Intervention de Aurore Bergé

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 8h40
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurore Bergé, rapporteure pour avis :

Nous sommes très heureux, madame la ministre, de vous retrouver pour discuter d'un texte essentiel à l'avenir de la diversité et de la souveraineté culturelles et auquel nous sommes tous particulièrement attachés, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons.

Il est assez inhabituel que les députés eux-mêmes demandent le recours à des ordonnances. C'est pourtant ce que nous avons fait, parce que nous avons agi en responsabilité, afin que des directives essentielles à l'avenir du secteur et de la création française soient transposées dans les meilleurs délais.

Lors de son intervention à vos côtés au festival du film francophone d'Angoulême, le Premier ministre a eu des mots très forts en faveur du cinéma ; je veux l'en remercier. Les moyens du CNC seront renforcés grâce à une aide de 165 millions d'euros ; les salles de cinéma et les distributeurs, particulièrement fragilisés, seront soutenus.

Le recours aux ordonnances ne nous a pas empêchés de travailler lors des auditions qui se sont tenues la semaine dernière. Elles nous ont permis d'enrichir et d'affiner les dispositions du texte ; je tiens à en remercier mes collègues qui y ont pris part, en particulier Béatrice Piron et Sophie Mette, qui étaient à mes côtés, comme rapporteures, lors de l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.

S'agissant de la directive relative au droit d'auteur, dont la transposition est assurée par l'article 24 bis, le texte comprend des avancées considérables. La plus notable est la fin du régime d'irresponsabilité des plateformes, qui devront désormais répondre des contenus mis en ligne par leur intermédiaire et assurer le respect des droits d'auteur et des droits voisins attachés à ces contenus.

Le texte permettra aussi de transposer les dispositions de la directive relatives à la rémunération des auteurs et des artistes interprètes, afin qu'ils bénéficient d'une rémunération supplémentaire si leur rémunération initiale est exagérément faible. Je me félicite de l'engagement que vous prenez devant notre commission de conserver, dans la rédaction des ordonnances, l'équilibre trouvé lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. Je pense notamment à la nécessité d'une rémunération appropriée à la valeur économique et à la possibilité de maintenir les forfaits.

Concernant l'article 24 bis, je défendrai notamment deux amendements. Le premier fait en sorte que les auteurs et les artistes interprètes conservent la possibilité de ne pas autoriser le partage des contenus sur les plateformes. Le second doit permettre à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, d'exercer toute son expertise pour protéger des contenus encore trop souvent partagés sans l'autorisation des auteurs ou des artistes.

L'article 24 ter permettra de transposer la directive SMA de 2018, qui modifie elle‑même la directive originelle de 2010. Son apport essentiel est bien sûr le passage, pour les plateformes de vidéo en ligne, du principe dit du « pays d'origine » au principe du « pays de destination » : désormais, les services ciblant la France devront contribuer à la production nationale, quand bien même ils seraient situés dans un État étranger.

L'ordonnance permettra également de procéder à des ajustements indispensables : mutualisation de la contribution au cinéma au niveau du groupe, et non plus des services ; association des auteurs aux accords entre éditeurs et professionnels du secteur ; renforcement des pouvoirs d'enquête du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et conventionnement des services à la demande avec celui-ci.

J'ai souhaité déposer plusieurs amendements afin que certains sujets figurent bien dans les textes qui seront repris par le Gouvernement.

Le premier concerne l'étendue territoriale des droits pris en compte au titre de la contribution, question parfois appelée des « droits monde ». Il va de soi que la contribution des plateformes à la production ne pourra être calculée sur la base des droits acquis pour l'exploitation de l'œuvre dans le monde entier, sous peine que l'effet attendu ne soit pratiquement réduit à néant.

Les deux autres points sont la production indépendante, dont les critères doivent être soigneusement définis pour protéger la création, et la part d'œuvres d'expression originale française.

Mes autres amendements apportent des précisions sur le texte des ordonnances à venir. Une, en particulier, est nécessaire : l'audiovisuel et le cinéma doivent demeurer dans deux « couloirs » distincts de soutien à la production. L'accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap et la visibilité des programmes d'intérêt général me semblent également mériter une mention.

Enfin, un amendement à la fin de l'article 24 ter doit permettre de renforcer les pouvoirs du CSA et du CNC à l'égard des plateformes, en garantissant qu'ils pourront échanger des informations au sujet non seulement du chiffre d'affaires, mais aussi du nombre d'utilisateurs de la plateforme. Cela permettra d'y voir plus clair, car les données transmises sur les chiffres d'affaires sont parfois surprenantes, pour le dire poliment.

Nous le savons, et vous en êtes vous-même convaincue : il faudra aller plus loin sur certains sujets, dont la chronologie des médias – le Premier ministre s'y est clairement engagé. Il en va de même de la lutte contre le piratage, qu'il s'agisse des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques ou encore des droits sportifs, ainsi que de la modernisation de la régulation. Au sein de la commission des affaires culturelles, nous croyons à la complémentarité entre le CSA et la HADOPI, donc à leur fusion.

Néanmoins, le texte permet de traiter des sujets essentiels, et de le faire vite. Or c'est une nécessité absolue.

Pour conclure, je souhaiterais aborder un sujet qui me tient à cœur : la place de la salle de cinéma dans la définition juridique d'une œuvre cinématographique. Je souhaitais que cette place soit reconnue expressément dans le texte ; cela n'est malheureusement pas possible, pour des raisons de recevabilité. J'insiste néanmoins sur mon attachement – je pense pouvoir dire « notre attachement » – à la salle de cinéma face à des acteurs internationaux qui semblent malheureusement s'en détacher. Madame la ministre, quel est votre point de vue à ce sujet et quelle sera votre position face à ceux qui mettent en péril l'équilibre et la diversité du secteur ?

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