En tant que rapporteur d'application d'une loi qui n'a pas encore été votée, j'ai le sentiment de mettre la charrue avant les bœufs, mais, au regard des aléas qu'a connus la loi de programmation, avec plusieurs reports – la mise en pause du fait de la crise du covid-19 ou du changement de Gouvernement –, c'est plutôt un sentiment de soulagement qui a prévalu lorsque le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 22 juillet.
On ne peut que se réjouir de la volonté de favoriser enfin le rayonnement de la recherche française et, en cette période de crise sanitaire où les milliards injectés dans l'économie donnent le tournis, être satisfait de l'augmentation pluriannuelle des crédits destinés à la recherche. La loi de programmation prévoit une augmentation de 5 milliards d'euros en 2030 des crédits alloués à la recherche, dont 1 milliard pour l'ANR – et ce dès 2027 –, consolidant ainsi la place de cet organisme dans le domaine de la recherche. Elle se fixe également pour objectif la revalorisation des métiers scientifiques.
La revalorisation des carrières est attendue et plus que nécessaire. C'est un chantier titanesque, qui doit prendre en compte l'ensemble des personnels et des établissements publics, et non se limiter à ceux du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) : la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 doit concerner toute la recherche française.
Les débats ne seront pas de tout repos, car le texte a déclenché une vague de protestation sans précédent dans le monde universitaire et scientifique, qui craint qu'une recherche plus compétitive ne devienne sélective et n'augmente la précarité dans la profession.
Selon moi, l'un des enjeux est l'efficacité de la recherche appliquée en entreprise : certes, la loi de programmation doit en priorité permettre des progrès dans la recherche fondamentale – c'est le modèle dominant dans les universités –, mais ces deux approches, quoique différentes, me semblent complémentaires. Tout en regrettant au passage que la recherche en santé ne soit pas spécifiquement affichée et soutenue dans le projet de loi, je prendrai pour exemple la recherche médicale, qui peut être fondamentale ou clinique. Les membres du groupe de travail de notre commission chargé du suivi de la crise sanitaire du covid-19 dans le domaine de la recherche en ont pris conscience lors des différentes auditions orchestrées par Philippe Berta et Sandrine Josso.
Sans doute faudra-t-il de nouvelles approches entre l'université et les entreprises en matière de recherche, une proximité nouvelle qui créera une synergie forte avec les acteurs socio-économiques. Dans notre commission, tout au long de l'année 2019, les Rendez-vous de la recherche ont permis à la Conférence des présidents d'université, mais aussi à des organismes comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le CNRS ou l'INRIA de faire des propositions.
Un des objectifs majeurs est de redonner des marges financières à la recherche française. Pour cela, il faut avoir en mémoire la stratégie de Lisbonne qui, vous l'avez rappelé, madame la ministre, prévoyait il y a déjà vingt ans que 3 % du PIB soient consacrés à la recherche, dont 1 % à la recherche publique – en 2019, en France, nous en étions respectivement à 2,2 % et 0,7 %.
Nous sommes dans le cadre d'une loi de programmation pluriannuelle, à un an et demi d'une élection présidentielle : cela me conduit à penser que se soucier de l'application de la loi, même avant les débats, n'est finalement pas si incongru que cela. Madame la ministre, vous voulez donner du temps, des moyens et de la visibilité, et il s'agit d'une loi pour les dix ans à venir, mais n'oublions pas qu'il y a un certain nombre d'urgences. Si l'une des conséquences de cette loi pouvait être d'améliorer les débouchés dans le domaine de la recherche, cela permettrait sans doute à de jeunes chercheurs ayant quitté la France en fin de doctorat de trouver un poste dans leur pays d'origine. Ce serait déjà un très grand progrès.