Intervention de Cédric Dugardin

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Cédric Dugardin, président-directeur général de Presstalis :

J'ai été nommé en février à la présidence de Presstalis en remplacement de M. Dominique Bernard, démissionnaire. Il s'agissait d'élaborer avec les actionnaires, les pouvoirs publics et les organisations syndicales une solution garantissant la continuité de la distribution de la presse quotidienne et magazine en France.

Presstalis évolue au sein d'un marché structurellement déficitaire, perdant 8 à 10 % chaque année. Les tentatives successives de retournement ne lui ont pas permis de renouer avec la profitabilité. Presstalis s'est trouvé face à une impasse de trésorerie de près de 40 millions d'euros.

Depuis mon arrivée, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les services de l'État pour limiter les conséquences sociales d'une restructuration et proposer un schéma satisfaisant pour les quotidiens et magazines, sur la base du principe de solidarité de filière. Près de dix plans de reprise ont été proposés, mais aucun n'a reçu l'assentiment de tous les éditeurs. Les difficultés de ces discussions sont liées aux différences d'appréciation des besoins de distribution et à la défiance qui peut exister entre les actionnaires. Certains ont manifesté la volonté de s'extraire de toute solidarité de filière, voire ont soutenu un plan proposé par un concurrent. Ces désaccords nous ont fait perdre du temps et la situation de trésorerie de l'entreprise a continué à se détériorer.

La crise sanitaire est ensuite intervenue. Au plus fort de la crise, le nombre de points de vente fermés représentait 19 % du chiffre d'affaires de Presstalis. La baisse des « fournis » a atteint près de 66 % pour certains trimestriels. Presstalis a maintenu son activité grâce au soutien financier de l'État.

À la veille d'une audience déterminante au tribunal de commerce, la coopérative des quotidiens, représentant 27 % de l'actionnariat de Presstalis, a proposé un plan de reprise reposant sur un volume d'affaires limité aux seuls groupes de presse quotidienne et quelques groupes de magazines. Cette offre repose sur un périmètre d'activité largement inférieur à l'existant. Le plan de restructuration est donc socialement plus lourd que prévu.

J'ai dû demander au tribunal un redressement judiciaire pour la société Presstalis et cinq de ses filiales et une liquidation judiciaire sans poursuite d'activité pour les sociétés SAD et Soprocom, dépositaires en région dits de niveau 2, pour lesquels nous n'avions ni offre de reprise ni capacité à financer une éventuelle période d'observation.

L'impact social est très lourd : 515 personnes pour les sociétés SAD et Soprocom et 130 personnes pour Presstalis, soit 645 départs sur 917 salariés. Je regrette l'absence d'accord avec les magazines qui aurait permis de limiter les conséquences sociales de la restructuration.

Pour assurer la distribution de la presse, nous avons mis en place une régie mobilisant des dépositaires indépendants et des prestataires logistiques en contrat avec Presstalis. Elle a démarré le 21 mai pour les magazines et le 25 mai pour les quotidiens. Cette solution est temporaire, en attendant la création de la nouvelle messagerie.

Ce plan fonctionne sur la quasi-totalité des territoires, sauf Lyon, Marseille et Toulon où des mouvements sociaux violents empêchent la distribution. La Corse, desservie par Marseille, est également touchée. Le plan permet de desservir 90 % des points de vente dans des conditions normales ou quasi-normales. Sur les 23 000 diffuseurs de presse en France métropolitaine, seuls mille ne reçoivent ni quotidiens ni publications. Nous recherchons activement des solutions.

L'offre de la coopérative des quotidiens prévoit la création d'une nouvelle messagerie qui conservera l'exclusivité de la distribution des quotidiens et qui restera ouverte aux magazines. Plusieurs grands éditeurs ont d'ores et déjà confirmé qu'ils la rejoindraient. Cette offre repose également sur un mécanisme innovant de sécurisation des créances des éditeurs. Elle prévoit une enveloppe de 38 millions d'euros pour l'accompagnement des salariés touchés par le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Le tribunal examinera les offres de reprises de Presstalis dans les jours qui viennent. Nous espérons que la nouvelle structure sera opérationnelle au plus tard début juillet. Plus agile, apurée des dettes du passé, cette structure sera aussi plus transparente pour les éditeurs et pour les pouvoirs publics.

La disparition de Presstalis aurait été catastrophique, car toute la distribution de la presse en France aurait été arrêtée. Le plan déployé est complexe, coûteux et douloureux, mais indispensable. Il garantit la distribution de la presse en France et restructure Presstalis d'une manière jamais faite auparavant. Il permet d'envisager l'avenir et d'inscrire la messagerie dans la réflexion sur la restructuration de la filière avec tous les acteurs, en attendant l'ouverture à la concurrence en 2023.

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