Intervention de Michèle Victory

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Les quelque 80 000 entreprises et 635 000 emplois à titre principal du monde de la culture sont en grande souffrance. Déjà sonné par la première vague de la pandémie, le secteur était, avec le couvre-feu, au bord de la noyade. Pourtant, assumant ses responsabilités, il n'a été source d'aucune contamination, et il se bat pour soutenir ses filières, ses artistes, ses salariés, ses indépendants et ses intermittents, cette chaîne de métiers complexe et riche. Vous avez reconnu l'importance majeure de ce secteur en augmentant le budget et l'ensemble de ses programmes de 4,6 %. Avec le plan de relance, les mesures transversales et vos annonces récentes de soutien au spectacle vivant et au cinéma, l'attention que vous portez au monde de la culture est très significative ; elle était attendue.

Cependant, au regard de l'ampleur des pertes subies, nous redoutons que les augmentations prévues ne suffisent pas. Avec une perte de 22 milliards d'euros et une chute de chiffre d'affaires de 84 % pour le spectacle vivant – secteur qui compte à lui seul 218 000 emplois –, de 31 % pour les arts visuels et de 36 % pour le patrimoine, c'est d'une double stratégie que nous avons besoin : un plan de soutien et la consolidation des budgets.

Dans ce contexte, l'année blanche des intermittents sera-t-elle prolongée après août 2021 ? Certes, son financement ne concerne pas votre budget, madame la ministre, mais c'est à vous que revient, je l'espère, la délicate mission d'en préciser les contours.

D'autre part, au programme 131, il faut trouver un équilibre entre le soutien apporté aux grandes structures et opérateurs de l'État et les aides aux régions. Le rapport des dépenses du ministère dans ce domaine est de 139 euros dépensés par Francilien et de 15 euros pour les habitants des autres régions. Les grandes institutions qui mobilisent l'essentiel des moyens du budget de la culture jouent un rôle de médiation primordial, mais ces missions ne devraient pas peser sur les efforts en faveur des collectivités. Or, 126 millions d'euros sont fléchés vers ces opérateurs nationaux, au regard desquels les 3 millions de dotations qui vont à la création des quartiers culturels et créatifs, et les 40 millions sur deux ans alloués au fonds incitatif et partenarial en faveur des monuments historiques des petites communes ne nous paraissent pas suffisants.

Un soutien plus affirmé à l'emploi artistique pérenne serait nécessaire. Il s'agit autant de moyens supplémentaires que d'éligibilité et de restructuration du tissu d'emploi, et les 5 millions d'euros supplémentaires alloués risquent fort de ne pas suffire à sauver les milliers d'emplois menacés. Nous soutenons également la création d'un fonds équivalent pour les arts visuels ; ce secteur, qui ne bénéficie pas du FONPEPS, souffre depuis plusieurs années d'une sous-dotation chronique.

Et encore : il faut redéfinir les règles de financement de la commande publique pour rendre la politique du 1 % artistique plus efficiente. Dans leur grande majorité, les artistes auteurs vivent dans une précarité injustifiable. La création d'un centre national est évidemment attendue et il est urgent de remettre à plat l'économie d'un secteur où coexistent des situations complexes. Les dispositifs sociaux et fiscaux actuels, adossés au système économique de diffusion, négligent trop souvent le processus de création.

Une action affirmée doit être conduite en faveur des écoles d'art territoriales, qui n'ont toujours pas eu un début de réponse des ministères impliqués ; elles sont mentionnées dans le bleu budgétaire mais ne font l'objet d'aucune annonce et le traitement réservé aux professeurs de ces écoles est particulièrement discutable. D'autre part, qu'en est-il de la réforme des conservatoires ?

Enfin, nous soutenons la poursuite des politiques de démocratisation de la culture par le biais de l'éducation artistique et culturelle en dépit de ses insuffisances et de son effectivité relative. Il est bon de faire entrer l'art à l'école, de faire se rencontrer une œuvre, un artiste et un élève, mais à condition que nous ne nous contentions pas d'une seule rencontre et que nous sachions donner à nos jeunes les outils de cette transmission. À cet égard, nous regrettons la dépense de 59 millions d'euros affectée au Pass culture, dont plusieurs enquêtes montrent qu'il n'est utilisé que marginalement par les publics des milieux sociaux professionnels défavorisés – je pense aux élèves de lycées professionnels et aux apprentis. Nous aimerions, madame la ministre, que vous plaidiez en faveur d'une autre vision du temps scolaire, avec une éducation artistique effective, intégrant les apprentissages fondamentaux, pour parvenir à corriger significativement les inégalités d'accès à la culture.

Eu égard à votre soutien sans faille à la culture, nous ne voterons évidemment pas contre ce budget.

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