Intervention de Perrine Goulet

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 15h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPerrine Goulet :

Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre rapport. Si le constat que vous dressez est largement partagé, certaines des recommandations que vous formulez le sont un peu moins – mais cela montre toute la vitalité de notre démocratie. Merci aussi d'avoir repris certaines propositions que nous défendons sans succès depuis plusieurs mois, comme la création d'une délégation spécifique au sein de l'Assemblée nationale, la réforme de la gouvernance de l'aide sociale à l'enfance ou la mention du 119 dans le carnet de liaison : autant de petites mesures qui ne coûteraient pas grand-chose mais qui pourraient être d'une grande aide.

À la lecture de ce rapport, j'ai été frappée par une chose : c'est le manque de données. Pendant la période du confinement, on nous a transmis jour par jour le nombre de morts et celui d'hospitalisations, mais on n'est pas capable de dire combien d'informations préoccupantes ont été traitées par les départements, combien de décisions judiciaires ont été prises dans le cadre des ordonnances, c'est-à-dire en mode dégradé, combien d'ordonnances de protection ont été délivrées ; on n'est pas capable d'évaluer l'impact de la crise sur la santé des enfants, ni les violences intrafamiliales, ni le cyberharcèlement. On voit bien à quel point la politique de l'enfance manque de suivi ! Cela ne date certes pas d'aujourd'hui, mais cela transparaît dans votre rapport : on y trouve beaucoup de témoignages, mais peu de données objectives. Cela devrait nous interroger.

Étant très impliquée dans l'aide sociale à l'enfance, j'ai été étonnée de voir que 10 000 à 15 000 enfants en avaient été sortis au moment du confinement pour être, pour la plupart, renvoyés dans leur famille. Nous n'avons aucune information sur ce qui s'est passé pour eux ; et quand bien même cela se serait bien passé, cela poserait question : cela signifierait que l'on avait placé ces enfants alors que l'on pouvait sans danger les renvoyer en catastrophe dans leur famille ! Il serait bon de réexaminer notre politique de protection de l'enfance.

À l'inverse, de nombreux enfants ont été assagis par une certaine rupture avec leur famille. Je l'avais évoqué dans mon propre rapport l'année dernière : je sais que c'est compliqué dans notre société, mais il serait bon de réinterroger l'idée du lien à maintenir obligatoirement entre les parents et les enfants.

De même, la crise a montré que moins de paperasse et d'activités superflues permettaient aux éducateurs de mieux accompagner les enfants. Si l'on ne peut pas décharger les éducateurs de toutes ces tâches, nécessaires pour le suivi des dossiers, il serait bon de parvenir à un taux d'encadrement qui leur permette d'effectuer aussi leur travail éducatif et d'être davantage présents auprès des enfants.

Concernant le contrat jeune majeur, je partage entièrement votre opinion, madame la rapporteure. Dans notre pays, un enfant qui n'est pas passé par l'aide sociale à l'enfance peut attaquer ses parents s'ils ne veulent pas lui verser après ses dix-huit ans une pension alimentaire pour qu'il puisse poursuivre ses études, alors qu'un enfant confié à l'ASE ne peut se retourner contre personne pour obtenir une aide alimentaire. Il faut examiner cette question.

Venant, comme beaucoup de collègues, du monde de l'entreprise, quand j'ai vu que vous évoquiez un plan de continuité d'activité pour les PMI, je me suis dit que c'était une bonne idée… À ceci près qu'il ne faut pas s'en tenir aux PMI : il en faudrait aussi pour les instituts médico-éducatifs (IME), les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), les cellules de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) et l'éducation nationale. Nous sommes encore en période de crise, les difficultés perdurent – j'ai été sollicitée aujourd'hui encore au sujet des IME et des ITEP – et il serait bon d'y remédier. L'un des principaux enseignements de votre rapport, c'est de montrer que la crise a eu pour effet des formes de maltraitance à la reprise de l'école ; ce petit garçon qui se fait pipi dessus parce qu'il n'y a plus de couverts, ces enfants placés dans des cercles et qui ne peuvent pas échanger entre eux… : il s'agit véritablement là de cas de maltraitance à l'école. C'est pourquoi l'on a besoin d'un plan de continuité d'activité : il est nécessaire que les enfants puissent rester à l'école.

Dernière remarque : si je partage, tout comme Régis Juanico, le constat que vous dressez concernant le sport, un enfant ne se construit pas uniquement à travers les activités sportives ; il le fait aussi à travers les activités culturelles, comme le théâtre, la musique, le dessin… Il serait bon de souligner aussi l'impact qu'a pu avoir l'arrêt de ces activités sur les enfants – car tous ne sont pas sportifs.

Encore bravo pour le rapport ; quant aux propositions, on verra bien quand elles seront reprises dans un texte !

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