Permettez‑moi de saluer les personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui assument leur mission pendant la pandémie, sans toujours disposer des moyens suffisants pour y faire face. Le projet ne les rassure pas, et je les comprends, car il porte une vision concurrentielle de la recherche, bien loin des besoins exprimés. Cette loi manque l'objectif de redonner à la recherche publique les moyens et la stabilité dont elle a besoin. C'est une loi de promesses, auxquelles de moins en moins de gens croient. L'effort budgétaire, pour atteindre l'objectif de Lisbonne de 3 % du PIB dédiés aux dépenses de recherche, dont un tiers à la recherche publique, ne débute que très lentement et ne sera réel qu'après le mandat actuel, sans aucune garantie. Une programmation sur dix ans me paraît excessive : elle fragilise les objectifs et est incapable de créer le choc d'investissement dont a besoin la recherche pour faire face aux défis environnementaux, sanitaires ou numériques.
Le projet acte l'augmentation des crédits de l'ANR, soit du financement par appels à projets. Depuis 2012, ce mode de financement vient progressivement supplanter les crédits récurrents. Les chercheuses et les chercheurs demandent un rééquilibrage en leur faveur, afin de leur dégager du temps, de favoriser l'innovation et la prise de risques et de garantir leur liberté de recherche.
Autre point préoccupant : les nouveaux contrats. La création d'un CDI de mission scientifique est une atteinte à la notion pourtant structurante dans notre droit du travail de CDI. Appeler CDI un contrat de mission est très surprenant ! Au‑delà de la sémantique, ce nouveau contrat sans titularisation ni prime de précarité vient accompagner la précarisation déjà bien avancée des personnels de la recherche. Madame la ministre, en refusant une titularisation massive des travailleurs de la recherche, en leur offrant comme seul avenir l'incertitude, nous privons notre pays de grandes ressources.
Les contrats dits de chaires de professeur junior ne sont pas non plus satisfaisants. En créant une nouvelle voie de recrutement, on affaiblit encore un peu plus le statut. En portant la limite à 25 % dans le corps et à 50 % des établissements, cette nouvelle voie vient directement en concurrence avec la voie classique et porte préjudice aux maîtres de conférences notamment. À défaut de les supprimer totalement, il est impératif que notre commission limite ces recrutements. Pour empêcher les jeunes talents de quitter notre pays, ce sont d'autres réponses qu'il faut trouver, au niveau des salaires et des moyens donnés à la recherche.
Le projet de loi est également insuffisant sur des points essentiels. Si le lien entre la recherche publique et le monde de l'entreprise doit être consolidé, il n'est pas l'unique critère de dialogue entre la science et la société. Quelle place pour les citoyennes et les citoyens dans la construction des grandes orientations en matière de recherche ? Comment améliorer le lien avec le tiers‑lieu scientifique ? Des associations comme Sciences citoyennes ont des propositions concrètes qu'il nous faut débattre.
La question de l'intégrité scientifique est également incontournable, afin de conserver à la parole scientifique toute sa crédibilité et sa portée dans la société. Plusieurs collègues de l'Assemblée et du Sénat ont travaillé à cette question et soumettront des amendements que nous soutiendrons. Le groupe GDR, en soutien à la mobilisation des chercheurs, présentera, lors du débat, d'autres propositions sur les points que j'ai soulevés.