. Merci beaucoup pour vos interventions qui vont me permettre de lever certaines interrogations concernant ma candidature et, ce faisant, d'apporter des précisions concernant le rôle et la place du HCÉRES.
Les questions relatives à ma candidature portent sur les trois aspects suivants : la qualification, l'indépendance de l'instance et la déontologie – vous avez parfaitement raison.
Premièrement, il vous revient de juger des qualifications. Au-delà des fonctions exercées et des aptitudes professionnelles dont on peut juger sur la base d'un curriculum vitae, se pose la question de l'intégrité et l'impartialité de la personnalité que vous auditionnez. Je vous invite à prendre des avis diversifiés auprès de la communauté dans son ensemble. Il me semble que ma carrière a été suffisamment longue pour que l'on puisse se former un avis sur la question par un autre biais que des chaines de courriers électroniques.
Deuxièmement, l'indépendance d'une institution revêt un caractère crucial ; elle découle de la loi et de l'autorité à laquelle elle rapporte, ainsi que de son statut. En l'occurrence, le HCÉRES rend compte au Parlement et non pas au ministère. Cette indépendance formelle n'a pas toujours été de mise et des progrès ont été réalisés en la matière. Concrètement, il convient de préciser que ni le président ni les membres permanents du HCÉRES n'interviennent directement dans les dossiers, mais qu'ils sont les garants des procédures. En tant que conseiller du Président de la République, je sais parfaitement que l'appareil d'État et le HCÉRES n'échangent pas sur le fond des dossiers. Les procédures internes du HCÉRES délimitent en effet strictement les fonctions des parties prenantes.
Troisièmement, je souhaiterais être précis et clair s'agissant de la question relative à la déontologie. Le poste de président du HCÉRES doit faire l'objet d'une nomination du Président de la République sur proposition de la ministre de l'enseignement supérieur. Ce processus étant probablement insatisfaisant en l'état, vous avez proposé de passer à un système sain, doté d'un comité de sélection. Ce dernier a été constitué dans les circonstances que vous avez rappelées. En l'espèce, ce comité de sélection se composait de la Secrétaire générale du gouvernement, d'un membre éminent de l'Académie des sciences réputé pour sa grande rigueur, du Directeur général délégué à la science du CNRS, de la Présidente de l'Université de Paris et de la Présidente de l'université McGill. Les membres du comité ont fait la preuve de leur intégrité tout au long de leur carrière et ne me sont en rien redevables. Ce comité a auditionné les quatre personnalités qui avaient présélectionnées suite à un appel à candidatures ouvert.
Le comité de déontologie auquel vous avez fait référence est en outre présidé par M. Bernard Stirn, ancien président de section au Conseil d'État, sur lequel ne plane aucun soupçon de collusion d'aucune sorte, qui a exprimé des scrupules mais également affirmé que ma candidature n'était en rien disqualifiée par les fonctions que j'ai occupées.
Auparavant, vous avez raison, il convient cependant d'apporter des clarifications concernant un épisode précis. Je prendrai le temps de le faire, tout en m'attachant à répondre ensuite aux questions relatives à l'international, à l'intégrité scientifique, à l'accompagnement et à l'allocation des moyens.
À l'été 2019, j'estimais que l'urgence était de travailler à la loi de programmation de la recherche et que ma mission de conseiller du Président de la République n'était pas terminée. Concernant la présidence du HCÉRES, la ministre consulte et décide. Dans les cabinets, à Matignon, les candidats sont reçus par courtoisie. J'en ai rencontré cinq et mon opinion a été sollicitée, mais en aucun cas je n'avais de pouvoir décisionnel quant au choix du candidat. À ce moment, je n'étais pas candidat et j'ai considéré que deux des candidatures étaient intéressantes. La ministre en a décidé autrement et l'a exprimé au travers d'un courrier au directeur de cabinet.
Une nouvelle phase s'est ensuite ouverte, alors que le projet de loi de programmation allait prochainement être soumise au Parlement. Au regard de la situation des candidatures et de ma conviction personnelle que l'évaluation revêt un rôle crucial, j'ai pris la décision fin novembre de revenir au terrain après trois ans dans la fonction de conseiller. J'entends des critiques me soupçonnant d'avoir compromis les autres candidatures au profit de la mienne, dont j'aurais eu le projet dès l'origine. Deux faits prouvent qu'il n'en est rien. Premièrement, l'une des candidates a maintenu sa candidature jusqu'au bout et a été auditionnée. Deuxièmement, entre le début du processus et ma décision de me porter candidat, j'ai recherché des candidatures susceptibles de convenir à la ministre. J'ai d'ailleurs essayé de convaincre deux personnalités de l'enseignement supérieur qui ont refusé. Ces éléments sont vérifiables.
Quoi qu'il en soit, je reconnais que le délai de sélection et de nomination a été trop long – mais il y a eu la crise sanitaire et je n'en suis pas responsable. Nous avons néanmoins doublement progressé : d'une part parce qu'un dispositif de sélection sain et conforme aux pratiques des autres grands pays scientifiques est désormais inscrit dans le projet de loi, et d'autre part parce que vous m'avez posé la question directement et que j'ai répondu tout aussi directement.
En réponse à la question de Mme Granjus, je considère que le rôle du HCÉRES n'est pas d'accompagner les établissements, mais plutôt de les entendre développer leur stratégie et de considérer leurs projets avec empathie afin d'évaluer ensuite la réalisation de ces derniers.
S'agissant de l'égalité femmes-hommes, l'intervention du HCÉRES se limite à établir la synthèse annuelle. J'ai pris connaissance d'un rapport relatif au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes qui démontre notamment la nécessité d'être vigilant sur ce sujet dans le milieu universitaire comme dans d'autres. Cependant, je ne suis pas certain que le HCÉRES soit fondé à intervenir sur cette thématique. En revanche, l'accès des femmes aux sciences est réellement problématique. Il reviendrait probablement au ministère de définir des objectifs en la matière et au HCÉRES d'en assurer un suivi sociodémographique précis.
En ce qui concerne l'articulation entre le HCÉRES et le ministère, le rôle du premier est à mon sens d'examiner les résultats et en aucun cas de décider des stratégies, ni de juger des projets. Ces responsabilités appartiennent en effet au ministère. Les décisions d'allocation de moyens incombent au ministre alors qu'il revient au HCÉRES de procéder à l'évaluation. Les éventuels soupçons concernant la manière dont j'ai traité les libertés académiques et l'égalité de traitement dans les établissements au sein desquels j'ai exercé des fonctions seront à objectiver par ailleurs. Quoi qu'il en soit, la loi ne prévoit en aucun cas que le HCÉRES procèdera à une allocation plus compétitive des moyens. La loi de programmation de la recherche prévoit de renforcer les ressources de l'ANR pour en faire un moyen d'allocation des moyens récurrents. Le HCÉRES n'est en aucun cas partie prenante de ce processus, autrement qu'en procurant une information objective et rigoureuse.
Il me semble qu'un malentendu concerne mon programme, que j'ai dû rédiger pour le soumettre au ministre, puis au comité de sélection. Les convenances me semblaient exiger que j'en donne la primeur à la présente commission avant de répondre aux demandes de publication que j'ai reçues sur le sujet.
Des questions ont été soulevées au sujet des diplômes et de l'insertion, du passage au statut d'API et de l'international.
Le système universitaire est animé de réticences à la publication des taux de réussite et d'insertion professionnelle des formations, j'en veux pour preuve mon expérience à l'Université de Cergy-Pontoise qui était pourtant professionnalisante. Si le HCÉRES peut contribuer à faire évoluer les pratiques sur le sujet, il ne s'en privera pas.
S'agissant des diplômes, l'interaction entre le HCÉRES et le ministère demande à être réexaminée afin de répartir clairement les responsabilités. À mon sens, il n'appartient pas au HCÉRES d'accréditer les diplômes, mais d'évaluer la qualité et l'insertion, notamment.
La question de l'API est étroitement liée à celles de l'international et du modèle économique. Actuellement, le budget et les postes sont déterminés dans le cadre d'une discussion entre la présidence du HCÉRES et la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGSIP), ce qui n'est pas idéal. Une évaluation internationale demande des moyens accrus. Dès lors, il me semble préférable que le HCÉRES dispose de ressources propres, sans avoir à passer par l'intermédiaire du ministère. Ce processus présente de meilleures garanties de rigueur et d'adéquation des ressources. Le passage du statut d'AAI vers celui d'API représente une opportunité, mais implique en contrepartie des responsabilités conséquentes. Cette année, nous aurons à convaincre que cette transition est possible et prévoir les moyens pour qu'elle se réalise dans les conditions adéquates, sans impact négatif sur les finances publiques.
Une question portait sur le lien avec l'Europe et l'international en général. S'il existe des agences chargées de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, peu de structures sont dédiées à l'évaluation des établissements, de la formation et de la recherche. Le HCÉRES doit se positionner parmi les agences internationales d'évaluation de référence et dispose des accréditations et des garanties nécessaires à cet égard. Pour autant, il doit continuer de progresser en s'inspirant des atouts de ses homologues à l'international, au Portugal ou en Italie par exemple. Pour autant, notre modèle présente une originalité et une qualité qui méritent à mon sens d'être préservées, notamment le fait d'évaluer à la fois les établissements, la formation et la recherche.
Je voudrais revenir sur les critiques formulées au sujet de la collégialité des décisions. Le budget annuel du HCÉRES s'élève à 20 millions d'euros, ce qui semble considérable, mais se justifie par le processus d'évaluation collégial. Le HCÉRES est perçu comme un appareil bureaucratique, alors qu'il préside à un processus d'évaluation collégial au sein duquel les collègues sont tantôt évaluateurs, tantôt évalués. Cette spécificité mérite à mon sens d'être préservée, même si un processus d'évaluation automatisé serait indéniablement moins coûteux.
S'agissant de l'intégrité scientifique, nous avons été confrontés à des cas individuels épineux et à une question majeure qui a profondément bouleversé notre société. Nous sommes au début d'un processus, sachant que les Français ont eu un cours d'épistémologie accéléré en 2020, découvrant que la vérité scientifique se construisait dans le conflit, la contradiction et la collégialité. Afin d'administrer une preuve, suffit-il de disposer de données ? Est-on en droit d'illustrer ces dernières à l'aide d'images susceptibles d'être « arrangées » et dans quelle mesure ? Ces sujets sont complexes, d'autant plus qu'ils sont potentiellement liés à des questions de rapports de pouvoir et d'intérêts financiers.
Dans ce contexte, l'OFIS a un rôle crucial à jouer et on pourrait envisager qu'il soit indépendant du HCÉRES à l'avenir. Il conviendrait de consolider cette institution afin qu'elle anime un réseau de référents « intégrité scientifique » dans les universités. Des formations seront effectivement nécessaires sur ce sujet, qui mérite une réflexion collégiale de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche.