Vous m'interrogez sur les audiences d'Okoo et sur nos investissements dans le numérique. Plutôt que de nous attacher aux audiences de la veille, toujours aussi commentées dans les médias, nous préférons suivre le nombre d'individus touchés chaque semaine par typologie de public. En l'occurrence, avec Okoo, Lumni et France 4, nous touchons plus de 60 % des jeunes publics toutes les semaines. Okoo est une marque extrêmement puissante, présente sur les quatre écrans, qui totalise plus de 39 millions de vidéos vues mensuellement en non-linéaire, quand notre plateforme france.tv totalise entre 80 et 100 millions de vidéos vues chaque semaine.
Nous sommes parfaitement alignés avec notre objectif de doublement des investissements sur le numérique – de 100 à 200 millions d'euros – d'ici 2022, tant sur les programmes que sur la technique. L'investissement technique a toutefois été rationalisé, car nous avons fermé de nombreux sites et souches techniques. Nous ne conservons que deux matrices techniques – la matrice de l'information pour Franceinfo, la matrice des programmes avec france.tv – et construisons tout notre univers numérique sur cette base. Nos investissements sont donc augmentés tout en étant rationalisés pour gagner en efficacité.
Dans la mesure où tous les médias traditionnels sont percutés par la concurrence européenne, je considère que l'alliance est la seule solution d'avenir, tant au niveau local – j'ai fortement poussé pour construire une alliance commune avec TF1 et M6 – qu'au niveau européen. En effet, les services publics européens sont confrontés aux mêmes difficultés : augmentation des propos radicaux et des infox, déstabilisation des services publics, lutte pour l'indépendance de l'information, défense et protection des journalistes. Ainsi, en tant que présidente de l'UER, je tâcherai de renforcer le service dû à chaque membre de cette union et d'en faire une force de proposition beaucoup plus active auprès de la Commission européenne. Par ailleurs, au-delà du partage des droits sportifs, nous devrons trouver un modèle de partage de la création qui nous rendra plus forts sur le marché européen que nous ne le sommes sur nos marchés domestiques. Je consacrerai une large partie de mon mandat de deux ans à cette tâche, dans la continuité de ma mission à la tête de France Télévisions.
Le livre à la télévision fait lire. Les programmes Télématin, On est presque en direct et La grande librairie sont les plus prescripteurs dans ce domaine, et nos programmes d'accueil culturel demeurent essentiels pour les éditeurs et les auteurs. Cela dit, nous devons encore progresser pour promouvoir davantage de nouveaux auteurs de tous genres littéraires.
Pour lutter contre les stéréotypes, nous portons une attention particulière aux rôles féminins dans notre sélection de scénarios de séries ou de fictions. Il ne vous aura pas échappé que de nombreux rôles féminins sont des rôles d'héroïnes visant à casser les stéréotypes, comme en témoignent nos programmes Capitaine Marleau ou Candice Renoir. Pour aller plus loin et disposer d'une vision de femme sur ces sujets, nous devons favoriser la féminisation des rôles artistiques clés des fictions : production, réalisation, direction de collection. Nous avons d'ores et déjà pris des engagements avec le collectif 50/50 pour augmenter la proportion de réalisatrices dans nos fictions, qui commencent à produire leurs fruits. Nous savons en effet qu'une réalisatrice, une productrice ou une directrice de collection veillera plus fortement à ne pas véhiculer les stéréotypes que quelqu'un qui y est moins exposé.
S'agissant du traitement de la laïcité, nous avons couvert le drame de Conflans‑Sainte-Honorine sans hystériser l'information, dans nos magazines d'information et dans nos programmes de divertissement. Nous avons aussi diffusé le film Les héritiers pour mettre en avant la difficulté, la beauté et l'importance du métier de professeur, ainsi que pour manifester notre soutien au monde enseignant. Cela dit, nous veillons à rester à notre place, dans la mesure où la transmission des valeurs de la République aux enfants demeure extrêmement compliquée. Nous n'avons pas la prétention de nous substituer aux enseignants. En revanche, nous demeurons un partenaire fiable mettant à disposition les matériaux, œuvres – Histoires d'une nation, Décolonisation – et modules pédagogiques dont ils peuvent avoir besoin.
Nous avons été précurseurs du sport féminin à la télévision et avons contribué à sa popularisation. Le revers de la médaille est que les droits de diffusion ont explosé et qu'il est de plus en plus difficile de les payer, d'autant que la publicité après 20 heures nous est toujours interdite, ce qui nous handicape fortement dans la compétition. Nous sommes tout de même parvenus à sécuriser certains droits, et nous profiterons de Paris 2024 pour montrer toutes les disciplines et tous les athlètes dans leur diversité.
Au-delà de la réforme de l'audiovisuel public, le projet de loi sur l'audiovisuel insistait également sur l'accessibilité de tous les téléspectateurs à l'audiovisuel. Cette accessibilité diffère suivant que vous soyez équipé d'un téléviseur et d'un décodeur de télévision numérique terrestre (TNT) ou d'une box fournie par un opérateur internet, puisque ce dernier maîtrise l'accessibilité des chaînes. Nous le constatons avec les chaînes régionales de France 3, dont l'accès doit être négocié avec les opérateurs. La disparition de cet objectif d'équilibre dans la distribution de nos chaînes s'avère donc problématique. Concernant la réforme de l'audiovisuel public à proprement parler, nous devons surtout penser à travailler ensemble, indépendamment de l'existence ou de l'absence de structure commune. Plusieurs projets communs ont été conduits avec succès (Franceinfo, Lumni, Culture Prime), et nous devons prolonger cette dynamique, dans le respect des différentes maisons de l'audiovisuel public, via des partenariats permettant à chacune de contribuer à des offres communes.
Enfin, au-delà des messages de prévention contre la Covid-19, qui peuvent parfois être envahissants, nos différentes émissions de santé contribuent à renforcer l'éducation dans ce domaine. Nous favorisons également les programmes à caractère scientifique, qui participent de la même démarche, sachant qu'il est dans le rôle de la télévision d'assurer un juste équilibre entre l'émotionnel et le rationnel. La promotion des grandes avancées médicales et des grandes découvertes technologiques nous semble tout à fait pertinente et complémentaire des messages d'alerte et d'information générale contre la Covid-19.