Le drame qui s'est produit vendredi nous a sidérés. Mais nous avons conscience que la mort de Samuel Paty nous appelle à ne pas rester figés dans l'effroi. Notre commission, parce qu'elle a en charge les questions liées à la culture, à l'éducation, au sport et à la vie associative – mais aussi aux médias –, est directement concernée par les réponses à apporter à l'obscurantisme et aux fanatismes, des réponses qui consistent à œuvrer résolument pour l'émancipation et la connaissance.
Agir, ce n'est pas s'agiter. C'est construire, écouter, préparer, faire, réfléchir, tenter. Alors, avant d'aborder le sujet qui nous réunit aujourd'hui, je veux dire combien le besoin général d'écoute devrait nous alerter. Je ne parle pas d'un numéro d'assistance psychologique, certes utile, mais bien d'espaces qui permettent aux membres de la communauté éducative de se parler et de se faire entendre.
L'enseignante d'un collège de ma circonscription me confiait ce message : « Jusqu'à quand nous traitera-t-on comme des enfants ? Jusqu'à quand parlera-t-on en notre nom, à notre place ? Pourquoi ne nous demande-t-on pas notre avis sur ce que nous vivons, sur ce dont nous avons besoin ? Nous avons des choses à dire. » Elle fait bien évidemment écho au traitement du drame qui vient de se produire. Mais celui-ci se déroule dans un contexte où le sentiment qu'ont les enseignants français d'être déconsidérés est si fort qu'ils sont à peine 5 % à penser que leur profession est valorisée dans la société – ce taux est l'un des plus bas d'Europe.
Monsieur le ministre, vous allez lancer le Grenelle de l'éducation nationale. Si la considération ne tient pas uniquement aux conditions salariales, vous savez néanmoins que les promesses trop souvent trahies sur la revalorisation salariale ont largement contribué à la défiance et au découragement. Lorsque je parle d'engagement, je parle d'un engagement fort et non de primes ou d'heures supplémentaires.
Le budget affiche, certes, une stabilité ; des efforts ont même été réalisés. Il est cependant difficile, en cette période de crise, de constater que les besoins humains ne sont pas comblés, alors même que des milliards d'euros sont attribués à certaines entreprises, sans contreparties.
Les équipes enseignantes ont besoin de protection, mais également de temps, de disponibilité pour leurs élèves et pour le travail en équipe. Pour cela, les enseignants, notamment les directeurs d'établissement, doivent être libérés des multiples tâches administratives qui pèsent sur leur emploi du temps.
Cette année, vous maintenez une ligne d'affaiblissement des moyens dans le secondaire. Certes, nous sommes tous d'accord pour renforcer l'école primaire, mais pas en supprimant 1 800 postes dans le secondaire, car cela signifie des classes surchargées en collèges et en lycées. Nous le savons tous, et les enseignants mieux que nous : dans une classe de vingt élèves, ils peuvent travailler aux retours des élèves sur leurs propres apprentissages, suivre un peu plus individuellement chacun d'entre eux, cerner ses fragilités et ses forces. Au‑delà de vingt, cela devient plus difficile et, au-delà de trente, c'est mission impossible.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de la formation et des conditions salariales des enseignants qui exercent en prison ? Enfin, au vu de la crise que nous traversons, ne pensez‑vous pas qu'il serait judicieux de revenir sur la suppression de la prime pour les personnels travaillant en lycée dont le classement en REP a été supprimé ?
(Présidence de M. Stéphane Testé, vice-président de la commission)