Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde :

J'effectuerai au préalable un point sur cette crise sanitaire, qui a conforté l'importance de disposer d'un outil audiovisuel mondial, remplissant des missions de service public. Je tiens à saluer l'ensemble du secteur audiovisuel, qui a tenu un rôle important auprès des Français. En raison de son caractère mondial, la société a très tôt pris conscience de la crise. Les premières communications internes ont été diffusées le 3 février. Dès le 20 février, les quatorzaines ont démarré. Une cellule de crise a été activée autour du médecin du travail. Dès le 9 mars, nous avons demandé aux personnes vulnérables de rester chez elles.

Nous ne nous sommes néanmoins jamais arrêtés, en ne cessant de nous adapter, avec beaucoup de résilience et de créativité. Nous sommes immédiatement passés en plan de continuité d'activité et avons déployé massivement le télétravail, y compris pour les fonctions dites « broadcast ». Au plus fort de la crise, 15 % des effectifs étaient présents sur site, essentiellement des journalistes, des techniciens et quelques prestataires. Nous avons appliqué des conditions de sécurité maximales.

Depuis le 11 mai, nous avons initié un retour progressif à la normale, par étape, de manière prudente et réversible. Actuellement, 40 % des effectifs sont présents sur site, ce qui permet à la quasi-totalité des personnels de revenir au moins une fois par semaine. Les plateaux ont été rouverts aux invités. Après une phase 2 du plan correspondant à la période estivale, nous entamerons une phase 3 en septembre. Nous avons lancé une grande enquête sur le télétravail et le travail pendant cette période, pour en tirer des leçons. Devrait s'ensuivre une révision de l'accord relatif au télétravail actuel.

Pendant cette crise, l'offre a été centrée sur l'information. Nous avons beaucoup lutté contre les fausses informations. Nous avons réalisé beaucoup de prévention, dans les langues africaines notamment. Nous nous sommes mobilisés pour les Français de l'étranger. Nous avons favorisé l'interactivité, pour rompre l'isolement. Nous avons apporté un soutien pédagogique, avec l'école à la radio, notamment pour les populations africaines. Nous avons aussi montré les coulisses de notre organisation. Cette proximité a créé de la confiance. Nous n'avons jamais lâché sur nos valeurs et nos fondamentaux, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes. Le nombre de femmes politiques et expertes présentes à l'antenne a continué à être mesuré. Nous nous sommes mobilisés pour la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition, en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l'esclavage. Nous avons parlé culture, économie, développement durable et Europe.

Les audiences numériques ont triplé pendant cette période : 214 millions de visites en mars et avril ; plus d'un demi-milliard de vidéos vus. 50 % de l'augmentation a été conservée après le confinement. La crise a été gérée de manière responsable en termes budgétaires, sans recours au chômage partiel. La société a également été attentive aux effets sur les collaborateurs non permanents, en créant un revenu solidaire, notamment pour les correspondants à l'étranger. Nous avons enregistré des pertes de recettes publicitaires et des surcoûts de prévention sanitaire, que nous compenserons par des économies. Nous nous sommes engagés auprès de la tutelle à ne pas peser sur le budget de l'État, eu égard au fait que nous sommes financés majoritairement sur fonds publics. S'il est encore trop tôt pour le savoir avec certitude, nous pensons que nous pourrons maintenir notre trajectoire budgétaire à l'horizon 2022, avec des ajustements entre 2020 et 2021. Nous nous en sortirons, si notre dotation de redevance respecte la trajectoire prévue.

La distanciation physique nous a, à certains égards, rapprochés. Une réunion en visioconférence s'est tenue tous les mardis avec les élus, ce qui a permis d'éviter les non-dits et de travailler ensemble. Nous avons maintenu en permanence nos liens avec les ministères de tutelle et les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat. Notre conseil d'administration a été très actif. Ces pratiques doivent nous inspirer pour la suite.

S'agissant du COM, l'année 2019 a été très bonne. Nous avons enregistré des résultats d'audience record. En résultat hebdomadaire, nous avons atteint 207 millions de contacts hebdomadaires mesurés, en hausse de près de 18 % par rapport à 2018. Le linéaire a affiché une croissance de 10,5 % et le numérique de 38 %. Twitter, Facebook et Instagram comptaient 76 millions d'abonnés fin 2019 ; ils sont à présent près de 79 millions.

Ces résultats sont le fruit d'un travail et d'une stratégie mûrie. L'information experte et de qualité constitue notre bien suprême. Cette qualité est récompensée à travers notamment le prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre et le One World Media Awards. De nombreuses émissions sont consacrées à la lutte contre les « infox ». Nous renforçons également l'éducation aux médias. En 2019, 1 700 élèves ont pu échanger avec nos journalistes, en France et dans le monde. Nous recevons des enseignants, même si les financements manquent pour en accueillir davantage.

Nous nous sommes investis aux côtés des autres entreprises du service public dans Lumni. RFI Savoirs est monté en puissance. Nous avons renforcé les langues africaines, en créant des pôles à Dakar avec le mandingue et le peul, à Laos avec l'haoussa et à Nairobi avec le swahili. L'Agence française de développement (AFD) et notre conseil d'administration viennent de valider le projet Afri'Kibaaru, réalisé avec Canal France International (CFI). Celui‑ci permettra de monter en puissance sur les langues africaines. Il s'échelonnera sur trois ans et demi, avec des formations gérées par CFI, des transferts de compétences, du contenu et des valeurs telles que le développement durable, l'égalité entre les femmes et les hommes et l'éducation des filles.

Le passage de France 24 espagnol à 12 heures a été acté en décembre 2019. Avec la crise pandémique, nous sommes d'ailleurs passés à 16 heures pour répondre aux questions des auditeurs latinos. Les audiences sur le site RFI France 24 espagnol ont plus que doublé pendant cette période. En 2019, en Argentine, en Colombie et au Mexique, l'audience a progressé de 38 % par rapport à 2018. Deux contrats de diffusion importants sont en cours de négociation en Amérique latine. Pendant la crise, la chaîne a marqué sa différence, par sa crédibilité et la valeur de son information.

Nous sommes en outre très mobilisés sur le français. Nous avons dû retarder la refonte du site RFI Savoirs mais nous y travaillons. Nous collaborons beaucoup avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont le sommet a été reporté à 2021.

La transformation numérique nous a beaucoup occupés, à travers des contenus innovants, le décloisonnement entre la diffusion linéaire et le numérique, la stratégie data, la formation et l'hyperdistribution maîtrisée. 1,5 milliard de vidéos et de sons ont été vus en 2019. Les langues étrangères représentaient 50 % en 2019 et leur part croîtra encore en 2020.

Nous avons développé notre présence à l'international. France 24 a comptabilisé 440 millions de foyers distribués en 24 heures et 3 millions de chambres d'hôtel en 2019. Le groupe comptait 180 stations FM et 1 700 radios partenaires. Nous avons enregistré quelques belles signatures, telles que la TNT au Rwanda ou 23 nouveaux câblo-opérateurs en Inde pour France 24 en anglais. Nous nous sommes également développés en France, avec RFI en DAB+ à Marseille et prochainement à Bordeaux et Toulouse.

En revanche, des contraintes budgétaires nous ont imposé de sortir des États-Unis et de Scandinavie. Nous avons arrêté la diffusion en TNT en outremer mais nous demeurons dans les offres câble satellite et sur Franceinfo. Nous avons stoppé la diffusion aux Émirats arabes unis et avons fermé le site de Chypre en ondes moyennes.

Pendant la crise, cinq opérateurs, représentant 110 millions de foyers, ont diffusés gratuitement France 24 aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Roumanie.

Les coopérations au niveau national se sont développées avec Franceinfo, Culture Prime et Lumni. France Télévisions a par ailleurs décidé d'ouvrir sa fondation pour en faire la fondation Engagement médias pour les jeunes, avec TV5 Monde et nous-mêmes ; nous avons retenu les premiers projets autour de la langue et de la maîtrise de la langue pour des jeunes défavorisés, en situation de handicap ou hospitalisés. Nous mutualisons également les bonnes pratiques, par des achats groupés notamment. Enfin, le socle franco-allemand n'a jamais été aussi fort, avec la Deutsche Welle.

En 2019, le résultat opérationnel s'est établi à 2,6 millions d'euros, bien que la dotation ait diminué de 1,6 million par rapport à 2018 et de 6,9 millions par rapport au COM. Ces efforts ont été réalisés pour provisionner le plan de départs volontaires. 16 millions d'euros d'économies doivent être trouvés entre 2018 et 2022 ; 8 millions l'ont déjà été. Ce plan de départs volontaires, très ciblé et incitatif, a été provisionné intégralement dans l'exécution 2019. Il porte sur des synergies en matière éditoriale pour l'arabe et l'anglais et dans une moindre mesure le portugais. Nous entamons les négociations avec les représentants du personnel. Nous poursuivons en outre nos efforts sur le réseau de distribution. Tous les contrats sont renégociés. Nous avons demandé, dans le cadre de ce plan, à sortir de la TNT en Île-de-France mais l'État n'a pas encore apporté de réponse. Le plan de départs volontaires permet de préserver les équilibres financiers à l'horizon 2022. Nous devons, en parallèle, aller de l'avant, en recherchant des financements pour nos nouveaux projets avec l'AFD, l'Union européenne ou des fondations.

Nous avons joué notre rôle dans cette crise sans précédent. Les équipes ont été à la hauteur et ont fait honneur à la démocratie.

L'enjeu d'un financement autonome, marquant notre statut de chaînes indépendantes, est important, à l'aune de la disparition de la taxe d'habitation en 2022. J'appelle la représentation nationale à être attentive à ce point.

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