Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 27 janvier 2021 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre :

Jean Jouzel est en train de définir, avec les conférences d'établissement et les représentants d'associations d'étudiants très engagées s'agissant des questions d'écologie et de développement durable, les connaissances minimales requises en ces domaines pour tout étudiant sortant de l'enseignement supérieur. Les établissements verront comment les intégrer dans leurs programmes. Cela ne prendra pas la même forme en sciences de la vie et de la terre qu'en droit, mais il s'agit de définir un socle commun de connaissances. Quel que soit le métier que les jeunes exerceront après leurs études, ils devront comprendre les enjeux du développement durable. Cette liste de connaissances et de compétences fondamentales sera transmise aux établissements afin qu'ils la traduisent dans leurs enseignements.

Madame Petit, monsieur Juanico, toutes les salles de sport sont fermées et l'activité sportive est interdite en intérieur et autorisée en extérieur, la seule dérogation s'appliquant aux étudiants des filières STAPS dont des cours liés à des activités physiques donnent lieu à des notes et à des crédits nécessaires à l'obtention du diplôme. En période de confinement, on avait le droit d'aller prendre l'air une heure par jour ; actuellement, on peut aller faire, à deux ou trois, du sport à l'extérieur. Il n'y avait jusqu'à présent personne sur les campus : il était difficile de dire aux étudiants qu'ils ne pouvaient pas venir y étudier mais qu'ils pouvaient venir y faire du sport. Depuis la reprise d'une part d'enseignement présentiel, il est possible non pas d'organiser des séances de sport dans les établissements, mais de permettre à deux ou trois étudiants qui ont envie de se bouger de le faire ensemble. Je verrai avec les présidents d'établissement comment l'organiser, même si cela ne pourra pas être à l'intérieur. Cela étant, je ne peux qu'être d'accord avec vous sur l'importance de conserver une activité physique.

Monsieur Freschi, le risque de chevauchement n'a pas échappé aux équipes des établissements. Dans un petit nombre de cas, des étudiants n'avaient pas le temps de rejoindre leur domicile pour suivre un cours en ligne après avoir eu un cours en présentiel. C'est pourquoi les salles de ressources et les bibliothèques universitaires ont rouvert, mais sur rendez-vous, ce qui n'était pas pratique. Ces cas sont signalés. On en revient à la difficulté pour les équipes pédagogiques de repenser les emplois du temps. Mais des solutions seront trouvées. Pour avoir longuement échangé avec les professeurs, je sais qu'eux aussi veulent revoir leurs étudiants : ils ont l'impression de les avoir abandonnés – alors qu'ils s'en sont beaucoup occupés –, conscients de l'importance de ce que l'enseignement en face à face permet de transmettre au-delà de la simple exposition de connaissances.

Concernant l'organisation du suivi psychologique, tout étudiant qui en manifestera le besoin – d'où l'idée des étudiants référents capables d'inciter ceux qui ne se sentent pas bien à demander une prise en charge – entrera dans un parcours de soins, verra un médecin, pourra consulter un psychologue, voire un psychiatre, ou les deux, sans aucune avance de frais. Le chèque de soutien psychologique n'est pas un chèque que l'on remet aux gens en les laissant ensuite se débrouiller. Il s'intègre dans un parcours de soins pris en charge à 100 %, que nous organisons grâce à des conventions entre les services de santé universitaires et les psychologues de ville. Une telle mesure prend un peu plus de quarante-huit heures à être mise en œuvre, mais, je le répète, elle le sera le 1er février.

De même, à ceux qui s'inquiètent que certains restaurants universitaires n'aient pas encore rouvert, je rappelle que la décision a été prise et annoncée jeudi dernier et que, entre jeudi et lundi, nous avons rouvert 50 établissements, ce qui porte le nombre de restaurants ouverts à 400 sur les 700 existants. Les autres vont également rouvrir, mais une fermeture de plusieurs semaines n'est pas anodine. Nous avons servi plus de 50 000 repas à 1 euro la première journée. Il est possible d'emporter deux repas à la fois le midi, à réchauffer. En effet, certains sites restent ouverts le soir, d'autres non ; et lorsque les restaurants universitaires sont situés dans les résidences universitaires, le couvre-feu à dix-huit heures ne pose pas de difficulté, mais, dans les autres cas, on évite de faire revenir les étudiants pour chercher leur repas du soir.

Pour répondre à la question de Mme Calvez sur la durée des études, et par la même occasion à celle de Mme Duby-Muller, l'enjeu est moins la crise sanitaire que la capacité de jeunes qui ne sont pas entourés de gens ayant fait des études – ce n'est pas nécessairement lié au niveau de revenu – à se projeter dans des études longues. D'où tout ce qui a été fait pour permettre aux étudiants engagés dans une filière courte de passer dans une filière longue. Au vu de nos échanges avec les étudiants et dans l'attente des inscriptions sur Parcoursup, nous n'avons pas l'impression que la crise va modifier la répartition des choix entre voies longues et voies courtes.

De toute façon, le choix initial se fait en premier cycle. Nous facilitons par exemple le passage, après deux ans d'IUT, vers un bachelor universitaire de technologie, c'est-à-dire une troisième année de formation professionnelle qui permet de rejoindre une licence générale et de continuer ensuite en master. Nous multiplions les liens entre l'université et les classes préparatoires pour que les étudiants issus de ces dernières puissent poursuivre en licence, master et doctorat s'ils changent d'avis ou n'obtiennent pas le concours voulu. Toutes ces passerelles du premier cycle sont importantes. Des jeunes savent qu'ils veulent faire des études longues, d'autres pensent qu'ils veulent faire des études courtes mais feront des études longues, d'autres encore qui avaient envie de faire des études longues s'aperçoivent en chemin que celles-ci ne sont pas faites pour eux et souhaitent revenir dans des filières courtes. Il faut donc créer des passerelles, même si, statistiquement, on a d'autant plus de chances de trouver un emploi que l'on détient un diplôme élevé.

De plus, nous essayons de clarifier les règles, assez confuses, concernant la reprise d'études en formation initiale, en formation continue ou en formation tout au long de la vie. On peut passer un premier diplôme, aller travailler un an ou deux, puis avoir envie de reprendre des études, moyennant quoi on se retrouve quasiment en cycle de formation initiale. On peut ne pas avoir eu de diplôme ou en avoir eu un, avoir travaillé quinze ans et avoir envie de reprendre des études – dans ce cas, en formation continue et en formation tout au long de la vie. Ce n'est pas la mentalité française : en France, quand on commence ses études, on va jusqu'au bout, on en sort et on n'y revient pas. Dans beaucoup d'autres pays, on fait des études, on s'arrête, on va travailler, on reprend ses études, etc. Nous essayons de faire en sorte que cela devienne aussi simple en France.

Je n'ai que l'Observatoire national de la vie étudiante pour mesurer l'effet psychologique de la crise à long terme. Nous avons lancé des suivis de cohortes, mais encore faut-il que les étudiants soient volontaires ; le fait qu'ils ne se sentent pas bien, soient vus par un médecin, un psychiatre ou un psychologue relève quant à lui de leur vie privée. L'Observatoire national de la vie étudiante s'appuie sur les observatoires de la vie étudiante au sein des établissements pour établir des données consolidées.

Vous avez raison, madame Mörch, de dire que l'engagement des jeunes est l'antidote à leur déprime. Ils disent eux-mêmes qu'en se rendant utiles, ils vont mieux, oublient. Ils demandent à être actifs, à faire autre chose que se morfondre devant leur ordinateur. Les associations d'étudiants et les associations en général sont là pour ça. On me dit sur le terrain que presque tous les jeunes qui ont bénéficié de l'aide d'une association en deviennent bénévoles dès qu'ils vont un peu mieux. La jeunesse est altruiste, engagée, a envie d'agir, de participer.

Madame Piron, nous avons déjà permis de reporter les stages et de prolonger la durée de validité de l'inscription universitaire 2019-2020 jusqu'au 31 décembre 2020 ; s'il faut le refaire pour que les étudiants valident leurs stages sans avoir à se réinscrire, nous le referons sans aucun problème. Il existe toutefois d'autres méthodes ; ainsi, certains établissements remplacent les stages par des projets professionnels. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, confortée par la loi Fioraso, charge les établissements d'instaurer les modalités de contrôle des connaissances. Je peux faire des préconisations, mais ces modalités sont votées par les établissements eux-mêmes : il n'existe pas de modalités générales de contrôle des connaissances dans les établissements d'enseignement supérieur, à l'exception des concours nationaux.

Madame Charrière, dans le contexte particulier que nous connaissons, les « oui, si » ont été très utiles. Les établissements s'en sont emparés pour travailler avec leurs étudiants à leur réorientation. Chaque fois que l'on finance des tuteurs, on finance leur encadrement par des professeurs : on ne se borne pas à demander à des étudiants de faire du tutorat. En moyenne, un professeur encadre dix tuteurs et chaque tuteur encadre dix étudiants, ce qui représente cent étudiants encadrés. En outre, dans le cadre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, nous finançons la mission du directeur des études. Des établissements ont créé cette mission, d'autres l'ont confiée à des coordonnateurs d'année ; quoi qu'il en soit, ceux qui en sont chargés sont en première ligne. Parmi les tuteurs étudiants, il existe deux grands types : les tuteurs en soutien pédagogique, qui entraînent les étudiants à faire ou à refaire des exercices, et les tuteurs référents de promotion, à même de les informer – en cette période perturbée, le besoin se fait sentir de tuteurs en lien avec l'administration et les équipes pédagogiques.

Tous les projets Action cœur de ville ou tiers lieux ont servi à accueillir dans des villes moyennes ou des zones rurales des étudiants rentrés chez eux ou éloignés de leur université. Il faut que les tuteurs soient présents et que les étudiants soient en nombre suffisant, mais c'est partout possible et cela fonctionne bien.

En matière de recherche, le Brexit a surtout eu des conséquences sur le programme Horizon Europe. L'accord signé ouvre la voie à la participation des chercheurs britanniques. Le Royaume-Uni s'est engagé à financer entre 10 et 20 milliards d'euros pour la durée du programme. Il faut ensuite rédiger le protocole. Il y aura des détails à régler, mais l'on peut toujours déposer des projets soutenus par des Britanniques, ou par des non-Britanniques et incluant des chercheurs britanniques. Excepté à la marge, pour les chercheurs qui voudront aller s'installer au Royaume-Uni et qui devront pour cela apporter la preuve d'un revenu minimum, il devrait y avoir, je le répète, beaucoup moins de changements pour la recherche que pour l'enseignement supérieur.

Nous avons créé un comité de suivi de la réforme du premier cycle des études de santé. Toute réforme génère du stress, surtout à sa première application en grandeur réelle, faute d'expérience antérieure à laquelle pouvoir se référer ; c'est a fortiori le cas cette année. La bonne nouvelle est qu'il y aura plus de places puisque l'on passe d'un numerus clausus à un numerus apertus. Afin d'éviter une perte de chance à ceux qui redoublent en PACES, nous créons un nombre de places pour eux, calculé à partir du taux de réussite des doublants au concours, et nous ouvrons par ailleurs des places destinées aux étudiants relevant de la nouvelle formule. Il a été demandé aux établissements de s'engager à répartir ces places entre les parcours accès santé spécifique (PASS) et les licences option accès santé (LAS), c'est‑à‑dire les majeures santé et les mineures santé. La majorité des établissements ont choisi d'affecter 30 % des places aux LAS et 70 % aux PASS. La règle est la suivante : quiconque réussit sa première année de LAS et n'est pas sélectionné pour continuer en études de santé passe en deuxième année de LAS. Il y aura donc une seconde chance.

Je renvoie les professeurs et les doyens inquiets du nombre d'étudiants en deuxième année de LAS vers le ministère, qui est en train de distribuer les financements nécessaires à l'accompagnement des étudiants. Alors que les étudiants qui échouaient au concours de la PACES n'entraient pas en deuxième année, mais retournaient en première année ou changeaient de filière, désormais, des étudiants qui ont réussi l'année mais n'ont pas intégré les filières santé feront une deuxième année. C'est beaucoup mieux pour eux, puisqu'au lieu de repartir de zéro au bout de deux ans, même s'ils échouent une deuxième fois, ils seront en troisième année de licence. Il nous faut rassurer ceux qui s'inquiètent ; nous avons déjà organisé quatre réunions de suivi et ouvert un site sur lequel les étudiants et les professeurs peuvent poser leurs questions.

Monsieur Testé, je n'ai jusqu'à présent pas envisagé d'aide pour les étudiants qui ont conservé leur logement. Soit ils sont retournés chez eux et ne paient plus leur logement, soit ils ont conservé leur logement et y sont restés. On ne m'avait pas encore signalé le cas des étudiants qui seraient retournés chez eux mais auraient gardé un logement vide – probablement dans le parc privé puisque, dans le parc géré par le Crous, les chambres sont immédiatement réattribuées.

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