Intervention de Muriel Ressiguier

Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Malgré une communication menée tambour battant, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est décevant. En ce qui concerne la recherche, le programme 172 augmente de 3,2 %, mais le principal bénéficiaire en sera l'ANR. Vous confortez ainsi le système des appels à projet, chronophages et injustes, au détriment des crédits récurrents. À l'heure actuelle, une vingtaine d'universités captent 80 % des financements de l'ANR, et ce sont, sans surprise, les plus prestigieuses. En outre, ce système limite les thématiques scientifiques et la liberté des chercheurs.

Aucun emploi de titulaire supplémentaire n'est budgétisé. Votre ministère affiche dans sa communication le recrutement de 700 équivalents temps plein travaillé (ETPT), qui sera réalisé sous plafond stable en redéployant des postes non pourvus. Or, si ces emplois ne sont pas pourvus, c'est parce que les subventions pour charges de service public ne sont pas assez importantes pour les financer. Le CNRS, par exemple, voit le nombre de ses ETPT baisser, avec 41 emplois en moins, alors que le nombre d'emplois hors plafond augmente, quant à lui, de 485 ETPT. Ces emplois concerneront notamment les fameux « CDI de mission » et les chaires de professeur junior, qui sont de nouveaux statuts précaires créés par la LPR. Il s'agit donc bien de supprimer des postes de fonctionnaires pour les remplacer par des contrats précaires.

S'agissant de l'enseignement supérieur, vous poursuivez la politique de sélection, aggravant les inégalités d'orientation. Vous remettez en cause, ce faisant, la démocratisation de l'enseignement supérieur. Ainsi, alors qu'il y avait 57 700 étudiants en plus selon le ministère, seulement 21 500 places supplémentaires ont été créées à la rentrée 2020. Parcoursup laisse chaque année de plus en plus d'étudiants sur le carreau. Cette année encore, à la fin de la phase principale, mi-juillet, 10,7 % des candidats étaient sans proposition, contre 7,4 % en 2019.

L'accès en master devient, lui aussi, de plus en plus problématique. Selon l'UNEF, 9 000 candidats en master se sont trouvés sans affectation à la rentrée 2020 ; les saisines du rectorat ont bondi de 126 % à la rentrée. Le déterminisme social se voit ainsi renforcé.

Plus de doute, hélas, sur votre volonté de laisser se dégrader l'enseignement supérieur public au profit du privé. Le budget de 9 millions que vous allouez à ce dernier et votre choix de financer les frais d'une certification privée d'anglais à hauteur de 7,3 millions en sont un bel exemple.

Enfin, vous ne semblez pas prendre véritablement la mesure de la précarité étudiante, qui explose. Alors que 46 % des étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études et que la plupart ont perdu leur emploi suite à la crise, vous augmentez les bourses de 1,2 % seulement, soit 67 euros par an pour les plus élevées d'entre elles, qui sont, de surcroît, toujours attribuées sur dix mois et non sur douze, comme le réclament les organisations étudiantes. Certes, vous avez récemment instauré le ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les boursiers, et c'est une bonne chose. Mais, là encore, nombre d'étudiants restent sur le carreau. La crise sanitaire et la fermeture des « Resto U » lors du confinement, fréquentés habituellement par tous les étudiants, ont mis en exergue les difficultés qu'ont beaucoup d'entre eux pour se nourrir.

De plus, en pleine crise sanitaire et sachant qu'un tiers des étudiants renoncent aux soins, vous baissez de 300 000 euros le budget de l'action « Santé des étudiants » du programme « Vie étudiante ». Rien n'est prévu concernant l'augmentation du nombre de logements gérés par les CROUS, alors que le logement est un problème criant pour les étudiants.

Méthodiquement, en renforçant l'individualisme et la compétition, vous démantelez la recherche publique, vous sabordez l'accès pour tous à l'enseignement supérieur. Votre « monde d'après » obscurcit l'avenir de la jeunesse et va à l'encontre de l'intérêt général.

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