Intervention de Marie-Caroline Missir

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Marie-Caroline Missir, directrice générale du réseau Canopé :

Je présenterai d'abord notre activité depuis le mois de mars, qui se déroule en miroir des activités du CNED – qui est notre partenaire car nous sommes implantés sur le territoire poitevin. Je proposerai également une réponse à une question qui intéresse particulièrement votre commission, à savoir le type de personnes que nous touchons et les mesures qu'il me semble nécessaire de mettre en place pour cette nouvelle phase du confinement.

Quels types d'activités avons-nous donc déployés ? Canopé est un opérateur de l'Éducation nationale qui prend la forme d'un établissement public administratif (EPA). Sa mission vient d'être confortée par le ministre de l'éducation nationale lors des états généraux du numérique : il s'agit de la formation des enseignants sur le numérique et par le numérique notamment. Historiquement, Canopé est un éditeur, précédemment connu sous le nom de Centre national de documentation pédagogique (CNDP). En 2015, le CNDP est devenu Canopé et sa mission a été élargie à la production de ressources, en papier et en numérique, et l'accompagnement des enseignants. Nous franchissons donc une nouvelle étape puisque notre mission est plus spécifiquement dédiée à la formation.

Dès les premiers jours qui ont suivi l'annonce du premier confinement par le Président de la République, nous avons tenté de répondre à un premier besoin exprimé par les enseignants, à savoir la recherche de ressources adaptées à la situation particulière qu'ils vivaient. Il s'agissait d'une situation brutale, inédite, de basculement dans le distanciel, caractérisée par une multiplication des ressources partagées par le biais des réseaux sociaux et des blogs. Dans ce contexte, notre première mission était de faire le tri. Nous avons donné jour à un site internet de curation de ressources pédagogiques par niveau et par discipline, Canotech. Ces ressources étaient orientées vers un double public : elles concernaient aussi bien l'enseignant que les familles qui, dans ce moment très particulier, étaient placées en posture de médiation pédagogique voire de pédagogue elles-mêmes. Cela a constitué la première phase de notre action. Nous avons poussé une offre de plus de mille ressources, avec des pics de connexion qui ont atteint plus d'un million de sessions par jour lors du premier confinement. Cela montre que ces ressources gratuites ont manifestement trouvé un usage. Nous avons notamment mis au point « Les fondamentaux », des petits films pédagogiques qui illustrent des notions de grammaire ou de mathématiques, qui ont aussi bien été utilisés par les parents que par les professeurs. Cela est un exemple parmi d'autres.

En observant les usages et les besoins des enseignants exprimés sur les réseaux sociaux, nous nous sommes rendu compte que cette démarche n'était pas suffisante. Il fallait créer un dispositif d'accompagnement à distance pour aider les enseignants à accomplir leur mission. De l'accompagnement, nous sommes rapidement passés à la formation en tant que telle. Pour cela, toujours à partir de la plateforme Canotech, nous avons mis en ligne une offre nationale de formation à la continuité pédagogique. Cette offre se déroule à distance sous forme de webinaires organisés en trois thématiques : les métiers de l'humain, qui recouvrent la dimension relationnelle, psychologique du métier d'enseignant et la relation avec l'élève dans ce contexte particulier ; la remédiation, qui consiste en l'accompagnement des élèves en difficulté, en décrochage, en situation de fragilité et l'accompagnement des élèves handicapés ou à besoin éducatif particulier ; l'hybridation, qui est dédiée à la maîtrise du numérique et aux nouvelles formes scolaires qui sont nées du confinement puis du déconfinement, qui ont donné lieu à l'alternance du distanciel et du présentiel.

Nous avons formé, au 30 octobre 2020, 104 520 enseignants. A la fin de l'été, nous en avions formé 100 000. La progression a été ralentie, comme l'expliquait Michel Reverchon-Billot, car les élèves sont retournés en classe et que les besoins des enseignants et leur disponibilité n'étaient pas les mêmes. Au total, 44 244 sessions de formation ont été délivrées par le biais de la plateforme et continuent à l'être chaque semaine. Il est intéressant d'étudier la répartition entre les trois thématiques précédemment citées. Lesquelles ont suscité le plus d'intérêt chez les enseignants ? Sans grande surprise, la thématique des nouvelles formes scolaires, centrée plus spécifiquement sur le numérique, a intéressé 55 % des inscrits. Les métiers de l'humain, recoupant la dimension relationnelle du métier d'enseignant, a réuni 28 % de nos inscrits. Enfin, la remédiation et la gestion de la difficulté ont intéressé 17 % d'entre eux.

J'illustre ces thématiques par des exemples de sujets qu'elles couvrent. Certaines des formations de la thématique des nouvelles formes scolaires sont les suivantes : repenser sa classe et sa pédagogie ; se former, comprendre l'attention et la mémorisation ; les principes de la classe inversée. Je vous donne ces exemples à dessein car ils montrent bien qu'au-delà du défi de maîtriser l'outil numérique, et face à la situation très hétérogène des enseignants d'âge et d'aptitudes différents par rapport à cet outil, il s'est très vite révélé nécessaire d'adapter sa pédagogie, d'innover et de tester de nouvelles formes d'interaction avec les élèves. Il me semble très intéressant de consolider cela dans la période actuelle. Ce site continue et intensifie son activité, notamment dans le cadre du dispositif des territoires 100 % numériques déployés dans l'Aisne et le Val‑d'Oise. Nous y opérons, avec l'ensemble des partenaires, la formation des enseignants de ces territoires. Pour ce faire, nous avons décliné et testé de nouvelles thématiques sur les data, la parentalité numérique, la robotique par exemple.

Dans le cadre du Grenelle de la formation, je participe au groupe formation mis en place par le ministre et présidé par Boris Cyrulnik. Il a souligné que pour obtenir des conditions d'apprentissage optimales pour les enfants comme pour les enseignants, le principe essentiel est celui de la sécurisation. Vous connaissez certainement les travaux de Boris Cyrulnik sur la sécurisation des enfants jusqu'à l'âge de 3 ans. La sécurisation de l'enseignant est également essentielle. Dans la période que nous avons vécue et que nous traversons encore, l'irruption brutale, inédite, obligatoire et finalement assez violente du distanciel a généré une insécurisation des familles et des enseignants. En ce sens, la thématique sur les métiers de l'humain nous semble particulièrement importante. Elle n'est pas forcément couverte par la formation traditionnelle délivrée dans les plans académiques de formation notamment. Ceux-ci investissent beaucoup de sujets liés à l'accompagnement des réformes, aux champs disciplinaires et autres. Cette thématique tient à la relation de l'enseignant avec son élève, à la motivation, à l'attention et à la bienveillance. Elle contribue à la sécurisation de l'environnement d'apprentissage, à la sécurisation de l'enseignant et est absolument fondamentale. À la suite à l'assassinat de Samuel Paty, qui a bouleversé le corps enseignant, nous sommes en train de préparer un programme de formation spécifiquement dédié aux valeurs de la République et à la laïcité. Il nous semble nécessaire de recréer une relation à l'élève dans un contexte bouleversé, d'interroger tout ce que ce terrible attentat a fragilisé, de donner à l'enseignant des clés pour qu'il se protège et qu'il puisse évoluer dans un climat protecteur sur le plan humain. Tout cela appartient à la mission qui nous incombe. Nous l'investissons avec nos partenaires, avec la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), avec des experts, des chercheurs, qui interviennent dans nos webinaires sur ces questions. Cela est fondamental. Ce n'est pas parce que nous formons au numérique que nous ne devons pas réinvestir le champ humain, la relation humaine et œuvrer à la sécurisation de cette relation humaine. Je souhaitais attirer l'attention sur ce point qui me semble absolument capital. Merci beaucoup !

( M. Chibli prête serment.)

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