Intervention de Valérie Bazin-Malgras

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Culture » :

Je remercie toutes les personnes que j'ai auditionnées pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges. Vous l'avez souligné, madame la ministre, la crise sanitaire frappe très durement le monde de la culture, dont les pertes se chiffrent en milliards d'euros. Le spectacle vivant aurait perdu 7 milliards d'euros, soit 72 % de son chiffre d'affaires, le patrimoine et les arts plastiques et visuels plus de 30 % du leur. Il est juste de reconnaître que l'État a joué son rôle d'amortisseur de la crise, aussi bien pour ses opérateurs que pour le secteur subventionné et le spectacle vivant privé.

Pour la partie du plan de relance qui me concerne – patrimoine, spectacle vivant, arts visuels et enseignement artistique –, les autorisations d'engagement atteignent un milliard d'euros ; toutefois, une bonne partie de ces crédits n'a pas sa place dans ce plan. Ainsi, des montants très importants visent à combler les déficits d'exploitation des grands opérateurs de l'État ; ces dépenses sont nécessaires, car nous n'allons bien sûr pas laisser couler le château de Versailles ou l'Opéra de Paris, mais devraient plutôt figurer dans la mission « Culture ».

D'autre part, je regrette que l'on ne consacre pas davantage de moyens à la restauration des monuments historiques que possèdent les collectivités territoriales et les propriétaires privés : seulement 40 millions d'euros sur deux ans sont prévus à cette fin. C'est dommage, non seulement parce que l'entretien des monuments historiques sert la délectation de tous – « Il y a deux choses dans un édifice », a écrit Victor Hugo, « son usage et sa beauté ; son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde » – mais aussi parce que des crédits supplémentaires seraient dépensés rapidement sur tout le territoire et contribueraient à la relance en maintenant l'activité du bâtiment et des métiers d'art. J'ai auditionné deux propriétaires de châteaux de ma circonscription et le maire d'une toute petite commune : leurs projets de restauration n'attendent que des crédits.

Hors plan de relance, les crédits de la mission « Culture » s'élèvent à 3,2 milliards d'euros ; ils rattraperont donc en 2021 leur niveau de 2010. Dans le programme Patrimoines, deux grands projets pèsent lourd dans la programmation pluriannuelle des crédits.

Le château de Villers-Cotterêts a été laissé dans un état de délabrement par la Ville de Paris qui y a logé jusqu'en 2014 un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je me réjouis que l'on rénove ce château de la Renaissance mais je suis frappée par les moyens disproportionnés qui lui sont consacrés. Le projet initial fixait un investissement de 110 millions d'euros ; le plan de relance prévoit 100 millions supplémentaires, dont 25 millions compensent le fait que l'État n'a pas trouvé de mécène pour ce projet et 75 millions l'absence d'investisseur privé pour restaurer et exploiter les communs. Convenez que cela sème le doute sur l'ambition initiale de ce grand projet présidentiel…

Ensuite, vous avez décidé, madame la ministre, de revoir les ambitions premières du projet pharaonique de rénovation du Grand Palais. Vous avez eu raison. Il est toutefois très étonnant que le nouveau projet soit présenté avec le même budget de 466 millions d'euros. D'autre part, chaque année des crédits manquent par rapport à la programmation pluri‑pluriannuelle. Les crédits inscrits dans le projet annuel de performances sont insuffisants et des crédits supplémentaires sont consommés en cours d'exercice au détriment d'autres actions du programme Patrimoines. Le principe de sincérité budgétaire est mis à mal. Où ont été pris les crédits nécessaires pour le Grand Palais en 2020 et où le seront-ils en 2021 ?

Pour le programme Création, je ne rappellerai pas l'ensemble des dispositifs mis en œuvre pour aider le spectacle vivant à surmonter la crise, notamment par le biais du CNM et de l'Association pour le soutien au théâtre privé, mais j'insiste sur la nécessité de maintenir les aides d'urgence en 2021 aussi longtemps que l'activité ne pourra reprendre normalement.

Je me réjouis de l'adoption de l'amendement créant un « crédit d'impôt théâtre » lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances ; j'espère que les cabarets seront intégrés dans son périmètre, ou dans celui du « crédit d'impôt spectacle vivant musical ». D'autre part, le déséquilibre est frappant entre les moyens accordés au spectacle vivant et ceux qui vont aux arts plastiques. Certes, le spectacle vivant est plus directement touché par le confinement, les mesures de distanciation et le couvre-feu, mais les artistes plasticiens subissent l'annulation des expositions et ne bénéficient pas d'un régime d'assurance chômage.

Enfin, le Pass culture semble être passé au second plan. Le confinement a malheureusement été ordonné au moment où ce dispositif devait être étendu à de nouveaux départements dont le mien, ce dont je me réjouissais. J'observe un changement d'orientation du Gouvernement : après avoir annoncé la généralisation du Pass culture, vous semblez vous rétracter et modifier ses modalités d'attribution et son montant ; je le déplore.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce budget, et je vous renvoie à la lecture de mon rapport. Pour les raisons que j'ai exposées, je m'abstiendrai lors du vote des crédits de la mission Culture.

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