalue. Intervenir en faveur de la jeunesse revient donc, pour une large part, à intervenir auprès des structures d'accompagnement de la jeunesse.

Notre premier niveau de réponse a été d'accompagner ces structures pour qu'elles continuent de soutenir au maximum les jeunes. Nous avons aidé les gestionnaires de structures de loisirs à accueillir, durant le premier confinement, les enfants des personnels en première ligne. Je salue au passage le travail considérable des enseignants pour assurer la continuité pédagogique et les professionnels de l'animation, qui ont répondu « présents ». Pour ces acteurs du périscolaire, nous avons défini les conditions matérielles de l'accueil en déclinant les protocoles sanitaires de l'Éducation nationale, et nous avons garanti leur modèle économique, en lien avec les caisses d'allocations familiales (CAF) et les collectivités territoriales, pour qu'ils puissent tenir bon. C'est ainsi que l'accueil périscolaire a été d'une qualité irréprochable depuis mars, dans l'intérêt des enfants et des familles.

Dans le même esprit, nous avons porté une attention toute particulière aux colonies de vacances et au scoutisme. Après un printemps éprouvant, il fallait absolument sauver l'été : nous avons élaboré des protocoles sanitaires garantissant toutes les conditions de sécurité et pris des mesures économiques, dont la reconnaissance des associations gestionnaires de colonies de vacances comme bénéficiaires des mesures d'aide au secteur touristique. Depuis le début de la crise, et à chaque étape, l'action quotidienne du ministère a consisté à établir le lien avec les têtes de réseau et les fédérations d'éducation populaire pour s'assurer que les associations culturelles et sportives, les associations de tourisme, les associations de soutien scolaire et de mentorat pouvaient opérer dans les meilleures conditions auprès des jeunes.

Nous avons également fait appel aux jeunes. Se soucier des jeunes, cela consiste aussi à les valoriser avec sincérité en leur disant qu'ils sont la richesse de notre pays, que notre société a besoin d'eux et qu'ils sont capables d'apporter beaucoup, bien plus que ce qu'ils peuvent imaginer. Nous les avons invités à s'engager dans la Réserve civique, en créant la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Ils ont été au rendez‑vous : parmi les plus de 300 000 personnes qui se sont inscrites sur la plateforme pour être bénévoles, plus de 40 % avaient moins de 30 ans.

Avec l'Agence du service civique (ASC), nous avons incité les jeunes volontaires du Service civique, lorsqu'ils le pouvaient et en accord avec leur structure accueillante, à réorienter leurs missions au service de la lutte contre les effets de la crise sanitaire : 58 000 jeunes volontaires ont pu continuer leur engagement auprès des personnes isolées, âgées ou en situation de handicap.

Enfin, il nous a fallu inventer des réponses nouvelles en adoptant des politiques publiques fortes, innovantes et adaptées à chacun.

Nous avons tout d'abord répondu à la précarisation de certains jeunes, liée à l'isolement et aux effets du confinement. Je pense à nos jeunes concitoyens ultramarins venus étudier en métropole, qui se sont retrouvés coupés de leurs familles ; je pense aussi à ceux qui complétaient leurs ressources grâce à un travail à temps partiel. Une enveloppe de 150 millions d'euros a permis de verser une aide exceptionnelle de 200 euros à 800 000 jeunes pour compenser la perte de revenus liée à l'arrêt temporaire d'un stage, d'un apprentissage ou d'un petit métier.

Plus généralement, le soutien apporté aux entreprises a été la meilleure garantie du maintien dans l'emploi des jeunes débutant leur parcours professionnel. De même, le recours massif au chômage partiel – selon le régime le plus protecteur d'Europe – a permis aux jeunes salariés de traverser le confinement sans connaître de dommages trop conséquents. Les règles régissant le chômage et l'activité partielle ont été assouplies pour prolonger les droits des demandeurs d'emploi en fin de droits, des intérimaires et des travailleurs saisonniers.

Le déconfinement a coïncidé avec l'arrivée de l'été. L'enjeu majeur était d'offrir aux jeunes les plus en difficulté des vacances dignes de ce nom, leur permettant tout à la fois de rompre avec plusieurs mois éprouvants, de se ressourcer, de respirer et d'aborder plus sereinement la rentrée. Fruit d'une coopération de grande qualité entre l'éducation nationale, les associations d'éducation populaire, les collectivités territoriales et les associations de lutte contre la précarité, « Vacances apprenantes » a été une réussite. Au total, 950 000 enfants ont pu en bénéficier par le biais de l'« École ouverte », dans le cadre d'accueils de loisirs ou de colonies apprenantes.

Au-delà des loisirs et de la période estivale, c'est dans la formation, l'orientation et l'emploi qu'il faut investir pour préserver l'avenir de la jeunesse : chaque année, 700 000 jeunes finissent leurs études et entrent sur le marché du travail.

Le plan « 1 jeune, 1 solution » est le volet jeunes du plan de relance. L'effort est d'une ampleur inédite, puisqu'il dépasse 6,5 milliards d'euros. Il incarne la priorité absolue que le Gouvernement donne à la jeunesse : comme l'a annoncé le Premier ministre, « l'État accompagnera chaque jeune qui en a besoin ».

Ce plan ambitionne d'apporter à chaque jeune une solution adaptée à sa situation de vie, son parcours et ses projets. Il contient de nombreuses mesures, dont certaines s'adressent aux employeurs : compensation des charges à hauteur de 4 000 euros pour le recrutement d'un jeune entre août 2020 et janvier 2021 ; aide exceptionnelle de 5 000 euros pour le recrutement d'un alternant de moins de 18 ans en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ; aide de 8 000 euros pour le recrutement d'un alternant de plus de 18 ans.

Le plan prévoit la création de 100 000 missions de Service civique supplémentaires et de 2 000 postes au sein du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) pour venir en appui des associations, deux mesures que le secrétariat d'État est chargé de mettre en œuvre. Le plan prévoit aussi le recrutement de 1 000 jeunes dans des TPE et PME sur des métiers centrés autour de la transformation écologique des modèles économiques. Dans le cadre de l'action de l'Agence nationale du sport, 2 500 jeunes seront orientés vers des emplois dans le monde du sport. Enfin, 2 000 jeunes seront formés et orientés vers les secteurs et les métiers d'avenir.

Les épreuves, les défis doivent nous interroger sur la place de la jeunesse dans le collectif national, la relation du pays à sa jeunesse. Pour que les politiques publiques en leur faveur réussissent, il faut que les jeunes eux-mêmes y croient. La question de la confiance dans l'État et ses institutions est majeure. Pour que la jeunesse ne se considère pas comme une génération sacrifiée, nous devons entretenir un dialogue constant, de qualité et responsable.

L'action du Gouvernement démontre combien nous croyons à la jeunesse et s'appuie sur son énergie et sa créativité. La mobilisation des jeunes pendant le confinement nous enorgueillit. Il faut le dire et le répéter : la très grande majorité d'entre eux a eu un comportement exemplaire, limitant ses déplacements et sa vie sociale, respectant les consignes sanitaires. Les jeunes ont fait preuve d'une incroyable résilience mais ils doivent encore tenir bon : les défis sont nombreux et il faudra du temps pour les relever. Notre devoir est de gagner la bataille de la formation, de l'orientation et de l'emploi. Avec le plan « 1 jeune 1 solution », nous sommes armés.

Enfin, nous devons respecter la soif de vivre de la jeunesse. Quand on a la vie devant soi, admettre que la vie s'arrête est insupportable. Alors, nous devons nous engager à tout faire pour que, dès que la vie pourra reprendre son cours, cette belle et courageuse jeunesse ne perde pas une minute de plus. Je pense notamment à sa mobilité : l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) et l'Agence Erasmus + travaillent activement pour que les jeunes puissent à nouveau grandir et s'enrichir par-delà les frontières. Je travaille avec mon homologue allemande, Juliane Seifert, sur ce sujet d'avenir, porteur d'optimisme.

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