Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion d'échanger avec vous.
Il est vrai que nous faisons face à un grand défi, une pandémie qui ne connaît pas de frontières et qui met l'Union européenne à l'épreuve. Mais nous avons montré notre capacité de réaction et, en tant que commissaire responsable de l'innovation, de la recherche, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, je veux dire d'emblée qu'au cours de ces derniers mois, il est apparu clairement que la science, la recherche, l'innovation, l'éducation et la culture sont les clés qui doivent permettre à l'Europe de réussir son plan de relance et de devenir plus résiliente face à de futures crises.
Je commencerai mon intervention avec une bonne nouvelle, celle de l'accord entre le Conseil européen et le Parlement, survenu le 10 novembre, sur le futur cadre financier pluriannuel (CFP). Cet accord est le fruit de plusieurs mois d'intenses discussions, qui ont abouti à un résultat très positif : un montant supplémentaire de 4 milliards pour Horizon Europe, de 2,2 milliards pour Erasmus + et de 600 millions pour le programme Europe créative. Ce qui doit encore être éclairci, c'est le mode de répartition de ces financements : nous sommes dans une phase de négociation et, en tant que commissaire, je suis responsable de tous les piliers du programme Horizon Europe. Les investissements dans la recherche, l'innovation et l'éducation sont stratégiques et nous devons faire preuve de flexibilité et d'efficacité avec tous les États membres pour obtenir les meilleurs résultats.
J'évoquerai d'abord la recherche et l'innovation. Il est vrai que la pandémie de covid-19 a montré l'importance des efforts que nous avons faits dans le domaine de la recherche et de l'innovation sur le temps long. Mais, au cours des derniers mois, nous sommes également parvenus à apporter une réponse coordonnée au niveau européen et à disposer rapidement de financements flexibles capables de soutenir des éléments critiques de la chaîne de valeur. D'ici la fin de l'année, nous aurons ainsi investi 1 milliard dans la recherche et l'innovation pour lutter contre le covid : c'est la contribution du programme Horizon 2020. Dans ce contexte, il est donc essentiel que le programme Horizon Europe soit renforcé de façon significative pour financer la recherche dans des domaines comme la santé ou les transitions verte et numérique, et pour renforcer notre niveau de préparation face aux situations d'urgence. Au-delà des aspects budgétaires, le nouveau programme-cadre s'est surtout doté d'instruments efficaces, à la mesure des défis qui sont devant nous. Je voudrais ici évoquer trois nouveautés majeures.
Premièrement, cinq missions ont été identifiées, qui visent à définir des solutions et des initiatives autour des grands défis contemporains que sont l'adaptation au changement climatique, la protection des océans, la lutte contre le cancer, les villes neutres en carbone et la santé des sols. Nous entrons dans une phase critique, puisque les boards des missions ont présenté leurs recommandations. Une phase préparatoire s'ouvre à présent, qui va durer entre six et douze mois : elle doit nous permettre d'identifier les premières actions à mener pour convaincre nos citoyens qu'il importe, sur ces questions, d'agir au niveau européen. Je tiens à remercier les membres des missions, qui ont fait un effort particulier pour définir des objectifs précis. La mission relative à la lutte contre le cancer s'est par exemple fixée pour objectif de sauver 3 millions de vies humaines d'ici 2030.
Deuxièmement, face à la multitude de partenariats qui rend le paysage du programme Horizon 2020 assez complexe – je rappelle que nous avons 120 partenariats public‑privé –, nous avons renouvelé notre approche : désormais, nous voulons avoir des partenariats orientés vers l'impact, avec une coordination qui se fasse du début à la fin. C'est pour cela que leur nombre sera drastiquement réduit : les partenariats public-privé, dans le nouveau programme Horizon Europe, seront au nombre de 49. Il reste à créer des partenariats sur plusieurs sujets qui ont une grande importance pour l'Union européenne et je me réjouis, à cet égard, que les études d'impact – impact assessments – aient montré qu'il est tout aussi nécessaire d'avoir des partenariats dans le domaine de la santé que dans les secteurs de l'énergie, de la mobilité ou du numérique.
Le troisième élément, c'est le Conseil européen de l'innovation. Nous avons l'ambition de le transformer en une fabrique européenne de licornes, parce que l'Europe a besoin de rattraper son retard en matière d'innovation. Nous sommes un leader en sciences et obtenons d'excellents résultats scientifiques, mais nous avons besoin d'un projet pilote, d'un instrument qui nous permette d'aider rapidement nos start-up et nos petites et moyennes entreprises à créer des marchés et à nous proposer, grâce aux nouvelles technologies, de nouveaux produits et de nouveaux services. Le Conseil européen de l'innovation montre des résultats très encourageants et je rappelle que 70 % de son budget ira aux petites et moyennes entreprises. Tout au long de la crise, on a vu à quel point il est important, pour l'Union européenne, de continuer à investir et d'avoir l'initiative jusqu'au bout. Son budget s'élèvera à 9 milliards, au lieu de 10 initialement prévus, mais je pense que nous disposons là d'un outil assez performant.
Toutes ces initiatives sont liées à l'espace européen de la recherche (ERR) et je suis très fière que, le 30 septembre, nous ayons proposé un paquet de mesures qui concerne à la fois l'espace européen de la recherche, l'espace européen de l'éducation et le plan d'action en matière d'éducation numérique.
L'espace européen de la recherche a connu des avancées depuis vingt ans, mais il se heurte aussi à des difficultés. C'est pourquoi il va se recentrer sur quatre grandes priorités : investir dans la recherche, notamment en faveur de la transition écologique et numérique ; améliorer l'accès à l'excellence dans toute l'Union européenne – je reste convaincue que nous devons mettre fin aux divisions qui existent en Europe, dans le domaine de la recherche et de l'innovation, entre les États membres et les différentes régions ; traduire les résultats de la recherche et de l'innovation dans l'économie – je me réjouis à ce égard que, pour la première fois, nous proposions l'adoption de feuilles de route technologiques conjointes entre le monde académique et celui des entreprises ; continuer à approfondir l'espace européen de la recherche en renforçant la libre circulation des connaissances et des technologies et en mettant l'accent sur la carrière des chercheurs – un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Les négociations autour du programme Horizon Europe ont connu des avancées significatives, mais les discussions se poursuivent avec le Parlement européen. Deux volets restent à finaliser : la manière dont des pays tiers pourront être associés au programme, d'une part, et les synergies qui pourront exister entre Horizon Europe et les autres programmes, par exemple les fonds structurels, d'autre part – cette question me paraît cruciale. Il reste également à s'accorder sur la distribution de l'enveloppe budgétaire et sur le montant supplémentaire de 4 milliards. J'ai bon espoir que les négociations aboutissent au mois de décembre et que le programme soit opérationnel dès janvier 2021.
J'en viens à mon deuxième point, le domaine de l'éducation, de la culture et de la jeunesse, où nous devons également travailler en synergie. Pendant la crise, un vrai tournant s'est produit dans le domaine de l'éducation numérique, ce dont je me réjouis. C'est en tout cas ce que disent 95 % des personnes qui ont participé à la consultation numérique que nous avons organisée. Cette période a révélé à la fois nos forces et nos faiblesses. Nos forces, c'est l'extraordinaire mobilisation des enseignants, des institutions, des enfants et l'exceptionnelle créativité de tous. Nos faiblesses, ce sont toujours le manque de connectivité, notamment dans les zones rurales et les zones éloignées, et le manque d'équipement – de nombreux enfants n'ont encore ni tablette, ni ordinateur portable. Nous devons continuer à travailler sur ces questions avec les États membres.
Notre objectif est de faire de l'espace européen de l'éducation une réalité d'ici 2025, autour de six mots-clés : la qualité ; l'inclusion ; la transition verte et numérique ; les enseignants ; l'enseignement supérieur ; la dimension géopolitique. Sur chacun de ces sujets, nous proposons des initiatives très concrètes comme, par exemple, la création d'alliances universitaires européennes. À ce jour, on compte 41 alliances, réunissant 281 universités en Europe. Le moment est venu d'élever la voix pour que les États membres incluent cette initiative dans leurs plans nationaux de relance et de résilience, afin de montrer à quel point les investissements dans l'éducation sont stratégiques. Nous voulons aussi créer des académies européennes des enseignants, pour leur permettre de travailler ensemble au développement de ressources en ligne de qualité. S'agissant de la transition numérique, je me réjouis de vous annoncer que, d'ici la fin de l'année, nous allons lancer une coalition pour l'éducation sur le climat : je crois que la communauté éducative a un rôle-clé à jouer sur ces questions. Grâce à son expertise et à sa mobilisation, nous pourrons faire en sorte que les citoyens, au lieu de subir le changement climatique, soient au contraire les acteurs de la transition écologique.
Je donnerai un dernier exemple qui me tient à cœur. La crise a montré qu'il nous reste des efforts à faire pour améliorer la connectivité, notamment dans les zones rurales et les zones éloignées. Dans le plan d'action en matière d'éducation numérique, je proposerai donc une initiative en faveur de la connectivité dans les écoles : « Connectivity for schools » . Je vais effectivement me servir de mon expérience en tant que commissaire au numérique, monsieur le président : sur le modèle de WiFi4EU, nous allons mobiliser des fonds, avec les États membres, pour connecter toutes les écoles, dans les zones rurales et éloignées. Il est difficile de convaincre les gens que nous allons continuer à travailler avec eux sur l'intelligence artificielle et la réalité augmentée s'ils n'ont pas accès à l'internet haut débit.
Nous devons tout faire pour que les prochains programmes consacrés à l'éducation soient plus inclusifs. C'est un élément-clé et c'est pourquoi le programme Erasmus + est si important. À l'heure actuelle, seuls 5 % de nos jeunes y participent. Nous devons tirer les leçons de la crise et rendre ce programme plus inclusif, plus vert et plus adapté à l'ère numérique. Il faut continuer à faire preuve de la flexibilité dont nous nous sommes montrés capables au cours des derniers mois et saisir l'opportunité que nous offrent les nouvelles technologies pour développer des formes de mobilité combinée – ce que l'on appelle la « blended mobility » – en associant le travail en ligne et les échanges physiques – que rien ne pourra jamais remplacer. Cela devrait permettre d'étendre ce programme à des organisations et à des groupes qui en étaient exclus jusqu'ici : je pense notamment aux écoles et aux petites organisations. Je voudrais également lancer un nouveau programme, Erasmus vert, pour donner la possibilité à nos jeunes de participer à des projets liés à la transition écologique.
J'en viens au secteur culturel et créatif qui est, vous le savez mieux que moi, ô combien important, puisqu'il représente 4 % du PIB européen et 8 millions d'emplois. Au‑delà des chiffres, il s'agit de défendre un secteur qui est au cœur de notre projet européen, et au cœur de notre vie.
Notre réponse s'est faite en plusieurs phases.
Premièrement, il a fallu nous assurer que la culture était bien prise en compte dans tous les instruments horizontaux mis à la disposition des États membres : les aides d'État, le paquet de l'initiative d'investissement en réponse au coronavirus, axé sur la mobilisation de fonds structurels, et l'instrument européen de soutien temporaire visant à atténuer les risques de chômage dans les situations d'urgence.
Deuxièmement, nous avons constaté qu'il nous manquait une plateforme, sur laquelle les États membres puissent échanger des données, mais aussi dialoguer sur les bonnes pratiques et les possibilités de financement et de soutien au secteur. Nous avons créé cette plateforme au début de la crise et mon intention est de la pérenniser.
Troisièmement, nous avons utilisé les programmes dont nous disposons, à savoir Europe créative et Erasmus +, pour lancer de nouveaux appels. Pour l'avenir, il importe que les trois programmes Horizon Europe, Erasmus + et Europe créative voient leur budget augmenter, mais le plus important est de créer des synergies entre eux. Pour la première fois, le programme Horizon Europe va comprendre un cluster sur la culture et la créativité. Par ailleurs, nous allons créer avec l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET) une nouvelle communauté de la connaissance et de l'innovation dédiée au secteur culturel et créatif, qui doit voir le jour en 2022 : nous avons donc un an pour en préciser le contenu. J'en profite pour aborder une question importante, de laquelle il convient de parler d'une même voix. Le Parlement européen a voté une résolution dans laquelle il exprime le souhait que 2 % de la facilité pour la reprise et la résilience soit consacré à la culture et à la création. Je soutiens cette idée et je compte en parler au ministre de la culture la semaine prochaine, lors du Conseil. C'est vraiment une occasion à ne pas manquer.
Une autre perspective importante pour le secteur de la culture est le projet de la présidente Ursula von der Leyen d'un Bauhaus européen, qui se voudrait une passerelle entre le monde de la science et de la technologie, d'une part, et celui de l'art et de la culture, d'autre part. Je suis heureuse de pouvoir vous annoncer que la présidente m'a chargée, avec Mme Elisa Ferreira, commissaire à la cohésion et aux réformes, en charge du fonds de développement régional et des fonds de cohésion, de travailler à la réalisation de cette initiative. Nous sommes dans une phase de discussion très intense, qui témoigne de l'intérêt suscité par cette initiative.
Je finirai mon intervention en disant un mot sur le sport. La crise a montré la nécessité du sport pour le bien-être mental et physique de tous. Nous lui porterons donc une attention particulière dans nos programmes relatifs à la santé, y compris dans la mission sur la lutte contre le cancer du programme Horizon Europe. Je pense que nous disposons, avec le programme Horizon Europe, le Conseil européen de l'innovation et l'Institut européen d'innovation et de technologie, d'outils précieux pour agir dans ce domaine.
Plus que jamais, face à l'incertitude, la recherche et l'innovation, mais aussi l'éducation, la culture, la jeunesse et le sport restent des outils essentiels pour stimuler la croissance, l'emploi et la compétitivité. C'est pour cela qu'il nous faut introduire davantage de flexibilité et de coordination entre ces différents domaines. Nous avons un rôle essentiel à jouer dans la résolution d'une crise qui exige une réponse rapide, solidaire et coordonnée à grande échelle. C'est la seule réponse qui soit à la hauteur de l'enjeu.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné cette occasion d'échanger avec vous et j'attends avec impatience vos questions.