Intervention de Sylvie Tolmont

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Tolmont :

L'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2021 s'inscrit dans un moment extrêmement douloureux que nous partageons tous. Je souhaite à mon tour, au nom du groupe Socialistes et apparentés, rendre hommage à Samuel Paty, assassiné dans le cadre de ses fonctions de professeur, pour avoir simplement enseigné les valeurs de la République et concouru ainsi à faire de nos enfants des citoyens libres de leurs choix. Son assassinat et l'émotion que cet acte odieux a suscitée dans tout le pays nous montrent combien l'éducation reste le rempart face à l'obscurantisme et l'école un bien précieux et partagé.

Notre école républicaine a déjà été durement éprouvée cette année par la période de confinement. Elle a pourtant tenu, grâce à l'extrême dévouement de ses enseignants. C'est pour ces raisons que nous déplorons, dans ce contexte, un budget pour l'enseignement scolaire quasi immobile et loin d'être en capacité de tirer les enseignements de la crise de la covid-19 pour notre système éducatif. Avant la pandémie, l'école n'était plus en mesure de réduire les inégalités sociales ; la crise a renforcé ce phénomène.

Alors que dans le contexte de crise économique et sociale que traverse notre pays, le Gouvernement a lancé un plan de relance de 100 milliards d'euros, l'école ne s'en trouve bénéficiaire que pour 318 millions d'euros. Ainsi, ce budget, qui augmente en réalité dans les mêmes proportions que l'année dernière, est gonflé mécaniquement par les 400 millions d'euros prévus pour des mesures de revalorisation salariale dès le deuxième trimestre 2021.

Certes, nous pouvons nous réjouir de l'augmentation des postes, programmés dans le premier degré. 2 039 postes vont ainsi être créés afin de poursuivre le plafonnement à 24 élèves par classe de grande section, CP et CE1, étendre le dédoublement des classes aux grandes sections de maternelle en éducation prioritaire et respecter la promesse faite par le Président de la République de ne fermer aucune école rurale.

Si nous partageons ces objectifs, nous déplorons que la ventilation se fasse au détriment des niveaux suivants, qui verront leur nombre d'élèves encore augmenter. Cette priorisation signifie également l'abandon du dispositif « Plus de maîtres que de classes » et l'impossibilité de recruter des enseignants.

La dernière étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montre pourtant combien l'école primaire française est à la traîne, par rapport à ses voisins, en matière de taux d'encadrement, d'investissements et de classes surchargées.

La priorité pour le premier degré se fait également par un nouveau redéploiement depuis le second degré, qui reste encore le grand perdant de ce budget. 1 800 emplois vont être supprimés alors que, dans le même temps, les effectifs continuent de croître et que 28 000 élèves sont attendus au collège. Pour compenser ces suppressions, et par un tour de passe-passe, vous prévoyez à nouveau un financement équivalent à 3 000 postes en heures supplémentaires, heures qui pourtant, déjà l'année dernière, n'avaient pas pu être entièrement consommées en raison des nombreux dispositifs que les enseignants doivent déjà assurer.

Pour le reste, notre constat est sans appel sur les manques. Pas de création d'emplois, pourtant nécessaires, pour conforter et renforcer toutes les fonctions supports, d'organisation et de gestion, comme celles d'accompagnement social et de santé des élèves, indispensables à leur réussite. Rien pour les personnels des Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ou les personnels de santé. Des moyens largement insuffisants prévus pour les directeurs d'école, au bord de l'explosion. Si 4 000 postes d'AESH sont créés, aucune indemnité ne complète leur rémunération pourtant inférieure à 800 euros par mois, les laissant ainsi sous le seuil de pauvreté. Vous misez sur le quantitatif au détriment du qualitatif. Rien non plus sur les ULIS dans le second degré. Quant à votre priorité pour l'enseignement professionnel ou l'enseignement agricole, nous en cherchons encore la traduction budgétaire.

La liste est longue et le temps nous manque. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir en séance publique.

Les enseignants français, déjà largement déclassés par rapport à leurs voisins européens, qui ont subi cette année une campagne de « prof bashing » sans précédent et des épreuves douloureuses, ont besoin que la République leur accorde autant de reconnaissance qu'elle leur demande d'engagement.

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