Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mardi 12 janvier 2021 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre :

Le service public audiovisuel bénéficie du régime de must-carry et les distributeurs, notamment les fournisseurs d'accès internet, sont tenus de reprendre les chaînes publiques sur leur réseau gratuitement. Dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel en mars dernier, votre commission avait adopté des amendements visant à renforcer ce régime : il s'agissait d'obliger les distributeurs à retransmettre l'intégralité du signal des chaînes publiques auprès de leurs abonnés, à garantir la visibilité et l'accessibilité de l'offre d'informations régionales et locales de France 3 et de rendre obligatoire la conclusion préalable d'un contrat entre le distributeur et la société publique portant sur les conditions de reprise et de mise à disposition du signal.

Je ne vous raconterai pas de carabistouilles : je m'efforce de trouver un créneau législatif pour examiner un nouveau projet de loi ; compte tenu des contraintes qui pèsent sur le calendrier parlementaire, je souhaite que ce texte soit limité aux dispositions relatives au piratage et à l'autorité de régulation. Je veux surtout qu'il s'agisse de sujets consensuels ; nous n'aurons pas la possibilité, à moins d'une bonne surprise, d'examiner les dispositions relatives au must-carry.

Vous m'avez questionnée sur les concerts-tests et d'autres expériences, dont je comprends qu'elles focalisent l'attention, mais les situations particulières sont trop diverses pour que l'on puisse en tirer des leçons générales. Je n'ignore pas qu'au Teatro Real, que j'adore et ai beaucoup fréquenté, on procède simplement à une prise de température. Pour bien évaluer ces procédures, il convient de ne pas considérer seulement la salle, mais de prendre en compte l'environnement extérieur – on sait le rôle que jouent les conditions climatiques dans le déploiement de la pandémie. Nous portons une grande attention au déroulement de ces expériences, mais je vous demande de garder à l'esprit qu'elles peuvent sortir du cadre de protection sanitaire mis en place partout en Europe.

Nous analysons les effets de ces mesures de précaution, mais c'est bien le monde du spectacle qui, in fine, les adoptera. On reproche souvent à l'État de produire des normes, d'émettre des préconisations ; ce que je veux, c'est travailler avec les acteurs culturels et qu'ils me disent si ces mesures de précaution sont acceptables, compatibles avec les différentes formes de spectacle, adaptées au modèle économique des établissements privés. À eux de déterminer si ces contraintes ne les empêcheront pas de faire marcher leur boutique – pardon, mais le mot n'a rien de déshonorant pour la pharmacienne que je suis.

Il n'y a pas besoin d'être grand clerc, ou épidémiologiste chevronné, pour expliquer que les musées et les monuments historiques pourront faire l'objet d'une réouverture encadrée, si la situation se stabilise et quand bien même on dépasserait encore les 5 000 contaminations par jour. Les responsables de musées, que j'ai rencontrés, se disent prêts à déterminer de nouvelles jauges, de nouveaux modes de fonctionnement. Cela permettrait de relancer l'éducation artistique et culturelle, à laquelle nous tenons tous.

Ce qui s'est passé après le rachat par Reworld Media de Sciences et Vie, un magazine de grande qualité – 400 000 abonnés et près de 4 millions de lecteurs – qui devait son succès à la qualité de ses articles, m'a alertée. Suite au départ, provoqué ou volontaire, de journalistes de la rédaction, remplacés par des « contributeurs de contenu », j'ai demandé à Mme Laurence Franceschini, présidente de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), d'analyser la situation et de proposer, en concertation avec l'ensemble des professionnels, des aménagements réglementaires relatifs à la nécessaire présence de journalistes professionnels au sein des équipes rédactionnelles, en particulier pour les titres d'information politique et générale (IPG). Elle rendra ses conclusions le 15 mars.

Fille de journaliste, je suis très attachée à l'indépendance de la presse et à la distinction entre ce qui relève du travail journalistique et ce qui n'en relève pas. Je ne veux pas jeter l'opprobre sur les « contributeurs de contenu », mais le métier de journaliste consiste à contextualiser, à vérifier les sources, à expliciter. Nous devons protéger cette profession. Il serait quand même tout à fait extraordinaire qu'après avoir lancé un plan extrêmement ambitieux de soutien à la filière presse et de sauvegarde de la presse écrite, nous nous concentrions sur les questions de diffusion sans nous intéresser à la protection de la profession de journaliste et à la qualité des contenus ! Cela me semble essentiel, à un moment où les théories complotistes et les fake news font florès sur des sujets aussi capitaux que la crise sanitaire ou le réchauffement climatique.

Vous m'avez interrogée sur la culture scientifique, un domaine qui se trouve sous la responsabilité du ministre de l'éducation nationale. Dans le cadre du cahier des charges fixé par la loi de 1986, les entreprises de l'audiovisuel public doivent accorder une place à la culture scientifique au travers de programmes de connaissances et de décryptage. Ainsi, France Télévisions a diffusé 600 heures de documentaires scientifiques en 2019. Vous voyez, il n'y a pas que Les Anges de la téléréalité, mais aussi d'excellentes émissions – je pense en particulier à E=M6, une émission de vulgarisation, de surcroît amusante ! Je vous avoue que je regarde un peu plus Mezzo, mais à chacun ses goûts.

Sur la contribution à l'audiovisuel public, je sais que le président Bruno Studer est à la manœuvre. Le Président de la République s'est exprimé sur ce sujet ; il ne s'agit pas de budgéter les ressources de l'audiovisuel public mais les voies et les moyens pour garantir son indépendance sont à l'étude.

Le plan de transformation de l'audiovisuel public de juillet 2018 demeure plus que jamais d'actualité. Les priorités du Gouvernement au sortir de la crise et le nouveau calendrier parlementaire ont conduit à l'abandon du projet de création d'une société mère. Pour autant, je ne renonce pas à poursuivre la transformation de l'audiovisuel public et à favoriser les coopérations en son sein. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu doter l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public de nouveaux contrats d'objectifs et de moyens. C'est l'occasion de faire des COM des documents plus stratégiques, recentrés sur un nombre plus restreint d'objectifs. Leur temporalité sera alignée sur l'horizon budgétaire prévisible, puisqu'ils s'achèveront en 2022, et leurs périodicités respectives seront harmonisées. Enfin, l'abandon du projet de création d'une société-mère ne remet nullement en cause les coopérations, qui procéderont d'une démarche plus volontaire.

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