Intervention de Cécile Rilhac

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Rilhac, rapporteure :

Il y a deux ans, nous avions effectivement préconisé avec Valérie Bazin-Malgras la création d'un statut, mais deux années de discussion avec les directeurs d'école m'ont permis d'approfondir le sujet et je ne suis plus convaincue que ce soit la solution. Jusqu'alors, on était resté dans le vague ; nous avons pu aller sur le terrain avec des propositions, en demandant aux personnels lesquelles ils jugeaient faisables. Or l'idée d'un statut est rejetée par près de la moitié des enseignants et accueillie par une petite majorité seulement des directeurs.

À ce propos, monsieur Larive, il faut bien voir qu'il y a 333 000 enseignants du primaire et 44 900 directeurs. Les directeurs n'étant pas reconnus comme une profession à part entière, ils n'ont pas de syndicat propre et ce sont par conséquent les syndicats d'enseignants du primaire qui représentent les directeurs : la parole des 333 000 prend le pas sur celle des 44 900. La discussion sur le terrain m'a montré qu'il existe une grande différence entre ce que pensent les directeurs et les enseignants, particulièrement sur la création de ce statut.

Pour ce qui est de la formation initiale et de la formation continue, la proposition de loi inverse en quelque sorte le processus, en posant clairement le principe que la formation initiale doit être un préalable. Il n'est plus possible, au vu des responsabilités qui leur incombent, de nommer des gens pour piloter une école après seulement trois semaines de formation. J'espère que nos débats nous permettront aussi d'avancer sur la formation continue, que nous n'avons pas abordée.

Un emploi fonctionnel, tel qu'il est défini dans les fonctions publiques, est associé à une mobilité obligatoire et à une durée déterminée – entre trois et cinq ans – reconductible une fois. Lors de mes recherches, je me suis rendu compte que les emplois fonctionnels ne reposent en réalité sur aucun cadre législatif : ils sont définis par chacune des fonctions publiques. Je vous propose donc de créer quelque chose qui n'existe pas car il faut préciser le cadre juridique de cet emploi fonctionnel. Ce sera le but d'un de mes amendements.

De la même manière, la notion de délégation de l'autorité académique manque de précision ; je vous proposerai un amendement, quitte à faire du droit bavard, pour améliorer ce point, qui n'était détaillé que dans l'exposé des motifs. Au moins aurons-nous pris nos responsabilités.

Le code de l'éducation relève, pour une grande partie, du domaine réglementaire. Toutes les questions relatives aux décharges et aux indemnités, voire à l'avancement de carrière, relèvent du règlement. La difficulté est par conséquent de trouver le juste équilibre entre notre rôle de législateur et l'obligation de pas empiéter sur le domaine réglementaire sous peine de nous voir taxer d'inconstitutionnalité. La frontière est ténue, mais nous nous sommes efforcés de la respecter. Ce qui explique beaucoup de questions de votre part. Ainsi, le fait de proposer un seuil de décharge ne signifie pas que nous nous désintéressions des petites écoles ; si ce seuil correspond à un changement de paradigme complet, ce changement, qu'il s'agisse de l'emploi fonctionnel, de la délégation académique, du fait que l'on soit chargé ou non de classe, s'applique à tous les directeurs d'école. Le fond du sujet est là : la question des décharges relève du réglementaire. D'où cette petite subtilité que nous avons trouvée pour montrer notre volonté d'avancer sur ce sujet, y compris vis-à-vis du ministère.

Mme Bannier a évoqué l'aide administrative et la nécessité de limiter la paperasse. Mais si le texte n'en parle pas, c'est précisément parce que cela ne relève même plus du domaine réglementaire mais de la circulaire, de l'organisationnel au sein même des classes. Alléger les tâches des directeurs d'école en passant notamment par la numérisation, c'était déjà une volonté manifestée lors de la refondation de l'école en 2014 ; reste que, six ans après, la question reste posée.

Sur les petites écoles, nous avons souhaité supprimer les activités pédagogiques complémentaires (APC) car c'est le seul véritable levier qui permet précisément de dégager un peu de temps pour les toutes petites écoles. La réglementation sur ce point est particulièrement touffue : les directeurs d'école avec une à trois classes ne sont pas déchargés de ces APC, alors que tous les autres le sont, au-delà de quatre classes. Pour les toute petites écoles, c'est déjà trente-six heures de gagnées. Je m'inscris donc en faux contre l'affirmation selon laquelle cette loi n'est faite que pour les écoles de grande taille.

Il s'agit d'une proposition de loi, monsieur Pancher, et non d'un projet de loi. Autrement dit, ce n'est pas parce que la niche de La République en marche arrive aujourd'hui que nous cherchons à nier les concertations en cours. Lorsque nous avons examiné le projet de loi pour une école de la confiance, les amendements de votre groupe et du MODEM sur le statut de directeur d'école avaient reçu un avis défavorable au motif qu'une concertation ministérielle était en cours : cela fait plus d'un an qu'elle dure. Nous avons toujours travaillé en parallèle de cette concertation, et tout ce qui est renvoyé à des décrets devra précisément se faire en concertation avec les représentants des personnels. Nous nous bornons à proposer un cadre, sans rien nier de ce qui relève du dialogue entre le ministère et les organisations syndicales sur la question spécifique des décharges et celle, plus globale, de la revalorisation salariale des enseignants et des directeurs d'école.

Tous les directeurs ont besoin de temps, madame Descamps, j'en suis bien d'accord.

Je vous proposerai une réécriture de l'article 5 sur les élections de parents d'élèves de manière à bien montrer que nous ne souhaitons aucunement nier l'importance de ces élections : en tant qu'ancienne présidente d'association de parents d'élèves et administratrice départementale de fédération, j'y suis fortement attachée. L'idée était de répondre à une demande du terrain de limiter la paperasserie ; mais il ne faut surtout pas que cela soit interprété comme un déni de démocratie. Nous travaillerons ensemble à trouver un bon équilibre.

Madame Bagarry, la réflexion sur les partenariats entre les collectivités territoriales et l'école est effectivement essentielle : il faut sortir de ce clivage entre l'école et le périscolaire pris en charge par les collectivités. Je suis moi aussi très attachée à l'idée de co‑éducation et surtout de co-construction entre l'éducation nationale et les collectivités locales pour prendre en charge l'enfant tout au long de sa journée.

Monsieur Bournazel, l'étude d'impact demandée par les parents d'élèves pour ce qui touche aux élections n'a pu être menée dans le cadre de cette proposition de loi, ce qui n'enlève rien à son utilité. La solution réside sans doute dans une expérimentation, qui permettrait de mesurer précisément les conséquences d'une modification des conditions d'élection des représentants des parents d'élèves, et de vérifier si cela ne va pas à l'encontre de la démocratie scolaire.

M. Sorre a évoqué les PPMS, qui sont de la responsabilité du directeur d'école. Dans certains départements, les sections académiques ont pris les devants en fournissant un document préétabli : les directeurs n'ont plus qu'à y ajouter les spécificités de leur école. Mais dans d'autres, j'ai vu des directeurs de toute petites écoles dessiner à la main le plan des bâtiments pour rédiger leur PPMS… On imagine le temps qu'ils y passent. L'objectif de l'article 6 est de faire en sorte que la responsabilité de la sécurité ne soit plus assumée par le seul directeur, dont ce n'est pas le métier : l'autorité académique doit lui proposer les outils qui s'imposent pour le soulager de cette pression et limiter, encore une fois, la paperasse.

Quand à l'avenir de cette proposition de loi, nous le connaîtrons la semaine prochaine… J'aimerais avoir une boule de cristal ! Nous sommes bien évidemment en contact étroit avec le ministre et les services du ministère. Nos discussions en commission seront importantes pour la suite de son examen dans l'hémicycle, puisqu'elle est bel et bien inscrite dans le cadre de notre niche parlementaire.

Madame Racon-Bouzon, actuellement, l'emploi fonctionnel n'est pas encadré juridiquement. Cependant, il est hors de question qu'il donne lieu à une mobilité car la stabilité de l'équipe pédagogique est un facteur important de la réussite des élèves, notamment dans les réseaux d'éducation prioritaire, mais également dans les toute petites écoles et les RPI, où les candidats à la direction sont moins nombreux. Je vous proposerai donc un amendement précisant que le directeur d'école est titulaire de cet emploi fonctionnel et que celui-ci n'emporte pas d'obligation de mobilité et n'est pas attribué pour une durée déterminée.

Néanmoins, le directeur demeurera un enseignant : il sera détaché dans cet emploi fonctionnel. Il participera donc au mouvement au même titre que les autres enseignants : il pourra, s'il le souhaite, quitter son école ou exercer à nouveau une mission d'enseignement. Ainsi, il n'est pas question, comme certains l'ont craint, de créer un statut de chef d'établissement du premier degré : à cet égard, le mode de fonctionnement de l'école est différent de celui du secondaire. C'est parce que nous avons été à l'écoute du terrain que nous avons opté pour l'emploi fonctionnel.

Madame Kuster, il est vrai que les directeurs d'école parisiens ne sont pas soumis au même régime que les autres. Mais rien, dans la proposition de loi, ne va à l'encontre de la convention conclue entre la ville de Paris et l'éducation nationale concernant le régime des décharges. L'article 4, dont je précise qu'il ne revêt pas de caractère obligatoire, reprend en quelque sorte les dispositions propres à Paris pour rappeler aux collectivités territoriales qu'elles peuvent, en s'inspirant notamment de ce modèle, contribuer à améliorer les conditions d'exercice des directeurs d'école.

Monsieur Reiss, vous n'êtes pas le seul à vous être demandé pourquoi la proposition de loi ne comportait aucune mesure relative à la coordination des RPI. Mais ce n'était pas l'objet de ce texte, qui est consacré aux directeurs d'école. Il s'agit néanmoins d'une véritable question que nous pourrons peut-être aborder dans le cadre d'une réflexion sur les critères retenus pour l'octroi des décharges, afin de proposer, sinon un statut législatif pour la coordination des RPI, du moins une évolution réglementaire.

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