Monsieur le président, je m'efforcerai d'être concis et direct, puisque je dois vous quitter à dix-huit heures vingt-cinq pour me rendre à la Sorbonne, afin d'assister l'hommage national rendu à Samuel Paty.
Je ne ferai pas de commentaires sur les propos de Mme la rapporteure, qui a donné un avis favorable à notre budget.
J'ai bien noté tout ce qui a été dit sur les enjeux de la vague démographique dans le second degré et votre questionnement relatif à notre politique d'heures supplémentaires.
L'augmentation du budget est inédite. Je vous livre d'ailleurs des chiffres – l'addition des augmentations, hors retraites – qui en disent long et ne peuvent être contestés : de 2012 à 2016, le budget a augmenté de 2,3 milliards d'euros ; de 2017 à 2021, il a enregistré une hausse de 6,8 milliards d'euros. Tous les discours consistant à affirmer que, durant ce quinquennat, nous n'aurions pas mis les moyens pour l'école sont contredits par ces chiffres. Je sais que certains trouveront des arguments pour expliquer que tel n'est pas le cas, mais je vous invite à refaire ces additions ; il s'agit là de mathématiques, et non de littérature : c'est imparable !
Que faisons-nous de cet argent ? Nous le répartissons d'une manière organisée, selon des objectifs. Si nous le saupoudrions, bien évidemment, vous ne verriez aucune amélioration qualitative. Or c'est bien pour parvenir à de telles améliorations que nous avons définies des politiques ciblées. Par exemple, la rationalité de ce budget réside dans le fait que nous tenons compte des observations de l'OCDE, à savoir que la France est en dessous de la moyenne des autres pays dans le premier degré. Il n'y a jamais eu un rattrapage aussi fort et aussi rapide sur le premier degré qu'au cours de ce quinquennat.
Il est vrai que nous avons procédé à des suppressions de postes dans le second degré, compensées par des heures supplémentaires ; c'est une politique assumée. D'abord, parce que l'OCDE a indiqué que la France dépense plus que la moyenne des autres pays pour le second degré. Ce qui ne veut pas dire que nous allons dépenser moins pour le second degré, mais que nous devons tenir compte, en matière de postes, de la démographie des prochaines années. Notre stratégie est fondée sur la durée, c'est-à-dire que la baisse du nombre d'élèves va commencer à se voir au cours des prochaines années, et à ce moment-là, le nombre de postes sera adapté aux besoins.
Le sujet concerne, certes, le nombre de postes, mais également le pouvoir d'achat. Évidemment, les sommes allouées vont pour l'essentiel vers la rémunération. Soit pour financer les créations de postes, soit pour améliorer le pouvoir d'achat des professeurs – je vais y revenir.
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Testé, ont indiqué, et c'est important, que plus de 20 000 recrutements ont concerné l'école inclusive depuis 2017 et ont souligné le chiffre qui nous sert de référence : l'augmentation budgétaire de 3,1 %, qui est considérable.
Oui, monsieur Larive, j'assume complètement mes déclarations : ce qui se passe sur le plan budgétaire est exceptionnel. D'autant que nous avons une vision sur plusieurs années, que des perspectives ont été définies et que nous envisageons une évolution profonde du système éducatif – d'où le lancement du Grenelle de l'éducation.
Monsieur Reiss, vous avez souligné que le budget de la mission « Enseignement scolaire » est en hausse de près de 2 milliards d'euros ; je vous remercie de l'avoir rappelé. Cette hausse est même de plus de 2 milliards d'euros si nous incluons le plan de relance. Mon désir le plus cher est que nous réussissions, sur ce sujet, à avoir une union nationale, car il est important de reconnaître cette augmentation.
Des doutes et des critiques ont été exprimés sur la réussite de la réforme du baccalauréat en raison de la reconstitution des anciennes filières. Ce n'est pas exact et je mets à votre disposition les enquêtes menées sur cette question. Plus de la moitié des élèves ont choisi des combinaisons qui sont différentes des anciennes filières. Du reste, les sondages montrent que les lycéens sont satisfaits de ce changement. Ils ont compris qu'ils avaient beaucoup plus de liberté et de possibilités d'approfondissement que leurs prédécesseurs.
Cela dit, bien évidemment, tout n'est pas parfait. Cette réforme requiert beaucoup de travail de tous les intéressés, en particulier des professeurs. Je vous citerai un exemple, puisque je m'entretenais aujourd'hui même avec les responsables de l'association des professeurs d'histoire-géographie. Nous avons créé un enseignement de spécialités histoire‑géographie-sciences politiques-géopolitique ; nous sommes probablement le seul pays au monde à proposer un enseignement aussi approfondi de l'histoire et de la géographie. Pour proposer cette spécialité, les professeurs ont dû beaucoup travailler, j'en suis sûr avec passion.
Des ajustements doivent encore être réalisés. C'est la raison pour laquelle nous avons instauré un comité de suivi de la réforme du baccalauréat et un comité de suivi de la réforme de la voie professionnelle. Le prochain comité de suivi pour la voie générale se tiendra le 4 novembre prochain. Ils ont pour mission de nous faire remonter les critiques, comme celles qui ont été formulées sur les épreuves communes de contrôle continu (E3C) ou sur la densité des programmes. Ces critiques ont déjà permis un certain nombre d'ajustements.
S'agissant des mathématiques, je rappelle que nous avons défini un plan Mathématiques qui va de l'école primaire à la terminale. C'est vrai, la situation en la matière doit être redressée, pour des raisons qui sont profondes et qui remontent à loin, comme dans d'autres pays. Le plan Villani-Torossian est très ambitieux. Dans le premier degré, par exemple – j'ai parfois été critiqué pour cela, mais je l'assume –, la formation continue accorde la majorité des heures dédiées au français et aux mathématiques, avec des approches qui ont été qualitativement révisées. Il s'agit bien d'une nouvelle dynamique des mathématiques, et pas uniquement au travers de la formation continue des professeurs.
De tout temps, des élèves ont été rétifs aux mathématiques. C'est important qu'ils restent une minorité, mais cette situation a toujours existé. Je vous présenterai volontiers des bilans réguliers sur le nombre d'élèves qui suivent des enseignements scientifiques et sur le pourcentage de ceux d'entre eux qui, grâce à la réforme du lycée, feront des études supérieures scientifiques, lesquelles les mèneront à des succès. Quoi qu'il en soit, s'agissant de la première étape, dont nous pouvons déjà tirer un bilan, oui, les élèves ont fait des choix de combinaisons très différentes de ceux qu'ils auraient faits si nous avions gardé le système de séries.
Concernant le rôle du professeur principal, il est vrai qu'il a été quelque peu bousculé par la réforme. Nous avons fait le choix de deux professeurs principaux en classe de terminale, afin d'aider les élèves dans leur orientation. Vous avez parlé de « professeur tuteur » : il s'agit en effet d'un sujet qui fait partie de nos réflexions, dans l'intérêt à la fois des professeurs et des élèves, pour obtenir une plus grande personnalisation du parcours de l'élève. Il s'agit typiquement d'une question qui mérite d'être discutée dans le cadre du comité de suivi de la réforme du bac, mais aussi dans le cadre du Grenelle de l'éducation.
Enfin, monsieur Reiss, je ne sais pas s'il faut prendre votre conclusion au premier ou au second degré. Toujours est-il que le Conseil d'évaluation concernera tout d'abord le second degré, puis le premier. En tout cas, je vous remercie de cet hommage, car vous me donnez la possibilité de préciser que le Conseil d'évaluation de l'école – dans lequel siégeront des parlementaires – est entré en fonction à la rentrée scolaire 2020-2021, ce qui signifie que les établissements seront, dès cette année, évalués – un cinquième d'entre eux la première année, la totalité en cinq ans. Ce dispositif enclenchera des mécanismes d'auto-évaluation, mais aussi d'objectivation de l'évaluation par des équipes. Il s'agira, pour notre système scolaire, d'un levier de modernisation très important.
Madame Petit, je vous remercie de vos propos s'agissant de l'augmentation des crédits et des efforts réalisés dans le premier degré. Je note l'attention particulière que vous portez au programme 143, relatif à l'enseignement agricole, qui ne relève pas de monn ministère – un classique de la discussion budgétaire. Sachez que j'ai déjà beaucoup discuté avec Julien Denormandie de l'osmose qui doit exister entre les lycées agricoles et l'éducation nationale. Nous allons d'ailleurs lancer de nouvelles campagnes de promotion de l'enseignement agricole.
Madame Tolmont, concernant l'école primaire, l'OCDE a indiqué que la France était à la traîne ; c'est une remarque que nous avons largement prise en compte. S'agissant des ULIS, le budget ne détaille pas toutes les mesures, mais nous créons quelque 350 ULIS par an depuis le début du quinquennat. Avec le budget 2021 et l'augmentation des moyens pour le handicap, le montant alloué à ce dispositif sera important. Quoi qu'il en soit, pour le second degré comme pour le premier, des créations d'ULIS sont prévues pour la rentrée 2021.
Monsieur Bournazel, en ce qui concerne le dédoublement des classes, les élus, à Paris comme ailleurs en France, ont pu constater la baisse du nombre des élèves par classe. À Paris, la moyenne est de trois élèves en moins par classe depuis le début du quinquennat à l'école primaire.
Madame Thill, je vous remercie de ce que vous avez dit de l'augmentation des moyens alloués au premier degré et de nos efforts en faveur de l'école inclusive. La question de la prime accordée aux enseignants exerçant en REP et REP+ sera abordée dans le Grenelle de l'éducation. La troisième tranche est toujours prévue ; il s'agissait d'un engagement du Président de la République et il sera tenu. Simplement, nous souhaitons l'inclure, à la suite du rapport Azéma-Mathiot, dans une vision complète de l'éducation prioritaire que nous définirons à l'occasion du Grenelle de l'éducation. In fine, nous souhaitons que les moyens qui seront investis dans l'éducation prioritaire soient des leviers de réussite des élèves ; c'est une des questions que nous aborderons avec les organisations syndicales.
S'agissant de la scolarisation des élèves de 3 ans, nous compterons 60 000 élèves en moins l'année prochaine et nous pouvons compter, avec la nouvelle intégration, sur 30 000 nouveaux élèves ; le nombre des élèves demeurera donc moindre. Pourtant nous maintenons les créations de postes.
Monsieur Larive, les masques incriminés ont été distribués à l'ensemble de la fonction publique. J'ai entendu les craintes qui ont été exprimées dans l'éducation nationale. Les premières informations que nous tenons de l'administration de la santé sont rassurantes, mais nous avons, à titre provisoire, proposé d'autres masques. Je n'en dirai pas davantage avant de connaître toutes les conclusions. Je rappelle cependant que les masques ont été validés par les autorités sanitaires et qu'ils sont certifiés Afnor.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas soutenir le fait que nous privilégions l'école privée au motif que son budget est en augmentation de 1,5 %, puisque le budget augmente globalement de 3,1 %. En outre, pour la première fois depuis 2017, nous notons une baisse des inscriptions dans le privé.
Monsieur Molac, la dotation aux enseignants pour l'achat de matériels informatiques est une question qui est en discussion pour 2021 et qui sera débattue lors du Grenelle de l'éducation. Nous avons envisagé une prime informatique universelle pour tous les enseignants, quel que soit leur âge, mais nous devons encore en discuter avec les organisations syndicales.
Concernant la scolarisation obligatoire, je rappellerai que l'Allemagne, la Suède et l'Espagne interdisent l'instruction à domicile et que la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas jugé cette décision contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
Madame Faucillon, je comprends que les enseignants souhaitent être entendus et considérés ; c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons lancé le Grenelle de l'éducation. Mais il ne s'agit pas du seul dispositif : je pense aux différents comités de suivi que j'ai mentionnés. Nous souhaitons « désanonymiser » notre système, faire circuler l'information et encourager la responsabilisation ; or c'est à l'échelle de chaque établissement que cela doit se jouer.
Je regrette que vous ne parliez du Grenelle que pour dire que les promesses ont été trahies, comme si vous souhaitiez un échec. Il ne me semble pas que l'opposition politique doit avoir pour seule vocation de cultiver le pessimisme. D'autant qu'aucune promesse n'a été trahie, madame la députée, aucune. Je suis très formel sur ce point. Référez-vous à mes déclarations sur les enjeux de la rémunération. J'avais annoncé la création d'un observatoire de la rémunération et le lancement d'un Grenelle de l'éducation. Tout a été réalisé. Et malheureusement, dès que j'ai présenté ces mesures, certains tenaient déjà le même discours que vous. Alors parfois, cela fonctionne, car cela « percole » dans les réseaux sociaux.
Pourtant, j'affirme qu'il y aura une amorce de l'augmentation du pouvoir d'achat tout à fait inédite – aucun Gouvernement que vous avez ou que vous auriez pu soutenir n'a opéré une telle amorce. J'ai cité ce chiffre assez impressionnant relatif à l'augmentation du budget depuis la rentrée 2017 ; alors basons-nous sur des chiffres plutôt que sur des affirmations. Reprenez chacune de mes déclarations sur l'évolution du pouvoir d'achat : d'abord, j'ai toujours reconnu qu'il y avait un problème ; ensuite, j'ai indiqué que nous enclencherions un mouvement – mais nous n'avons pas attendu pour agir, comme par exemple pour la prime REP+ –, et c'est le cas aujourd'hui. L'objectif du Grenelle, ce sont 500 millions d'euros annuels supplémentaires sur plusieurs années, sachant que, chaque année, les bases concernées sont plus élevées. Il s'agit donc de sommes considérables à court terme, qui permettront la remise à niveau de la rémunération de professeurs, en commençant par les plus jeunes d'entre eux.
Madame Genevard, monsieur Freschi, je le réaffirme, nous sommes très engagés sur la question de la laïcité. Une fois encore, au-delà des propos que nous pouvons entendre ici et là, regardons ce qui a été réalisé : la création du Conseil des sages de la laïcité et la création des équipes académiques – quatre cents personnes se consacrent à ce sujet. Je suis ouvert et disposé à étudier de nouvelles propositions, mais je ne me prononcerai pas, aujourd'hui, sur l'extension du délit d'entrave à la liberté d'enseigner. Cependant, je vous rappellerai que j'ai demandé au Conseil des sages de la laïcité de siéger en session permanente afin d'étudier toutes les propositions, non seulement pour la préparation de la rentrée du 2 novembre, mais aussi pour les temps suivants.
Madame Charrière, s'agissant de la lutte contre le décrochage scolaire, les dotations de crédits hors titre 2 prévues en 2021 sont importantes, entre 3,2 et 3,4 milliards d'euros.
Madame Calvez, en ce qui concerne le plan « Un jeune, une solution », nous avons créé, pour cette rentrée, des postes de BTS et de CAP supplémentaires et, plus généralement, nous avons souhaité que des lycées professionnels soient en première ligne pour proposer des solutions personnalisées, telles que la création d'années post-bac – ce que nous appelons les mentions complémentaires d'une année après le bac.
Madame Anthoine, concernant les écoles rurales, et même les classes de ces écoles, nous n'en avons fermé aucune, sauf si le maire y était favorable. C'est ce qui m'a permis de dire que le taux d'encadrement est en amélioration dans chaque commune de France. S'il existe une exception, signalez-le moi, car c'est un engagement que j'ai pris.
Enfin, concernant le Grenelle, je n'ai pas mentionné le mot « contreparties ». J'ai parlé d'une approche systémique. Plusieurs bienfaits sont à en attendre : rémunération, bien‑être au travail, santé, sécurité et protection… Je vous rappelle également le travail réalisé par le député Gaël Le Bohec, en concertation avec les enseignants, sur le bien-être au travail – des enjeux pédagogiques, éducatifs, sociaux, etc.
Nous disposerons donc d'une vision complète. Ce sera du gagnant-gagnant, si vous me permettez l'expression, car en améliorant le bien-être des professeurs, nous améliorerons celui des élèves et ainsi l'avenir de notre pays.