Intervention de Michel Larive

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Les directrices et directeurs d'école sont confrontés à une surcharge croissante de travail, dénoncée par les personnels et les syndicats. Les tâches administratives s'alourdissent d'année en année, alors que les temps de décharge de classes stagnent ou baissent.

La crise sanitaire a une nouvelle fois mis les directeurs d'école à rude épreuve. La mise en œuvre du protocole sanitaire, les informations contradictoires sur la présence obligatoire des enseignants et les déclarations tout aussi contradictoires du ministre de l'éducation nationale dans les médias ont été source d'angoisse pour ces personnels.

Votre proposition de loi fait la lumière sur la plupart des difficultés rencontrées par les directeurs d'école mais ne permet pas d'y répondre. Au contraire, ce texte, s'il était voté, aggraverait les inégalités territoriales et désorganiserait l'école.

À l'article 4, vous instaurez une décharge complète d'enseignement pour les directrices et directeurs dans les établissements comptant au minimum huit classes, soit aucune décharge pour les plus petites structures. Moins de 10 % des écoles de l'Ariège seraient donc concernées, comme dans tous les départements à la démographie et à la sociologie similaires.

En encourageant les détachements de personnel, notamment administratif, des communes vers les établissements scolaires, vous encouragez le désengagement de l'État dans l'éducation nationale et faites peser les charges de personnel sur les collectivités territoriales. Les écoles rurales sont souvent situées dans des communes qui n'ont la possibilité ni financière ni physique de cette délégation parce qu'elles ne disposent même pas du personnel administratif suffisant pour leur propre fonctionnement, et encore moins de concierges. Votre texte est donc profondément inégalitaire et a dû être concocté dans des cercles remarquablement éveillés de l'« expertocratie » de métropoles très éclairées… La majeure partie du territoire français n'est pas concernée. Cela contribue au rejet massif de votre proposition par les directeurs et le personnel de l'éducation nationale en général.

Une autre mesure massivement désapprouvée par les principaux concernés : la création d'un statut pour les directeurs d'école. Vous l'avez proposée dans un rapport en août 2018 : les directeurs n'en voulaient pas. Jean-Michel Blanquer l'avait proposée dans sa loi pour l'école de la confiance : les directeurs n'en voulaient pas. La majorité avait fini par abandonner l'idée, mais le ministère de l'éducation nationale a consulté les directeurs et directrices d'école sur cette même question et recueilli plus de 29 000 réponses en novembre 2019 : ils n'en veulent toujours pas puisque seulement 11 % d'entre eux se sont dits favorables à la création d'un tel statut. Vous revenez aujourd'hui à la charge grâce à une pirouette sémantique, avec non pas un statut mais une « fonction » de directeur d'école, ce qui dans les faits revient au même.

L'exposé des motifs précise que le directeur d'école a autorité pour prendre les décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans être leur responsable hiérarchique. Dans les deux premiers articles, vous prévoyez que le directeur ne donne plus simplement son avis mais entérine les décisions du conseil d'école et les met en œuvre. Vous le rendez délégataire de l'autorité académique. Vous permettez également la nomination du directeur par l'inspecteur d'académie, ce qui risque de le précariser et surtout de fragiliser sa mission : la fonction de directeur pourrait lui être retirée selon le bon vouloir de l'inspecteur. C'est donc un moyen de pression et c'est inacceptable.

La démocratie scolaire aussi risque d'être désorganisée. L'article 5 propose qu'en cas de liste unique pour les élections de représentants de parents d'élèves, les élections soient supprimées : les parents d'élèves seraient alors membres de droit du conseil d'école. Nous nous opposons fermement à cette mesure. Sans élection, il n'y a pas de démocratie, même éducative. Renoncer à des élections pour des raisons matérielles n'est pas admissible. Quid de la légitimité des parents qui siégeront sans avoir été élus ?

En résumé, les députés du groupe La France insoumise sont fermement opposés à cette proposition de loi – et je rappelle que cet avis est partagé par l'ensemble des syndicats de personnels de l'éducation.

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