La proposition de loi du groupe majoritaire vise à encadrer l'exploitation commerciale de l'image de mineurs de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. En effet, des vidéos mettant en scène des enfants lors de différents moments de leur vie sont publiées régulièrement sur des plateformes telles que YouTube. Les enfants sont souvent filmés dans le cadre d'activités de loisirs, de défis, de tutoriels ; ils testent parfois des produits. Or, il faut se rendre à l'évidence, ces vidéos, dont beaucoup de jeunes sont friands, ne font l'objet d'aucun encadrement légal. Elles constituent un enjeu économique et financier substantiel, que ce soit pour les familles, qui en retirent parfois des revenus élevés, pour les marques, qui y voient une nouvelle opportunité publicitaire, ou pour les plateformes elles‑mêmes.
Le texte a pour objet d'instituer un cadre juridique, inspiré du régime applicable aux enfants du spectacle – dans le théâtre ou le cinéma. Il définit les éléments tels que les horaires, la durée du tournage, les modalités de consignation des revenus. En effet, ces vidéos sont généralement le support de publicités, qu'il s'agisse de coupures publicitaires, d'encarts publicitaires superposés à l'image ou de placements de produits – cela peut concerner la vente de produits dérivés. Il est donc nécessaire de protéger les enfants sur le plan financier, car ces revenus ne font l'objet d'aucun autre encadrement que celui prévu par le droit social et fiscal général. Le législateur doit s'assurer que les enfants bénéficient d'un statut protecteur. L'article 1er subordonne ainsi le travail d'un mineur de moins de 16 ans, dans le cadre d'une production à but lucratif destinée aux plateformes de partage de vidéos, à une autorisation individuelle ou à un agrément préfectoral.
La loi doit aussi prendre en compte les conséquences d'une exposition médiatique des enfants sur leur développement psychique. Au-delà de l'impact que peut engendrer la célébrité sur le développement psychologique, les risques de survenue du cyber-harcèlement – phénomène courant sur les plateformes de partage de vidéos – sont naturellement accrus. Un travail de pédagogie est nécessaire auprès des parents – qui doivent prendre leurs responsabilités – et des personnes qui visionnent ces vidéos, parfois en toute crédulité et en méconnaissance des conséquences que peut engendrer l'exposition médiatique. Enfin, la proposition de loi vise à responsabiliser les plateformes et à créer un droit à l'oubli pour les enfants.
Notre famille politique a toujours été attachée à la protection de l'enfance. Je rappelle que la loi du 6 août 1963 modifiant et complétant les dispositions relatives à l'emploi des enfants dans le spectacle a structuré la législation dans ce domaine. Cette législation a été consolidée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, par le décret du 24 août 2007 relatif au suivi médical et au pécule des enfants employés dans les spectacles, la publicité et la mode.
Au-delà de la protection juridique et économique des enfants, il faut prendre la mesure des effets dévastateurs que peuvent produire l'omniprésence des écrans et la mise en scène de la vie des enfants. On peut regretter, à ce titre, que l'adoption d'amendements ait allégé les dispositifs prévus aux articles 3 et 4. En effet, si la proposition de loi est peut-être devenue plus souple, sa version initiale paraissait plus protectrice des droits des enfants sur deux points : le cas des enfants n'entrant pas dans le cadre de l'article 1er et la responsabilisation des plateformes.
Le Sénat a effectué un bon travail en renforçant la protection des enfants de moins de 16 ans, tout en clarifiant plusieurs dispositions du texte. L'essentiel du dispositif étant maintenu, le groupe Les Républicains maintiendra son vote favorable en séance.