Le Pass culture a pour objectif de favoriser le développement de l'autonomie culturelle des jeunes par la découverte de la diversité de l'offre culturelle de proximité. Un crédit de 500 euros avait été fixé pour permettre à chaque jeune fille et jeune homme âgés de 18 ans de réserver des biens et des services culturels référencés sur une application web et mobile géolocalisée, sous forme d'une expérimentation. Ayant analysé cette application, je puis dire qu'elle favorise l'accès à l'ensemble des offres culturelles, sans que tout cela soit une vision marchande. La gestion du dispositif est assurée par la Société du Pass culture, société par actions simplifiée créée entre l'État et la Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations. Les crédits du Pass culture augmenteront de 20 millions d'euros en 2021 pour permettre son déploiement.
Nous réfléchissons à le généraliser en l'articulant au mieux avec les parcours d'éducation artistique pour les jeunes gens âgés de 16-17 ans. Je prendrai la décision sous peu et viendrai vous en parler. On peut envisager une généralisation à tous les jeunes, en fixant à 300 euros environ le montant alloué à chacun. L'expérimentation montre que les 500 euros ne sont pas utilisés à plein, et de loin. Le Pass culture a contribué à la relance du secteur culturel à la suite du confinement, avec une communication massive des opérateurs physiques auprès des jeunes gens inscrits. On note d'ailleurs une tendance à la hausse de la consommation, qui était de 124 euros en moyenne, et la barre des 100 000 inscrits a été franchie à la mi‑septembre.
J'étais assez réservée au départ à propos de ce dispositif, me demandant si ces crédits étaient consommés. Je vois qu'ils le sont de plus en plus, sans atteindre 500 euros ; que l'offre est très diversifiée ; qu'il y a une appétence pour le Pass culture. Au 20 octobre 2020, dans les départements d'expérimentation, le taux d'inscription est de 81 % et le taux d'utilisation de 71 % – très loin des chiffres catastrophiques présentés au départ. Les catégories les plus consommées sont les livres, la musique et l'audiovisuel, des biens physiques en grande majorité, des biens numériques et des événements.
Quelques mots sur la répartition géographique des dépenses. La notion de « grands établissements situés en région parisienne » me laisse quelque peu réservée : ils sont situés en en France ! Certes, l'Opéra de Paris et le musée du Louvre sont à Paris, le château de Versailles là où l'on sait, mais je ne vois pas un élément déstructurant des politiques culturelles dans le fait que ces grands monuments, qui attirent un public international, soient à Paris ou alentours – tout au contraire.
En 2019, les crédits de la mission « Culture » ont été répartis entre l'Île-de-France pour 58 % et le reste du territoire pour 42 %. Mais l'analyse des budgets des 69 opérateurs rattachés à cette mission montre que 80 % de leurs dépenses sont liées à Paris et à l'Île‑de‑France, le reste étant réparti entre les autres régions ; le déséquilibre des dépenses doit donc être nuancé. Le rayonnement international et le statut de ville capitale de Paris résultent de l'histoire de notre pays et de la politique d'implantation de ces établissements publics nationaux culturels, fortement amplifiée par les grands travaux conduits au début des années 1980.
D'autre part, l'estimation du coût des actions menées n'est pas toujours facile : ainsi des dépôts et des prêts d'œuvres des musées nationaux parisiens aux établissements territoriaux. Par exemple, le Louvre expose 35 000 œuvres à Paris et en confie le même nombre aux musées régionaux. Hors dépôts, le musée du Louvre a prêté 608 objets à d'autres institutions en France et collaboré à 21 expositions. Certains musées d'Île-de-France interviennent en région ou développent des partenariats en ingénierie culturelle avec les acteurs locaux. Le musée des Arts décoratifs a ainsi implanté un deuxième site de l'École Camondo à Toulon en 2019 ; l'Établissement du parc de la Grande Halle de La Villette coordonne le déploiement du réseau de micro-folies sur l'ensemble du territoire ; la Philharmonie de Paris porte le projet de démocratisation culturelle Démos dans plusieurs régions de métropole et Outre-mer. La RMN-GP exploite de nombreux musées, dont le musée Chagall à Nice, le château de Pau et le musée Magnin à Dijon. Les grands opérateurs ont un rôle de tête de pont, d'animateur de la politique culturelle dans l'ensemble du pays.
Madame Bazin-Malgras, maintenir, dans cette crise, de grands établissements publics tels que le château de Versailles, l'Opéra de Paris ou le Louvre la tête hors de l'eau, faire qu'ils puissent continuer à jouer leur rôle moteur, c'est évidemment participer à la relance. Sur le plan strictement budgétaire, ces crédits ne sont pas imputés su le PLF 2021 car ce sont des crédits exceptionnels visant à ce que ces établissements puissent poursuivre leur mission. Ce ne sont pas non plus des chèques en blanc, comme je l'ai dit à Alexandre Neef, directeur de l'Opéra de Paris. C'est aussi pourquoi j'ai confié à Georges-François Hirsch et à Christophe Tardieu une mission sur les perspectives et les modalités d'accompagnement et de soutien de l'Opéra national de Paris : l'Opéra n'est pas dans la situation catastrophique qu'on lui connaît uniquement en raison de la crise sanitaire ; il y a des torsions, des déficits dans sa gestion dont Alexander Neef a hérité. Je souhaite aussi que l'Opéra de Paris prenne mieux en compte son rôle de tête de pont de l'art lyrique dans les territoires. Des progrès sont nécessaires et j'accompagnerai les décisions stratégiques qui devront être prises.
L'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour les travaux sur les monuments historiques est une question de grande importance, monsieur Gérard. Une ordonnance de 2005 modifiant le code du patrimoine a rendu aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration sur leurs biens classés ou inscrits. Le code prévoit toutefois que les services de l'État peuvent apporter une AMO à ces propriétaires, gratuitement lorsqu'ils ne disposent pas des moyens nécessaires à l'exercice de la maîtrise d'ouvrage, rémunérée dans les autres cas ; de nombreuses petites communes peuvent y prétendre. Néanmoins, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), chargées de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments de l'État, notamment les cathédrales, et du contrôle scientifique et technique de tous les travaux effectués sur les monuments historiques de la région, ne peuvent répondre à toutes les demandes. Aussi, lorsque les propriétaires, notamment les petites communes, souhaitent recourir à une AMO publique ou privée payante, le coût de celle-ci peut être inclus dans le montant subventionnable par l'État des travaux de restauration de leurs monuments historiques. La création d'un fonds spécifique ne semble donc pas utile.
Non, madame Le Grip, le transfert de 111 millions d'euros n'est pas un tour de passe-passe budgétaire : c'est que l'ancien programme 186 est désormais intégré au nouveau programme 361 et que la lecture du projet de budget est parfois compliquée.
Le programme exceptionnel de commandes publiques visant à soutenir les artistes et les créateurs, doté de 30 millions d'euros dans le plan de relance, concernera toutes les disciplines, des arts visuels au spectacle vivant, la littérature, le cinéma, l'architecture, les métiers d'art. Il sera notamment consacré aux jeunes créateurs fragilisés. Ce programme, qui donnera lieu à quatre appels à projets nationaux échelonnés jusqu'au printemps 2022, sera évidemment l'occasion de définir une solide politique territoriale. Il combinera diverses modalités d'intervention publique complémentaires : commande, aide au projet, appel à projets. Il aura aussi vocation à créer échanges et partages avec les collectivités territoriales et avec certains acteurs privés – n'en soyez pas choqué, monsieur Larive, cela peut se produire et ce n'est pas un péché.
Vous êtes, madame Mette, attachée à la francophonie. Le plan d'action « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » a été lancé le 20 mars 2018 par le Président de la République ; la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts en constituera la pierre angulaire. Nous voulons promouvoir le français dans la diversité de ses expressions ; notre projet-phare est le Dictionnaire des francophones, numérique et collaboratif, de 500 000 termes. Issu d'un partenariat entre le ministère de la culture et un grand nombre d'acteurs institutionnels et réalisé par l'Institut international pour la francophonie de l'Université Lyon 3-Jean Moulin, ce dictionnaire prendra la forme d'une application que vous verrez dans les prochains jours.
Pour renforcer le sentiment d'appartenance à la francophonie de nos concitoyens, nous lançons également des pactes linguistiques. Le premier sera signé avant la fin de l'année entre le ministère, le conseil régional des Hauts-de-France, le département de l'Aisne et la communauté de communes de Retz-en-Valois. Le ministère soutient d'autre part des réalisations telles que le festival des Francophonies en Limousin, leur mise en réseau par la constitution des pôles de référence pour le spectacle vivant francophone que sont la Cité internationale des arts de Paris et la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon et, plus généralement, les initiatives locales. Il contribue aussi à la construction d'un espace numérique francophone des savoirs et de la connaissance.
Vous le savez, madame Victory, le coût de l'année blanche des intermittents du spectacle est de 949 millions d'euros. Au-delà de son aspect financier, la mesure vise la recherche des droits, volet sur lequel j'insiste et dont je rappelle les dispositions. Si la condition d'affiliation minimale de 507 heures travaillées n'est pas remplie au cours des douze derniers mois, les heures manquantes seront recherchées sur vingt-quatre mois. Le nombre d'heures d'intervention en établissement d'enseignement a été augmenté pour faciliter l'atteinte du seuil de 507 heures, la limite de 70 heures étant portée à 140 heures pour les artistes et techniciens âgés de moins de 50 ans, et de 120 heures à 170 heures pour ceux qui sont âgés de 50 ans et plus.
Le fonds d'urgence spécifique et temporaire de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) qui ne sont pas éligibles à ces dispositifs a été doté de 5 millions d'euros. Étant donné l'instauration du couvre-feu, il sera augmenté de 5 millions d'euros et j'ai déjà prévu un abondement de 7 millions d'euros pour 2021. Des aides sociales forfaitaires de 1 000 euros sont destinées aux professionnels qui se trouvaient en cours de constitution de droits au régime d'assurance chômage des intermittents, aux intermittents ayant épuisé leurs droits à l'allocation de fin de droit, aux artistes qui se produisent en majorité à l'étranger sous des contrats de travail locaux, aux intermittents dont les droits au régime d'assurance-chômage n'ont pas repris faute de contrat post-congé maternité, congé d'adoption ou arrêt-maladie pour affections de longue durée. On s'est aperçu qu'il y avait beaucoup de trous dans la raquette et j'ai voulu les combler peu à peu. Le dispositif sera effectif jusqu'au 31 août 2021. Nous apprécierons alors s'il convient de le maintenir et s'il le faut ce sera fait, car nous ne laisserons évidemment pas tomber les intermittents, qui sont d'une importance cruciale pour notre secteur culturel. En réalité, le régime des intermittents est une subvention du régime d'assurance-chômage à la politique culturelle française.
Il existe en France quarante-quatre écoles supérieures d'art. Les financements de l'État étant limités en moyenne à 11 % de leur budget et ayant dû financer des mesures d'urgence sur leurs fonds propres, elles sont fragilisées. Le plan de relance prévoit des financements. Il y a sept écoles nationales supérieures d'art en région et nous les aiderons, bien sûr.
Le ministère et les préfets ont la responsabilité de veiller à la bonne application du dispositif du 1 % artistique. Que la procédure ne soit pas respectée n'est pas le fait de l'État mais de certaines collectivités territoriales, des régions en particulier. L'introduction récente de ce dispositif dans le code de la commande publique en renforcera l'application. Je diffuserai prochainement une circulaire aux préfets les appelant à une attention particulière à ce sujet.
Mme Descamps m'a interrogée sur l'établissement public de restauration de Notre‑Dame de Paris. Une confusion est née à la suite d'une lettre d'observations de la Cour des comptes. La loi du 29 juillet 2019 précise que les fonds issus de la souscription nationale sont destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale et de son mobilier, ainsi qu'à la formation initiale et continue des professionnels pour ce chantier. J'ai répondu aux observations de la Cour des comptes que les opérations de maîtrise d'ouvrage, essentielles à la réalisation des travaux, ne peuvent être disjointes du fonctionnement d'un établissement dont c'est la mission statutaire. La bonne information des donateurs a été faite et le déroulement du chantier demande ces dépenses, c'est une évidence. De plus, l'affectation d'une partie marginale – 5 millions d'euros par an – de la souscription au financement de l'établissement public vous avait été clairement indiquée par mon prédécesseur. L'affaire est donc transparente ; ne cherchons pas de mauvais procès. Nous veillons, comme c'est notre rôle de tutelle, à l'équilibre des dépenses de fonctionnement et de personnel de l'établissement, opérateur de l'État, dans le cadre du projet de loi de finances. Nous suivons pour cela les effectifs et les équilibres financiers dans les documents budgétaires annexés à la loi de finances. Il sera rendu compte des subventions de l'État issues des produits des fonds de concours provenant de la souscription nationale. Enfin, le ministère de la culture prendra en charge le loyer des locaux de l'établissement public. Il n'y a donc pas de problème.
Enfin, en ce qui concerne le CNM, madame Descamps, oui celui-ci peut soutenir tous les acteurs de la musique et toutes les esthétiques musicales.