La révolution numérique est un vecteur exceptionnel de croissance et de créativité qui nous offre chaque jour de nouvelles possibilités – nous l'avons encore constaté ces derniers mois – mais elle a également une face sombre en raison de l'insuffisance des règles qui régissent ce nouvel espace.
Nous ne pouvons pas attendre une autorégulation de la part des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. Notre responsabilité de législateurs implique de nous saisir des nouveaux défis émergents avec l'évolution du monde et des usages, dont celui de la protection des mineurs.
Cette proposition de loi comble un vide juridique : l'exposition des mineurs de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. La question est d'autant plus urgente qu'elle se pose chaque jour avec plus d'acuité.
Depuis quelques années, les vidéos mettant en scène des mineurs se multiplient sur internet, qu'elles soient réalisées par ces derniers ou par leurs parents filmant leur vie de famille. Bien que leur qualité créative soit parfois discutable, certaines ont été vues des millions de fois. Les recettes publicitaires liées à la monétisation des vidéos comme au placement de produits sont par conséquent très significatives. Parmi les chaînes les plus populaires, certaines publient des contenus quotidiennement.
Si ces vidéos ont souvent un caractère ludique, en apparence bon enfant, on peut légitimement se demander si elles sont spontanées et naturelles lorsque l'on voit la cadence de publication et les revenus qu'elles peuvent générer. On ne peut pas exclure que certaines d'entre elles cachent des pratiques de travail illicite, voire une forme moderne d'exploitation. Par ailleurs, nous mesurons encore mal les conséquences psychologiques, pour les mineurs, d'une exposition aussi précoce et massive de leur vie privée.
Le travail des enfants est interdit depuis 1867. Quelques rares exceptions existent, d'ailleurs strictement encadrées : l'activité des enfants dits du spectacle ou des enfants mannequins se déroule ainsi dans un cadre et avec des règles visant à les protéger. Face aux abus manifestes et afin d'éviter au maximum les dérives, il relève de notre responsabilité de créer un cadre analogue pour les mineurs qui se retrouvent sur les plateformes en ligne. Tel est l'objet de cette proposition de loi, dont je tiens, au nom du groupe Agir ensemble, à saluer l'auteur, Bruno Studer, ainsi que les parlementaires qui l'ont enrichie en première lecture.
Notre groupe retient trois avancées importantes.
Ce texte protège les enfants en faisant entrer dans le droit commun cette forme de travail, salarié ou non, en l'alignant sur celui des mineurs travaillant dans le cinéma. Leur temps de travail sera désormais encadré et leurs revenus leur seront affectés.
Il garantit le droit à l'oubli. Les mineurs n'auront pas besoin de l'autorisation de leurs parents pour le faire valoir, ce qui constitue une avancée fondamentale.
Enfin, il responsabilise et associe les plateformes dans ce combat. Elles devront diffuser des chartes et contribuer à la lutte contre les abus.
La France est le premier pays au monde à s'emparer de ce sujet. Comme pour l'ensemble des défis liés à la régulation numérique, des solutions doivent être trouvées sur le plan européen mais, dans cette attente, ce texte constitue une avancée satisfaisante dont nous pouvons tous être fiers. Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble votera en sa faveur.