Intervention de Delphine Ernotte

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Delphine Ernotte, présidente-directrice générale de France Télévisions :

Sitôt que la publicité adressée nous a été permise, notre régie a conclu des accords avec Orange et Bouygues Telecom pour tester des modèles de publicité adressée. Je rappellerai toutefois que France Télévisions ne pèse que 10 % du marché publicitaire à la télévision, qui est largement dominé par TF1 et M6, même si notre régie cultive sa différence en distinguant les programmes de service public avec beaucoup de pertinence et d'efficacité. Nous cherchons certes à emprunter ces chemins de la modernité, mais ils ne révolutionneront pas notre chiffre d'affaires publicitaire, qui demeurera modeste.

L'accessibilité des programmes de Franceinfo aux sourds et malentendants a été multipliée par cinq, au-delà de nos engagements, étant entendu que la tranche matinale, le journal de 16 heures et la tranche du soir à compter de 21 heures bénéficient désormais d'un sous-titrage, sans compter nos deux journaux en langue des signes. Pour aller plus loin, nous travaillons avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNPCH) sur des méthodologies de sous-titrage automatique qui nous permettraient de sous-titrer 100 % de la chaîne et d'augmenter l'accessibilité sur l'ensemble de nos antennes.

Je vous confirme, par ailleurs, que les programmes Lumni et les programmes éducatifs de France 4 ont été conçus en total partenariat avec l'Éducation nationale. Nous n'aurions su recommander une plateforme éducative sans son expertise et sa vigilance. L'Éducation nationale a affecté non seulement des professeurs compétents pour les cours dispensés sur France 4, mais également des inspecteurs chargés, par discipline, d'en vérifier la conformité. Le lien de confiance que nous avions tissé avec l'institution lors de la construction de Lumni nous a permis de réagir rapidement après l'annonce du confinement.

À cause du piratage, plusieurs milliards d'euros s'échappent de France chaque année, privant les producteurs de valeur et nous privant indirectement d'une partie de notre audience et de nos revenus. Nous savons que nos programmes sont piratés sitôt qu'ils sont mis en ligne sur france.tv, sans que l'on sache toujours très bien comment. Il s'agit donc d'un sujet majeur – si ce n'est le sujet principal – en termes de respect du droit d'auteur et d'enjeux économiques.

Au niveau européen, la mutualisation pourrait aller encore plus loin que ce que nous connaissons aujourd'hui. L'UER répond déjà à des appels d'offres sur les droits sportifs pour le compte de tous ses adhérents, ce qui nous permet d'obtenir de meilleurs tarifs et de gagner en compétitivité par rapport aux gros acteurs du marché. De même, nous partageons quelques émissions de divertissement, comme le concert du jour de l'an ou le concours de l'Eurovision. Nous devons donc développer ces moments de communion européenne participant de la construction du sentiment européen. Par ailleurs, nous devons élargir l'accès aux coproductions internationales aux acteurs européens plus modestes ne pouvant investir d'importants montants, dans une logique de péréquation entre les différentes télévisions publiques européennes. Nous pourrons ainsi éviter la signature d'accords trop contraignants avec les plateformes américaines et soutenir les petites géographies dotées de budgets modestes. En parallèle, nous espérons que certains projets développés avec la RAI et ZDF s'exporteront hors de l'Europe et créeront de la richesse pour notre espace européen.

Les programmes de flux ont effectivement diminué, alors que les investissements en création ont été augmentées et que les dépenses de structure ont été réduites. L'effet ciseau est difficile à éviter et nous oblige à renégocier – notamment sur les taux de marge – et à nous réinterroger sur la place des programmes de flux, qui contribuent effectivement au lien social. C'est ainsi que nous avons lancé l'émission Six à la maison, pour continuer à nous différencier de la froideur des plateformes. Il s'agit d'un sujet d'attention et de préoccupation.

En matière d'offre éducative, nous avons archivé l'ensemble des contenus pédagogiques et programmes éducatifs diffusés via Lumni, qui totalisent un volume de 12 000 heures. Nous devons maintenant référencer ce contenu gratuit et validé par l'Éducation nationale pour aider les jeunes et les parents à s'y retrouver et le rendre notamment disponible aux enfants hospitalisés, aux enseignants et aux éducateurs.

L'éducation de nos jeunes publics à la question environnementale est tout aussi essentielle que complexe. Nous devons continuer à alerter pour favoriser la prise de conscience, mais également présenter des solutions pour ne pas laisser les téléspectateurs dans l'angoisse, sachant que certains nous reprochent la noirceur de nos documentaires. Nous multiplions donc les programmes et le journalisme de solution démontrant qu'il est possible d'agir et de contribuer à la préservation de l'environnement.

Pour le sport à la télévision, l'on doit tenir compte du fait que le montant des droits de diffusion double tous les quatre ans, alors que notre budget diminue. L'effet de ciseau est donc majeur, d'autant que nous ne pouvons tabler sur les recettes de publicité après 20 heures pour compenser le surcoût. Nous sommes parvenus à sécuriser de nombreux grands rendez‑vous, comme Paris 2024, le Tour de France ou Roland-Garros, mais je regrette que notre effort en faveur de la popularisation du tennis n'ait pas été récompensé par la Fédération, qui a proposé deux lots pour nous écarter des lots du soir. L'avenir nous dira si les matches du soir diffusés par Amazon sont autant regardés que ceux de l'après-midi sur France Télévisions.

M. Raphaël Gérard, je connais votre engagement en matière de représentation et de diversité, mais vous m'interpellez sur un reportage que je n'ai pas vu. Au-delà de cet exemple précis, je préfère m'attarder sur les chiffres présentés en comité de suivi du pacte de visibilité et sur le nombre croissant de sujets d'information dédiés aux outre-mer. Nous sommes sincèrement investis dans cette recherche d'une meilleure visibilité, dans nos programmes d'information comme dans nos programmes de première partie de soirée. Cela dit, nous ne pouvons pas intervenir trop fortement sur le contenu même de l'information, au risque de toucher à la liberté et à l'indépendance des journalistes, valeurs cardinales que nous nous efforçons de préserver. Je tiens toutefois à rassurer la commission sur la tenue présente et future des engagements du pacte de visibilité. Nous conduirons par ailleurs des études de perception à intervalles réguliers pour mesurer si les Ultramarins vivant à Paris se sentent représentés sur les chaînes de France Télévisions.

Pour répondre à M. Ravier, je considère que nous avons besoin des différentes compétences de chaque entreprise de l'audiovisuel public. Plutôt qu'un pilotage centralisé, il me paraît préférable d'opter pour une logique partenariale et de nous répartir l'activité de manière collégiale, dans le respect de nos identités et de nos métiers respectifs, au service d'intérêts convergents. C'est justement la logique mise en œuvre pour Franceinfo, puisque les équipes de la radio et la télévision échangent de manière quotidienne pour dépasser leurs divergences.

Concernant enfin la stratégie de marque, nous devons notamment nous interroger sur la dénomination du numérique commun en région. Plus généralement, nous devons réfléchir à la manière de nous présenter de manière cohérente et d'établir des ponts entre la richesse des uns et des autres, dans l'objectif de créer des marques et un univers commun permettant d'identifier aisément le service public dans le paysage audiovisuel.

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