Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 3 février 2021 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde :

Monsieur le président, vous avez rappelé que l'élaboration des cinq COM est une première. J'aimerais revenir sur ce point en préambule, avant de détailler les axes stratégiques que suivra France Médias Monde.

En très peu de temps et en pleine pandémie, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), que je salue, est parvenue à élaborer un volet commun aux cinq COM. Une feuille de route commune, des objectifs communs, des projets et des chantiers communs sont ainsi définis pour le secteur audiovisuel public dans son ensemble, ce qui en rend plus visible encore l'essence même, et son importance en cette période de pandémie. Il a démontré, aux échelles nationale et internationale, à quel point il importe – Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil l'ont rappelé – de disposer de médias de confiance, tandis que circulent sur les réseaux sociaux des fausses informations, des théories du complot et des informations susceptibles de mettre en danger la santé de nos concitoyens. Il n'est pas inutile de rappeler que nos sociétés procèdent toutes de l'essence du service public, sans pour autant nier leurs spécificités respectives, qui découlent de leurs missions particulières.

Du point de vue de France Médias Monde, il est particulièrement intéressant que les objectifs communs et les valeurs communes du service public englobent les enjeux internationaux à part entière. Le COM se distingue également, comme l'ont rappelé Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil, par le maintien de la trajectoire budgétaire arrêtée en 2018. Les budgets régulièrement adoptés depuis lors, dans le cadre des lois de finances, sont cohérents avec les objectifs fixés et avec la durée du COM. S'agissant de l'après-2022, je suis heureuse que Mme la ministre de la culture ait exclu toute budgétisation de la contribution à l'audiovisuel public, et que vous vous soyez déclaré prêt à prendre des initiatives visant à la pérenniser après la disparition de son véhicule de collecte qu'est la taxe d'habitation, monsieur le président. Le service public de l'audiovisuel en général et ses salariés en particulier éprouvent un immense soulagement à l'idée de disposer d'une recette affectée, ce qui leur permet de se projeter dans l'avenir et constitue le gage de notre crédibilité, à un moment où la confiance dont nous jouissons n'est pas toujours stabilisée, même si elle a beaucoup augmenté après une année de pandémie. Nous avons vérifié, grâce à des enquêtes qualitatives, que le service public de l'audiovisuel constitue bien souvent une valeur refuge en cas de crise. Il importe qu'une recette affectée garantisse notre indépendance et notre crédibilité, notamment à l'échelle internationale : YouTube, par exemple, distingue les chaînes gouvernementales des chaînes de service public. Mes homologues et moi-même tenons à être référencés en qualité de chaînes de service public.

Quant à nos axes stratégiques, ils mettent en musique la feuille de route arrêtée sur la base de notre trajectoire budgétaire. Outre la réalisation d'économies, ils placent au cœur de nos enjeux notre mission d'information vérifiée, honnête, équilibrée et indépendante, en français et en dix-huit langues étrangères. Nous faisons la promotion des valeurs démocratiques et humanistes. Nous faisons aussi œuvre de pédagogie s'agissant de valeurs mal comprises, telles que la laïcité, dans toutes nos langues.

Par ailleurs, nous sommes un outil de la francophonie, dont la promotion constitue notre deuxième axe stratégique. Toutefois, un grand média international se doit de diffuser ses contenus en plusieurs langues. Outre la défense de la francophonie et la promotion de l'apprentissage du français, nous renforçons nos émissions en langue étrangère dans trois directions. En matière de langues africaines, nous développons le projet « Afri'kibaaru », basé à Dakar, grâce à notre filiale CFI-TV et, pour la première fois, à un financement de l'Agence française de développement (AFD). Dans ce cadre, nous diffuserons nos émissions en peul, en mandenkan et en haoussa. Par ailleurs, nous poursuivons la montée en puissance de France 24 en espagnol. Le passage à douze heures d'émission quotidiennes, en 2020, a permis d'augmenter notre distribution de 55 % et nos audiences de 50 %, et de multiplier par trois notre impact numérique, sans compter celui de RFI. Pour la première fois, nous mesurons l'audience des radios partenaires de RFI. Nous sommes sur le point d'arrêter les résultats ; les premiers chiffres sont très prometteurs. Enfin, nous développons nos contenus en langue arabe, qui a toujours été fondamentale pour nous. Certes, un plan de départs volontaires est en cours à Monte Carlo Doualiya, car notre trajectoire budgétaire est contraignante, mais nous n'y voyons aucune contradiction avec le renforcement de nos émissions en arabe, notamment grâce aux synergies que nous envisageons entre France 24, très connue au Maghreb, et Monte-Carlo Doualiya, très connue au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

Notre troisième axe stratégique est la transformation numérique. En 2020, nous avons atteint le chiffre de 2,4 milliards de vidéos vues, contre 1,5 milliard l'année précédente. Nous sommes donc en pleine expansion, grâce à notre stratégie du coucou consistant à nous installer aux carrefours d'audience et à y développer de nouveaux formats. Par ailleurs, nous travaillons beaucoup sur l'intelligence artificielle et sur les data.

Notre quatrième axe stratégique est le développement de notre présence mondiale. Le COM réaffirme à juste titre qu'aucun continent n'est interdit à France Médias Monde. J'ai décrit tout à l'heure notre stratégie pour l'Afrique et le monde arabe. En Europe, nous lancerons à la fin du mois de mars un grand projet plurilingue destiné aux jeunes Européens en partenariat avec la Deutsche Welle, « ENTR ». En France, Monte Carlo Doualiya sera diffusée en DAB+ en Île-de-France et à Marseille à compter du 9 février prochain. En Asie, nous obtenons des résultats stupéfiants. France 24 réalise ses meilleures audiences en Inde, en anglais. Cette langue occupe une place croissante au sein de ses programmes, aux côtés de l'arabe et de l'espagnol, ainsi que du français, qui obtient les meilleures audiences.

Nous poursuivrons notre coopération avec les autres sociétés de l'audiovisuel public, ce dont nous nous réjouissons, notamment en matière de mutualisation des moyens et d'achats communs d'informations. Au cours de la période couverte par le COM, nous pâtirons comme eux de la diminution de la contribution à l'audiovisuel public, à hauteur de 3,5 millions d'euros. Tout compris, nous devrons procéder à un plan d'économies de 16 millions d'euros, ce qui nous contraindra à réduire notre distribution. Nous avons dû le faire aux États-Unis, et nous le regrettons, car nous avons abandonné 4 millions de téléspectateurs qui nous notaient à l'égal de BBC World. Nous avons renégocié notre contrat et procédons à un plan de départs volontaires. Par ailleurs, nous maintenons nos efforts en matière de ressources propres et de financements relevés.

Enfin, le COM rappelle l'exemplarité du secteur public, notamment en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, dont Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil ont rappelé qu'elle est fondamentale, sur nos antennes comme en interne. Nous sommes heureux d'avoir obtenu quatre-vingt-dix-neuf points sur cent à l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Je conclurai en me réjouissant de l'élan donné à nos sociétés, non sans rappeler que Deutsche Welle, notre concurrent et ami allemand, et BBC World, notre concurrent et ami britannique, disposent de budgets supérieurs de 100 millions d'euros à celui de France Médias Monde. La bataille pour faire entendre la voix de la France dans le monde est rude.

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