Je débuterai mon propos par la question de la souveraineté de nos ressources éducatives. Il est important de préserver le système éducatif français qui est porteur des valeurs de notre société. S'agissant de la souveraineté, il convient de différencier les outils grand public de ceux des entreprises. Il est question de solutions mondiales de visioconférence, de cloud et de réseaux sociaux sur lesquelles nous ne nous battrons pas. En revanche, nous disposons de vraies solutions dédiées à l'éducation et à la formation. En France, de nombreux programmes de recherche ont permis à nos start-ups et aux industriels de développer des solutions innovantes, ce que le confinement a montré.
Toutefois, les entreprises ne peuvent se développer en l'absence de marché. En Angleterre, la filière EdTech, qui est très bien structurée, chasse en meute à l'international et pousse ses solutions. Il en est de même concernant les États-Unis et la Chine. En l'absence de marché interne, il est exclu de s'orienter vers l'international. En France, les ressources numériques représentent 3 à 5 euros par élève et par an, contre 50 euros dans nombre de pays européens. Entre 500 et 600 millions d'euros seraient nécessaires pour les 12 millions d'élèves français. Certes, il s'agit d'un investissement, mais qui n'est qu'une goutte d'eau vis‑à-vis du coût dans la durée de l'échec scolaire. Dans le cadre du plan de relance, nous avons communiqué ce coût auprès de Bercy. Il est important de consacrer un peu de budget à nos ressources éducatives.
Au travers des programmes d'investissements d'avenir nous avons la chance de bénéficier de programmes de recherche de deux types. L'objet des e-FRAN, qui sont opérés par la Caisse, est d'évaluer la pertinence de nos solutions pédagogiques. Des papiers qui seront prochainement publiés dans des revues internationales montrent que l'apprentissage est meilleur avec le numérique et que la fracture sociale peut se réduire grâce à ces outils. Nous disposons désormais de ressources granulaires modifiables par l'enseignant afin d'adapter individuellement le parcours de l'élève. Or face à 30 ou 40 élèves, ce dernier s'adresse au public, et non pas à chaque élève. Les études PISA montrent que les enseignants français savent traiter le cœur de classe, mais les très bons élèves et ceux qui rencontrent des difficultés sont laissés de côté. L'outil numérique permet d'équiper l'enseignant afin de favoriser cette individualisation.
La recherche est fondamentale car elle permet d'innover et d'améliorer ces solutions. Au travers des PIA portés par la DNE et le ministère, nous avons financé des programmes où nous amenons de l'intelligence artificielle allant dans le sens de cette individualisation, ce qui nécessite de travailler les modèles de données, lesquelles doivent être interopérables. Les données anonymisées doivent permettre d'améliorer nos outils pour favoriser cette individualisation.
La commande publique peut parfois constituer un frein en raison d'une certaine lourdeur. Nous avons besoin d'appels d'offres nationaux portés par le ministère pour fournir un socle numérique de base à tous les établissements scolaires. En période de confinement, les banques de ressources numériques et celles du CNED ont été les plus utilisées. Il s'agit de ressources gratuites construites par les industriels avec des équipes d'auteurs qui sont des professeurs. Le public et le privé ne s'opposent pas : nous travaillons conjointement. Les PIA constituent un socle numérique de base. Il convient de développer des solutions prenant en compte le RGAA car créer des ressources adaptées et favoriser l'inclusion est onéreux. Nous sommes invités à respecter le RGAA dans les marchés publics, mais l'entreprise qui fait vraiment l'effort de s'orienter vers l'inclusion ne pourrait-elle pas disposer d'un budget supplémentaire pour travailler avec les enseignants sur les fonctionnalités nécessaires en lieu et place d'un cahier des charges très normé qui constitue souvent une contrainte et ne répond pas toujours au sujet ? La commande publique peut favoriser l'innovation et amener ce socle numérique de base.
Il convient néanmoins de respecter la liberté pédagogique des enseignants et des directeurs d'école en leur laissant la capacité de choisir leurs ressources. Nous avons besoin de diversité et de solutions adaptées aux territoires, ce qui se décide au plus près de l'écosystème.
L'objectif est de se tourner vers l'international afin de porter le modèle éducatif français et nos valeurs dans les pays francophones. Il est important d'investir dans l'éducation de ces pays. Face aux problématiques migratoires que nous rencontrons, nous n'agissons pas correctement si nous n'aidons pas à former ces personnes avec notre système éducatif afin qu'elles trouvent un emploi chez elles. Agir au travers de l'éducation dans ces pays en développant une filière EdTech en France destinée à porter nos valeurs à l'international est particulièrement important.
Il nous faut opérer dans un cadre de confiance. Le RGPD permet une adaptation à la filière au travers du code de conduite, lequel est porté par l'AFINEF et les autres acteurs du numérique. L'objectif est de simplifier et de créer un cadre de confiance. Le RGPD appliqué à l'école est interprété de manière différente sur le territoire. Il nous est souvent opposé que nos solutions ne sont pas conformes au RGPD, ce qui n'est généralement pas le cas, mais le principe est mal expliqué. Le but est de garantir le respect des données dans la mesure où aucun acteur EdTech France ne commercialise les données des élèves. Nous avons besoin d'éléments sur les apprentissages des enfants, ce qui nécessite de créer un cadre de confiance au travers d'un code de conduite permettant aux acteurs de recourir à nos outils sans craindre une mauvaise utilisation des données.