Intervention de Pierre Schmitt

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Schmitt, directeur technique et innovation de Librairie et édition en ligne de manuels scolaires :

Les questions étant très nombreuses, je ne répondrai qu'à celles pour lesquelles je pense être potentiellement pertinent. Je vous invite à me contacter par la suite. Je débattrai très volontiers avec vous en dehors de cette commission formelle.

Sur la question des manuels, je suis libraire. Je ne vends pas uniquement des manuels, lesquels ne constituent pas l'alpha et l'oméga de l'éducation. Cependant, il s'agit d'une pratique très ancienne, ancrée, connue et maîtrisée par les enseignants. Le manuel numérique, qui est une version homothétique du papier, est une excellente porte d'entrée et constitue une manière rassurante et exhaustive sur le plan du programme d'embarquer l'enseignant dans le numérique éducatif. Dans des régions qui ont débuté depuis un certain temps, il est constaté qu'une fois le numérique maîtrisé au niveau du manuel, l'enseignant, qui se trouve alors dans une sphère connue, s'autorise à quitter l'utilisation du manuel pour s'orienter vers d'autres types de ressources et d'outils gratuits ou payants. Il ne s'agit donc pas d'un frein, mais d'une favorisation.

Nous savons aussi que tous les manuels papier ne sont pas toujours utilisés à la hauteur de ce qui est imaginé. Certains restent sur l'étagère, ce qui est également le cas, sans doute dans une moindre mesure, des manuels numériques. La question des commissions de discipline qui imposent à un enseignant de mathématiques de disposer du même manuel que ses trois autres collègues se pose beaucoup moins avec le numérique puisque l'enseignant est libre de son choix. Par conséquent, son appropriation est forcément plus élevée. En réalité, le numérique devrait permettre une utilisation rationnelle des manuels. Ainsi, certaines classes décident de ne pas utiliser de manuel pour les mathématiques et de recourir à d'autres ressources. Ils affectent donc leur budget différemment ou le rendent disponible pour d'autres collègues, ce qui n'était pas du tout le cas avec les manuels papier. Le manuel numérique agit donc plutôt comme un facilitateur.

L'explosion des photocopies dans les lycées en projet numérique est une évidence. Il faut dire aussi que nous en sommes qu'au début et que des problématiques d'infrastructure, de débit, de Wi-Fi et de formation des enseignants persistent dans certains établissements. Il n'est pas question de deux vitesses, mais de vingt-cinq. Les enseignants, qui se donnent de petits sobriquets entre eux sur les réseaux sociaux, appellent les « Consternants » ceux qui considèrent que l'école doit protéger le monde du numérique. À l'autre extrémité, se trouvent ceux que les premiers appellent les « Péda-gogos » qui ne jurent que par le numérique. Il s'agit d'une erreur tout aussi importante que la première, car ce qui compte n'est pas l'outil, mais la méthode et le choix des outils pour assurer le processus pédagogique. Le gradient est donc important.

Il faut que les programmes de formation des enseignants mettent le pied à l'étrier de ceux d'entre eux qui sont le plus loin du numérique, favorisent ces champions du numérique et ne laissent pas au bord de la route ceux qui ont besoin de progresser. Je propose de laisser les industriels former aux outils et de concentrer les forces de formation sur l'acculturation au numérique en général et à son bon usage dans un projet et une activité pédagogique. L'outil doit venir ensuite. Des webinaires et des vidéos sont à disposition pour s'auto-former sur les outils. L'institution ne devrait pas se concentrer sur la formation aux outils, ni même sur leur choix dans la mesure où les enseignants sont tout à fait capables de s'en charger.

Je n'ai pas connaissance de la Trousse à projets. J'en apprendrais davantage avec grand plaisir.

Sur la question de l'interopérabilité, l'industrie a des progrès nets à réaliser. Aujourd'hui, nous ne parvenons pas à obtenir tous les manuels au sein d'une seule et même bibliothèque applicative pour les enseignants et les élèves. Néanmoins, le GAR étant anonyme, nul ne peut savoir qu'un même élève souhaite obtenir les différents manuels. Un travail reste donc à effectuer sur ce point.

S'agissant de l'adaptation des élèves en situation de handicap, la plupart des manuels permettent des conversions de caractères compatibles avec la dyslexie ou la malvoyance. Toutefois, des progrès restent à effectuer sur la question du handicap, tout comme sur la plupart des plateformes publiques. En réalité, il est question de développement et d'investissement, lequel s'opère lorsque le marché existe et que sont offertes des possibilités de chiffre d'affaires. Tant qu'ils ne seront pas face à de réels marchés avec des budgets pérennes, les industriels n'investiront pas massivement dans un projet ayant peu de chances de générer du chiffre d'affaires. Il s'agit d'une logique implacable de marché où la demande ne suffit pas. Elle doit recevoir le soutien budgétaire afférent pour que les industriels y répondent.

En ce qui concerne l'École pour tous, Mathis Flavin, qui est lycéen, a adressé une proposition à sa députée affirmant que le confinement lui a été très bénéfique en lui permettant de travailler tranquillement sans pagaille dans la classe, temps de discipline ni perturbations. Certes, tous les élèves ne disposaient sans doute pas d'un calme identique chez eux, mais il s'agit d'une vraie question. Nombre d'enseignants se sont probablement insuffisamment saisis d'innovations pédagogiques comme la classe inversée, qui n'est pas une panacée, mais qui consiste à travailler seul la théorie et à être aux côtés de l'enseignant pour aborder les exercices en mode projet et en travail de groupe. Des associations d'enseignants extraordinaires qui effectuent un travail gigantesque sur ce sujet manquent de moyens. Les tiers lieux permettent de pallier le manque de moyens et de calme pouvant exister chez un élève. Globalement, Mathis Flavin sollicite davantage de temps de travail seul en faveur d'une meilleure efficacité.

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