. La nomination du président du HCÉRES est observée attentivement, à juste titre, par la communauté scientifique et universitaire de notre pays. C'est pourquoi il importe de revenir sur les événements survenus au cours des derniers mois afin de contextualiser les questions essentielles pour nous permettre de nous prononcer en connaissance de cause.
Voilà un an que le mandat de M. Michel Cosnard est achevé et que la présidence du HCÉRES est vacante, de même que le collège dont les membres n'ont pas été renouvelés. Cette instance majeure pour l'enseignement supérieur et la recherche de notre pays est donc en sommeil depuis un an, alors que l'article 5 de la loi du 20 janvier 2007 qui régit les AAI dispose « qu'il est pourvu au remplacement des membres huit jours au moins avant l'expiration de leurs mandats ».
Ma première question sera donc la suivante : pour quelle raison le collège, dont les membres sont nommés par décret, n'a-t-il pas été renouvelé en temps utile ? Depuis plus de trois ans, vous l'avez rappelé, vous occupez des fonctions éminentes auprès du Président de la République et vous n'ignorez évidemment rien de ce qui s'est joué.
Vous nous en avez dressé un historique. Cependant, vous comprendrez que je revienne sur un certain nombre de points troublants autour de votre candidature et de la procédure lancée par la ministre de l'enneigement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
En octobre 2019, tout d'abord, des consultations informelles et des entretiens avec des personnalités intéressées sont menés auxquels vous participez pour juger qu'aucune de ces candidatures n'est satisfaisante.
Une deuxième procédure est menée fin décembre, avec un appel à candidatures auquel vous répondez. Plus de 1 300 universitaires s'élèvent contre votre candidature en déposant une candidature collective. Le vif émoi suscité au sein de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche suite à cette situation conduit la ministre à saisir le Comité de déontologie du MESRI qui a rendu son avis le 29 mai dernier, dans lequel on peut lire notamment ceci : « (…) Indépendamment de toute appréciation sur les qualités des uns et des autres, une apparence de conflits d'intérêts peut naître de la candidature, à une nouvelle étape de la procédure, d'une personnalité qui avait, à un stade antérieur, reçu, dans le cadre de ses attributions, les candidats alors déclarés. L'éventuelle nomination à la tête d'une autorité administrative indépendante d'une personne qui exerçait immédiatement auparavant des responsabilités auprès des autorités du pouvoir exécutif est également de nature à susciter des hésitations (…) ».
Malgré tout, le comité de déontologie n'a pas disqualifié votre candidature, à la condition toutefois que la procédure soit reprise dans son intégralité, ce dont a pris acte la ministre. Nous arrivons donc aujourd'hui au terme de ce marathon pour le moins étonnant, voire invraisemblable car nul ne peut ignorer que votre candidate soulève de réels problèmes.
Les acteurs sont unanimes : la mission du HCÉRES requiert le cadre impérieux de l'indépendance, de la liberté d'expression et de la collégialité des décisions, assises sur des principes d'objectivité, de transparence et d'impartialité. Ces critères sont essentiels à la légitimité de cette instance.
Cette absolue nécessité d'indépendance « comme gage de probité et de confiance », pour reprendre les termes employés par une éminente intervenante lors d'un colloque du HCÉRES l'an dernier, constitue une exigence aux yeux de l'ensemble de la communauté universitaire et scientifique et de nos partenaires étrangers qui considèrent que notre modèle d'évaluation est loin d'être neutre.
Il me semble que votre candidature ne présente pas les meilleures garanties en termes d'impartialité et d'indépendance, bien que le HCÉRES accède désormais au statut d'AAI. Compte tenu des circonstances, de votre rôle dans le processus et des fonctions que vous exercez encore auprès du Président de la République, je doute que votre nomination soit de nature à rassurer de ce point de vue. D'autant plus que vous déclariez lors de ce même colloque qu'il restait à « construire le lien entre évaluation et allocation des moyens ».
Les craintes, les doutes et les interrogations que suscite votre candidature sont à la fois graves et légitimes. Elles confirment, s'il en était besoin, que l'amendement au projet de loi de programmation de la recherche que notre groupe avait proposé pour garantir un processus de nomination transparent à la tête du HCÉRES était ô combien fondé. Il n'a pas été retenu et nous regrettons que l'ambition d'une république exemplaire, au sein de laquelle la séparation des pouvoirs devrait demeurer un principe essentiel, ne se traduise pas dans cette proposition de nomination. Ce sont là les réserves que nous exprimons.