Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mardi 12 janvier 2021 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre de la culture :

En ce début d'année, permettez‑moi tout d'abord, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, de vous présenter tous mes vœux, personnels et pour les travaux de cette commission. Je souhaite que nous continuions à travailler ensemble dans l'esprit de collaboration, d'amélioration et d'optimisation dont vous avez fait preuve depuis six mois que je suis en charge de ce ministère prestigieux. Je tiens à venir régulièrement devant vous afin d'expliquer l'action que je mène et de répondre à vos questions légitimes puisqu'elles reflètent celles que se posent nos concitoyens dans leur vie quotidienne.

Notre pays traverse, depuis dix mois maintenant, une crise sans précédent qui affecte profondément le monde de la culture. Nous entendons et partageons le désarroi des professionnels, des artistes, des techniciens et de tous ceux qui s'occupent de culture et qui ne peuvent plus exercer leur activité, comme celui de nos concitoyens qui ne peuvent profiter pleinement de l'offre culturelle qui fait la fierté de notre pays.

Comme l'a indiqué le Premier ministre la semaine dernière, et je sais que ce sujet sera au cœur de nombre de vos questions, la situation sanitaire n'est pas satisfaisante. D'après mon récent échange avec Olivier Véran, nous en sommes en effet à presque 20 000 contaminations par jour.

La clause de revoyure, qui n'a jamais été une clause de réouverture, n'a pas permis, à ce stade, une reprise des activités culturelles. Les décisions quant au calendrier et aux modalités de réouverture seront prises le 20 janvier prochain, en espérant que la situation sera alors suffisamment éclaircie.

Afin de définir les conditions de cette réouverture, je poursuis en ce début d'année les concertations avec les représentants du spectacle vivant, du cinéma et du patrimoine. Une nouvelle série de réunions s'est ainsi tenue vendredi dernier en visioconférence. Nous travaillons ensemble à l'élaboration d'un modèle de réouverture progressive, selon des modalités plus adaptables, afin que l'on ne soit pas confronté, à chaque inflexion de la situation, à un choix binaire : laisser les établissements ouverts, ou les fermer. Cela ne doit pas être du tout ou rien.

Les secteurs culturels ont en effet besoin de perspectives en termes de méthodes et de calendrier pour ouvrir. Leur modèle économique, avec des cycles d'investissement longs, donne encore plus d'acuité à cette exigence que pour d'autres secteurs.

Par ailleurs, les études disponibles montrent que, lorsque des protocoles sanitaires solides sont en place – gestes barrières, port du masque, distanciation, renouvellement de l'air –, les risques de contamination ne sont pas supprimés, mais réduits.

Pour autant, les protocoles sanitaires doivent demeurer exigeants et s'adapter à la situation, qui n'est pas simple. C'est à tout cela que nous travaillons avec les professionnels des différents secteurs, chacun apportant ses propositions et son expérience, avec l'objectif difficile d'aboutir à un dispositif partagé que je pourrai proposer au niveau interministériel.

Nous sommes à un moment charnière de la gestion de crise. Le déploiement de la campagne de vaccination, qui s'accélère, est également un vrai motif d'espoir. Je me réjouis à cet égard que de nombreux artistes se mobilisent en ce sens pour se faire les avocats de la vaccination.

Si nous devons préparer l'après-crise et la reprise de ces activités culturelles, il est indispensable de soutenir nos artistes pour surmonter au mieux la situation. L'État ne cesse depuis dix mois d'adapter ses dispositifs d'accompagnement : au total, près de 7,5 milliards d'euros ont été mobilisés pour accompagner le secteur, dont 5 milliards d'euros au titre des mesures transversales et 2 milliards d'euros de mesures spécifiques portées par le budget du ministère de la culture.

Je sais qu'il peut exister quelques dysfonctionnements, parfois des lenteurs dans la mise en œuvre des mesures, et des situations insuffisamment prises en compte qui reflètent d'ailleurs l'extrême morcellement du secteur culturel. Les professionnels que je rencontre reconnaissent cependant chaque fois l'effort considérable de ce gouvernement et l'adaptation constante des aides à la situation.

Les chiffres communiqués par le Syndicat de la librairie française, la semaine dernière, sont loin du tableau apocalyptique qui avait été dressé par certains : ils montrent en effet que malgré les contraintes du confinement, et grâce au fort soutien de l'État, les librairies ont limité la chute de leurs ventes puisque la baisse de leur chiffre d'affaires est estimée à 3,3 %. Quand on y ajoute les aides accordées par l'État, on s'aperçoit que ce secteur a non seulement vraiment tenu le choc mais peut-être trouvé de nouveaux consommateurs de livres. En tout cas, c'est ce que les libraires m'ont dit !

Au-delà de la gestion de la crise sanitaire qui me mobilise évidemment beaucoup, je porte avec la même énergie, depuis mon arrivée au ministère, un certain nombre de grands chantiers que je voudrais rappeler devant vous.

L'année 2021 va être celle du déploiement du plan de relance, avec 2 milliards d'euros – pour lesquels je me suis battue – qui vont permettre d'accompagner l'ensemble des pans du secteur culturel.

La répartition des crédits en faveur des opérateurs a été effectuée dès le mois de septembre afin de donner de la visibilité aux établissements et les enveloppes d'investissements dans les régions ont fait l'objet des premières notifications aux directions régionales des affaires culturelles et aux préfets au mois de novembre dernier.

Les projets retenus sont très divers, puisqu'ils vont de la restauration de l'abbatiale de Redon, en Ille-et-Vilaine, au château de l'Herm en Dordogne et à la réhabilitation des bâtiments de la scène nationale de la Guadeloupe. Je veux en effet une très grande équité entre les territoires.

Les dotations aux différentes filières culturelles ont également été arrêtées et rapidement exécutées : je pense notamment au secteur du cinéma, particulièrement impacté par la crise sanitaire. Outre l'ensemble des dispositifs d'accompagnement, le plan de relance dote le Centre national du cinéma et de l'image animée de 165 millions d'euros.

J'ai en outre mis en place un comité de pilotage qui se réunit mensuellement pour faire le point sur l'exécution du plan de relance, ligne par ligne et opération par opération. Comme vous le savez, la guerre est un art d'exécution : un plan de relance aussi, car c'est dans ces détails que réside désormais son succès.

En complément des moyens du plan de relance, vous avez quasi unanimement soutenu le projet de budget de mon ministère pour 2021, avec des crédits en forte hausse. Vous avez également été nombreux à vous mobiliser pour renforcer les dispositifs fiscaux qui permettront de relancer l'activité et de donner de la visibilité au secteur.

Ces moyens budgétaires, conséquents et inédits pour le ministère de la culture, vont permettre la mise en œuvre de nombreux chantiers et projets.

Ainsi, dans le domaine patrimonial, outre le suivi de la mise en œuvre des crédits du plan de relance et la réouverture des musées et monuments, je serai particulièrement attentive au suivi de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Je me suis d'ailleurs à nouveau rendue sur le chantier ce matin, et je sais qu'un travail de grande qualité est mené par la mission d'information que conduisent Brigitte Kuster et Sophie Mette.

La réflexion sur les musées devra également se poursuivre en s'interrogeant sur le modèle économique, la place du numérique et les impacts de la fréquentation touristique.

L'année à venir devra également permettre de donner un nouvel élan à l'Établissement public national à caractère industriel et commercial du Mont‑Saint‑Michel qui sera fortement accompagné financièrement par l'État en 2021, aux côtés des collectivités territoriales. J'ai d'ailleurs échangé longuement avec Hervé Morin sur ce sujet.

En matière de création, en parallèle de la reprise des spectacles attendue par tous, j'ai, ces derniers mois, lancé deux missions : l'une, que j'ai confiée à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu – fins connaisseurs de la maison – sur les perspectives et les modalités d'accompagnement et de soutien de l'Opéra national de Paris, dont les conclusions me seront remises dans les prochaines semaines, et l'autre, confiée à Caroline Sonrier, sur la politique de l'art lyrique en France, dont les travaux seront clos au mois de juin 2021.

Un important chantier concernera par ailleurs le soutien à l'emploi artistique et culturel, avec notamment le suivi de l'année blanche pour les intermittents du spectacle. J'ai souhaité que s'engage d'ores et déjà un travail interministériel sur ce sujet – puisqu'il s'agit de crédits « Emploi » – afin de pouvoir anticiper les difficultés que pourraient rencontrer au 1er septembre ceux dont les activités professionnelles auront été les plus pénalisées par la crise et d'identifier, le cas échéant, les mesures nécessaires.

Les modalités n'en sont pas totalement arrêtées mais nous devrons également mettre en œuvre le plan de commande artistique de 30 millions d'euros souhaité par le Président de la République.

Les festivals, qui irriguent nos territoires, resteront également au cœur de mes préoccupations : la deuxième partie des États généraux des festivals se tiendra, en principe, lors du Printemps de Bourges au mois de mai prochain. J'espère vraiment que nous pourrons la tenir dans ce cadre. En tout cas, la réflexion continue et l'on passera, au cours de cette deuxième édition, du diagnostic aux solutions.

Dans le champ des médias et des industries culturelles, la suite de la réforme du financement de la création pour le secteur du cinéma et de l'audiovisuel constitue une priorité majeure. Au-delà de la mise en œuvre du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), la refondation du financement de la création nécessite de revoir la chronologie des médias ainsi que le décret TNT.

J'ai lancé des concertations sur ces deux chantiers juste avant Noël afin qu'elles puissent déboucher dans un cadre rénové. L'enjeu est que le nouveau régime du financement de la création pour le cinéma et l'audiovisuel puisse être mis en place au plus tard à l'été 2021 : c'est un calendrier exigeant, mais nous bâtissons vraiment un système global et coordonné.

Dans les semaines à venir, il s'agira également de poursuivre la mise en œuvre de la loi DDADUE (Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union Européenne) : après l'ordonnance transposant la directive sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA, le décret SMAD a été notifié à la Commission européenne.

Trois ordonnances sont par ailleurs en cours pour transposer les directives « droit d'auteur » et « câble satellite ».

Je sais par ailleurs, car tout est lié, vos attentes concernant la reprise des dispositions consensuelles du projet de loi audiovisuel. Mes services ont élaboré un nouveau texte, d'une quinzaine d'articles, visant à protéger l'accès aux contenus audiovisuels. Je travaille en collaboration étroite avec Marc Fesneau afin de permettre son inscription à l'ordre du jour du deuxième trimestre. Nous avions encore une réunion hier soir à ce sujet – je précise que c'était ses cinquante ans et que ceux qui le souhaitent peuvent lui souhaiter son anniversaire…

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