Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre de la culture :

Le budget des missions « Culture » et « Médias et industries culturelles » connaîtra en 2021 une hausse exceptionnelle. L'augmentation de 4,8 % des crédits budgétaires du ministère dit l'importance que le Gouvernement accorde à la culture. Comme l'a révélé la période difficile que nous traversons, la culture a un rôle indispensable dans notre vie économique, sociale et démocratique comme dans notre vie intime. Cet effort budgétaire exceptionnel participe de la mobilisation totale dont l'État a fait preuve dès le début de la crise sanitaire pour soutenir les acteurs culturels.

Indispensables pour protéger nos concitoyens, les mesures sanitaires prises par le Gouvernement affectent très durement l'ensemble des secteurs culturels. Alors que la reprise s'engageait, le durcissement des mesures et l'instauration du couvre-feu, il y a quelques jours, ont à nouveau plongé le spectacle vivant et le cinéma dans une situation très difficile. Face à cette épreuve, le Gouvernement continue à prendre ses responsabilités. Le monde de la culture a déjà bénéficié de plus de 5 milliards d'euros de mesures d'urgence, dont 3,3 milliards d'euros de mesures transversales à tous les secteurs et 949 millions pour l'année blanche des intermittents. Pour que le secteur culturel puisse se projeter dans l'avenir, j'ai obtenu que le volet culturel du plan France relance mobilise une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards d'euros pour lui apporter un soutien massif à partir du 1er janvier 2021.

Après un été difficile, il fallait donner de la visibilité au secteur culturel pour que l'activité reprenne. C'est pourquoi, à la rentrée, pour soutenir la reprise d'activité des salles de spectacles et de cinéma, nous avons créé un fonds de compensation des pertes d'exploitation dues à l'obligation de distanciation physique. Cent millions ont été mobilisés, auxquels s'est ajoutée une enveloppe de 5 millions au titre des dettes de droits d'auteur accumulées au cours de l'année 2020.

La seconde vague de la pandémie ayant conduit à durcir les mesures sanitaires et à instaurer un couvre-feu, le Gouvernement a renforcé les mécanismes de soutien en additionnant mesures de reprise d'activité et mesures de sauvegarde. J'ai ainsi annoncé jeudi dernier des mesures complémentaires exceptionnelles. En tout, 115 millions sont mobilisés. D'une part, 85 millions d'euros iront au spectacle vivant, dont 60 millions pour la musique, 20 millions au théâtre et 5 millions aux intermittents qui ne sont pas pris en charge par d'autres dispositifs. D'autre part, 30 millions iront au cinéma pour soutenir producteurs, distributeurs et exploitants. Ces moyens exceptionnels doivent permettre aux salles de spectacles et de cinéma de maintenir leur programmation et de s'adapter pour continuer d'accueillir le public dans le respect des restrictions sanitaires.

De plus, le Gouvernement proposera par voie d'amendements au projet de loi de finances pour 2021 de prolonger jusqu'au 1er semestre 2021 l'exonération de la taxe sur les spectacles pour alléger les charges des entreprises du secteur. Enfin, j'ai veillé à ce que les auteurs bénéficient d'un soutien renforcé.

J'en reviens au budget du ministère de la culture pour 2021. Plus de 1,1 milliard d'euros de moyens exceptionnels issus du plan de relance s'additionneront, pour cette première année de mise en œuvre, aux crédits des missions « Culture » et « Médias et industries culturelles » que vous examinez aujourd'hui. Cela permettra d'amplifier l'action que je mène pour réparer et refonder nos politiques culturelles. Ne nous y trompons pas : la crise sanitaire marque un tournant pour le monde de la culture. Elle ne cesse de bouleverser les conditions de vie et de création des acteurs culturels tout comme les pratiques de nos concitoyens. Elle révèle et exacerbe aussi certaines fragilités structurelles préexistantes dues à des mutations profondes qu'il est désormais impératif de prendre en compte pour faire que notre modèle culturel reparte sur des bases plus solides.

Les résultats de l'enquête passionnante sur les pratiques culturelles des Français montrent qu'il faut œuvrer au décloisonnement de la culture patrimoniale et de la culture numérique pour rendre la culture et les arts dans toute leur diversité encore plus accessibles à tous les publics. Au-delà des mesures financées par les crédits budgétaires, c'est l'un des objectifs de la stratégie d'avenir pour nos industries culturelles et créatives, dotée de 400 millions sur cinq ans dans le cadre du 4ème programme d'investissements d'avenir (PIA). Nous relèverons ce défi en plaçant les territoires et leurs habitants au cœur de nos politiques culturelles, en abordant la culture dans ce qu'elle a de plus intime pour les artistes, les créateurs et les citoyens qui aiment la culture et qui, je l'espère, seront de plus en plus nombreux. Les moyens inscrits dans les deux missions budgétaires soumis à votre examen nous permettent d'œuvrer en ce sens.

Commençons par la mission « Culture », dont tous les programmes, hors dépenses de personnel, connaîtront en 2021 une forte augmentation : à périmètre constant, elle sera de 4,6 % par rapport à 2020. Le patrimoine bénéficiera d'un budget de 1,015 milliard d'euros, en hausse de 4,4 %, soit 43 millions, auxquels s'ajouteront 345 millions d'euros issus du plan de relance. En investissant dans le patrimoine, nous souhaitons développer l'économie et renforcer l'attractivité et la cohésion des territoires. C'est l'objectif du plan de rénovation des musées territoriaux, doté de 52 millions d'euros sur deux ans – dont 6 millions provenant du plan de relance – et du soutien renforcé aux archives et à l'archéologie dont bénéficieront les équipements patrimoniaux dans les territoires.

Nous mettons également en œuvre, dès 2021, un vaste « plan cathédrales ». La hausse des crédits budgétaires pérennes qui lui est consacrée portera le financement structurel annuel à 50 millions d'euros, auxquels s'ajouteront, en 2021 et en 2022, 40 millions chaque année issus du plan de relance – soit, en tout, 180 millions d'euros sur deux ans. Ces moyens permettront de réaliser les nécessaires travaux de mise en sécurité et en sûreté et d'accélérer les projets de restauration. Le plan de relance apportera également un soutien essentiel à de nombreux autres projets de restauration de monuments historiques, notamment de monuments protégés appartenant à des collectivités territoriales et à des propriétaires privés. Il permettra aussi d'accélérer le chantier de la Cité de la langue française et de la francophonie dans le château de Villers-Cotterêts.

Articulé au plan de relance, le projet de loi de finances prévoit des financements visant à garantir la réalisation du programme de travaux de certaines grandes institutions nationales telles que les Archives nationales, le Centre Pompidou et aussi le Grand Palais dont j'ai choisi de réorienter le projet de restauration pour mieux garantir la maîtrise des coûts et des délais.

De même, nos grands opérateurs de la création bénéficieront, grâce au plan de relance, d'un accompagnement exceptionnel, et 15 millions d'euros de mesures nouvelles permettront de poursuivre les grands projets engagés en 2019 tels le relogement du Centre national des arts plastiques à Pantin et les investissements visant à équiper les deux scènes de l'Opéra de Paris.

Le programme Création connaît également une forte augmentation de 4,5 %. Cet accroissement renforcera le soutien à la création, la production et la diffusion artistique dans le domaine du spectacle vivant et des arts visuels. À ces 37 millions d'euros de mesures budgétaires nouvelles s'ajouteront 320 millions issus du plan de relance. L'une des priorités est de mieux accompagner les établissements de création régionaux. Le budget 2021 consacre 15 millions d'euros à la restauration et à la consolidation des marges artistiques des labels et au soutien aux compagnies artistiques ; l'État atteint ainsi ses niveaux d'engagement aussi bien dans le domaine du spectacle vivant que pour les arts visuels. Les mesures du plan de relance soutiendront leur programmation et financeront des chantiers de rénovation dans ces établissements.

Le spectacle vivant sera également fortement soutenu grâce au renforcement des moyens du Centre national de la musique (CNM). Les 7,5 millions d'euros supplémentaires dans le programme 334 Livre et industries culturelles assurent le respect de la trajectoire triennale fixée l'an dernier pour cette nouvelle structure. En outre, le CNM recevra une dotation exceptionnelle de 200 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, afin qu'il joue un rôle moteur dans la reprise de toute la filière musicale.

Les dispositifs fiscaux que vous avez votés – prorogation du crédit d'impôt spectacle vivant, dont les critères ont été assouplis, et création du crédit d'impôt théâtre qui approfondit le dispositif que vous aviez fait adopter dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative – permettront aussi de soutenir l'activité des salles de spectacles.

Une autre priorité est de renforcer le soutien aux artistes et aux créateurs, en particulier ceux qui n'entrent pas dans le champ des dispositifs de soutien transversaux décidés en raison de la crise sanitaire. À cette fin, le projet de loi de finances complète les dispositifs du plan de relance, notamment le plan de commandes artistiques, doté de 30 millions d'euros.

Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) bénéficiera de 5 millions d'euros supplémentaires visant à réduire la précarité des artistes et des techniciens intermittents, et 2 millions d'euros seront mobilisés pour mettre en œuvre de premières mesures à destination des artistes-auteurs. Je mène les échanges lancés avec les organisations défendant les intérêts des artistes-auteurs afin de peaufiner la feuille de route que suivra le ministère pour mettre en œuvre des mesures tangibles.

La mission « Culture » contient également le nouveau programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Reprenant les actions 1, 2 et 9 du programme 224, il concerne donc l'enseignement supérieur culturel, l'accès à la culture et la politique linguistique. À périmètre constant, ce programme bénéficiera en 2021 de 46 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit une très forte hausse de 8,5 %. J'ai créé une nouvelle délégation au sein du ministère, qui sera chargée de ces moyens à dater du 1er janvier prochain ayant rang de direction d'administration centrale ; elle assurera le pilotage transversal de notre action en ce domaine. Cela renforcera nos liens avec les autres ministères, particulièrement les ministères chargés de la cohésion des territoires, de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur.

L'année prochaine, nous amplifierons l'action que nous menons pour atteindre notre objectif du « 100 % éducation artistique et culturelle (EAC) », en partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les collectivités territoriales. La hausse de 20 millions d'euros des crédits du Pass culture permettra de développer cet outil, qui devra évoluer pour mieux répondre à ses objectifs. Il faudra améliorer son articulation avec la fin du parcours d'EAC et favoriser la diversification des pratiques culturelles des jeunes gens qui s'y sont inscrits.

Notre politique d'accès à la culture dans tous les territoires bénéficiera également de moyens supplémentaires. Ils permettront notamment d'accompagner la première « Capitale française de la culture », qui sera désignée en 2021. Ce nouveau label, doté d'un million d'euros financés à parité par le ministère de la culture et par la Caisse des dépôts, distinguera tous les deux ans l'innovation artistique et l'attractivité d'une ville ou d'un groupement de collectivités de 20 000 à 200 000 habitants.

D'autre part, les États généraux des festivals que j'ai lancés il y a quelques semaines en Avignon et auxquels certains d'entre vous ont participé ont permis d'engager une concertation entre acteurs culturels visant à mieux accompagner ces manifestations qui jouent un rôle de premier plan dans la dynamisation de nos territoires. Les festivals bénéficieront également du prolongement du Fonds festival financé par le plan de relance.

Parce qu'il est essentiel de continuer d'accompagner les créateurs de demain, l'enseignement supérieur culturel sera aussi l'objet d'une attention particulière en 2021. Il bénéficiera d'une augmentation budgétaire importante – 3,3 % – après des années de stagnation. Cette hausse vise à améliorer les conditions d'études et de vie des étudiants de ces écoles, renforcer les mesures d'accompagnement de la vie étudiante, favoriser l'insertion professionnelle. À ces mesures s'ajoutera un plan exceptionnel de modernisation des écoles de l'enseignement supérieur culturel ; doté de 70 millions d'euros, il est financé dans le cadre du plan de relance.

La hausse de 3,2 % des crédits de la mission « Médias et industries culturelles » a pour objectif, en complément du plan de relance, de consolider et de moderniser les filières culturelles dont les fragilités structurelles se sont révélées ou accusées en raison de la crise. Ainsi la presse bénéficiera-t-elle d'un très ambitieux plan de filière doté de 483 millions d'euros sur trois ans, dont le financement repose sur la troisième loi de finances rectificative pour 2020, le projet de loi de finances pour 2021, le projet de loi de finances pour 2022 et le plan de relance. Présenté fin août par le Président de la République, ce plan de développement et de modernisation prévoit également la création de nouvelles aides au pluralisme financées par des mesures budgétaires pérennes inscrites dans le budget 2021. Une aide destinée aux services de presse en ligne d'information politique et générale, à raison de 4 millions d'euros par an, et une aide destinée à la presse ultramarine, à hauteur de 2 millions par an, seront instituées.

Le secteur du livre bénéficiera d'un plan de 89 millions d'euros sur trois ans financé par la loi de finances rectificative et le plan France relance ; il permettra en particulier de soutenir l'activité des librairies et des bibliothèques. À ces moyens exceptionnels s'ajoutent les crédits inscrits dans le projet de loi de finances, qui permettront notamment de financer l'achèvement du chantier de restauration de la Bibliothèque nationale de France (BnF). L'ouverture de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement permettra aussi à la BnF de lancer la construction d'un nouveau centre de stockage, qui devrait être utilisable d'ici 2027 ; les candidats sont nombreux.

Les filières cinématographique et audiovisuelle bénéficieront également, dans le cadre du plan de relance, d'un plan de 165 millions d'euros ; celui-ci vise à permettre la reprise et à engager la modernisation de l'ensemble de ces acteurs.

Le financement de l'audiovisuel public respectera la trajectoire engagée en 2018. L'effort d'économie de 80 millions demandé aux sociétés de l'audiovisuel public dans le cadre d'une ambitieuse stratégie de transformation a été réduit de 10 millions d'euros pour tenir compte de la prolongation jusqu'à l'été 2021 de la diffusion linéaire de France 4. La concordance des chiffres est une simple coïncidence, mais le plan de relance accordera à l'audiovisuel public un soutien financier exceptionnel de 70 millions d'euros pour compenser l'impact de la crise sanitaire et préserver sa capacité à investir dans la création.

Je sais que votre commission – singulièrement son président – porte une grande attention à l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), étant donné la suppression complète, à l'horizon 2023, de la taxe d'habitation, son support de collecte. Le rapport que vous avez sollicité à ce sujet mérite d'être plus abouti pour alimenter la réflexion collective que nous devons mener sur ce sujet d'extrême importance. Avec le ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, et votre président, nous proposons donc de lancer un travail parlementaire pour approfondir la question en étudiant les hypothèses envisageables et en mesurant l'impact et la faisabilité technique et politique de chacune.

Je salue les travaux déjà menés par le Parlement à l'occasion de la transposition de la directive Services de médias audiovisuels dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Ces travaux ne sont pas achevés, mais les votes sur l'article 24 ter du projet de loi montrent une volonté transversale unanime d'intégrer les plateformes numériques ciblant le public français à notre système de contribution à la création.

Parallèlement, les concertations avec les professionnels permettent de travailler aux modalités de mise en œuvre de cette réforme dans le cadre de la révision du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande, qui devrait être achevée au début 2021. C'est la première étape, essentielle, du rééquilibrage de notre système de financement de la création. Il passera également par la révision du décret fixant la contribution des chaînes historiques à l'issue de négociations professionnelles, et par l'adaptation de la chronologie des médias, dans un enchaînement logique.

D'autres mesures figuraient dans le projet de loi relatif à l'audiovisuel que votre commission a examiné en mars dernier. Je souhaite que des dispositions prioritaires très attendues par le secteur fassent l'objet d'une traduction législative dès que cela sera possible, en particulier celles qui concernent la lutte contre le piratage et l'évolution de la régulation. Aussi ai-je proposé au Premier ministre d'élaborer un nouveau projet de loi très resserré, tenant compte du travail déjà effectué. Dans les circonstances actuelles, il n'est pas possible de reprendre l'ensemble des dispositions figurant dans l'ambitieux projet de loi initial, mais il est indispensable qu'un texte législatif nous permette d'adapter à la transformation rapide et de ses acteurs et des usages les règles qui encadrent ce secteur.

Telles sont les orientations qui guideront l'action de mon ministère au long de l'année prochaine et que reflète le budget soumis à votre examen. Doté de moyens nouveaux, ce budget est à la hauteur des attentes des professionnels de la culture et du grand public et tient compte des innombrables défis que nous devons relever. C'est un budget de responsabilité, construit en complémentarité avec le plan de relance afin de mettre en œuvre une action globale pour conforter et parfois sauver notre modèle culturel.

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