En mars dernier, nous avons longuement examiné le projet de loi tant attendu sur l'avenir de l'audiovisuel. Nous avons tenté de mieux équilibrer ce texte technique et difficile qui essayait d'embrasser l'ensemble des problèmes du monde audiovisuel. Certains de ces problèmes avaient fait l'objet de précédents textes, tandis que d'autres sont apparus plus récemment à la faveur du développement de technologies et de pratiques nouvelles dans la transmission des contenus audiovisuels, le tout au sein d'une économie de marché mal régulée dont les éléments fondamentaux ne correspondent pas à notre vision du partage culturel.
Puis le virus est arrivé, qui a stoppé net notre élan, écarté le débat parlementaire et dessaisi les élus que nous sommes de leur capacité à proposer et à amender. Pas de chance pour l'expression parlementaire, pour le débat constructif que nous voulions poursuivre, pour le vote dans l'hémicycle auquel nous nous préparions. Pas de chance non plus pour les acteurs des filières de l'audiovisuel qui, en plus de la difficulté considérable dans laquelle la crise sanitaire allait les plonger, se trouvaient privés de débat et d'outils législatifs, ces outils censés leur permettre de réagir au déséquilibre né de l'arrivée de nouveaux acteurs trouvant sur le continent européen un marché disponible sans contraintes et exposant auteurs, diffuseurs et internautes à un risque croissant de dérégulation.
La circulation des contenus téléversés par les services audiovisuels non établis en France nécessitait une réforme permettant d'asseoir une contribution juste à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression française. L'Europe l'avait bien compris, qui a enjoint tous les États membres à se saisir des directives à l'ordre du jour de notre débat. Fruit de difficiles négociations, elles ont pour but de responsabiliser les plateformes et de corriger l'asymétrie entre les nouveaux acteurs et ceux des filières traditionnelles.
Plus personne ne le conteste, les plateformes sont incontournables et peuvent être utiles – à condition que nous soyons capables de leur fixer des règles et de les faire respecter dans l'intérêt des auteurs, des créateurs, des artistes et de leurs ayants droit, tout en préservant notre jeunesse et nos publics les plus fragiles face à un déferlement de contenus ; à condition que le droit européen protège mieux les auteurs et permette d'améliorer les revenus qu'ils tirent de leur travail.
La crise est venue nous rappeler la place prépondérante que la culture sous toutes ses formes occupe dans nos vies. Dès le mois de juin, inquiets de voir que le processus législatif n'irait pas à son terme, et malgré l'opposition de principe de nombreux parlementaires à la procédure d'habilitation à légiférer par ordonnance, nous avons accepté de prendre nos responsabilités en reconnaissant qu'il y avait urgence. Nous avons travaillé pendant des semaines et entendu tous les acteurs du monde culturel nous dire qu'ils attendaient de la représentation nationale et du Gouvernement une régulation plus adaptée.
En commission, d'importantes modifications des textes avaient été adoptées, portant sur des éléments qui nous tiennent à cœur. Comme son homologue du Sénat, le groupe Socialistes et apparentés espère vivement que le texte résultant de la transposition sera à la hauteur des enjeux et tiendra compte de ces nombreuses améliorations. Nous regrettons que certains points, comme la lutte contre le piratage, ne puissent y figurer, et que le champ radiophonique, élément structurant du paysage audiovisuel, soit absent du texte. Nous voulons aussi que l'avenir de l'audiovisuel public soit assuré. Nous espérons que le débat reviendra vite et que la confiance nous permettra d'avancer.