Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports :

Je vous remercie pour vos propos et vos questions. En premier lieu, je tiens à préciser que les élèves n'ont pas été éloignés des établissements pendant quatre mois. Certes, le retour en classe a parfois eu lieu partiellement entre le 11 mai et juillet 2020. Néanmoins, il s'agissait bien d'un retour progressif. La France fait partie des pays qui présentent les taux de fermeture les plus faibles dans les classements de l'UNESCO, aux côtés de la Finlande et de la Croatie. Au regard des pays de taille comparable, notre pays est celui qui a conservé l'ouverture des établissements la plus importante de mars à juillet 2020.

Je remercie par ailleurs Madame la députée Cazarian de ses propos concernant les évaluations.

S'agissant des tests salivaires comme des autres dispositifs sanitaires, nous devons relever à chaque reprise un défi logistique ainsi qu'un défi d'ordre psychologique. Le travail réalisé avec le ministère de la Santé nous permet de nous procurer 300 000 tests par semaine. En outre, la chaîne logistique couvre l'ensemble du territoire ciblé et fonctionne de manière satisfaisante. Enfin, la réalisation des tests renvoie à la question des médiateurs soulevée par le député Minot. La mission des 1 700 médiateurs s'ajoute à d'autres moyens liés à la crise. Le personnel de l'Éducation nationale, pour sa part, remplit une fonction de supervision, dans la mesure où il doit conduire les élèves vers les tests et leur apporter les explications nécessaires. La pratique de tests, quant à elle, doit bien entendu incomber au personnel de santé qualifié. À cet égard, l'acte demeure relativement simple, car il s'agit de cracher dans un gobelet. Une large partie des médiateurs sont étudiants en médecine et en pharmacie, tandis que certains proviennent d'autres horizons, sachant que la réalisation des tests implique un travail administratif et d'accompagnement des élèves. Sur le terrain, la campagne se déroule correctement.

Parallèlement, un autre défi porte sur le volontariat des élèves. En effet, les tests nasopharyngés présentaient des limites en la matière, avec un taux de volontariat inférieur à 30 %. Aujourd'hui, alors que la campagne inclut les écoles primaires, ce taux est passé à 80, voire 90 % de volontaires, c'est-à-dire un pourcentage relativement satisfaisant. Les familles des élèves sont informées par courrier électronique dès le lendemain de la réalisation des tests PCR. Les tests antigéniques, pour leur part, induisent un délai de résultat plus long et présentent une utilité différente. Ils s'appliquent aux personnes symptomatiques. Quoi qu'il en soit, nous devrions atteindre en mars l'objectif des 300 000 tests hebdomadaires.

Je ne partage pas la sévérité de votre diagnostic, Monsieur le député Minot, concernant la concertation avec les collectivités locales. Cette concertation s'exerce avec les associations d'élus et au travers de mes visites de terrain. La collaboration engagée avec les collectivités locales est devenue très étroite dans le cadre de cette crise sanitaire. Nous avons effectivement dû procéder à des ajustements, avec de multiples inconvénients concrets.

Pour rappel, le protocole sanitaire du 11 mai s'avérait très strict et a posé des difficultés à tous. À ce titre, certaines critiques m'ont étonné. Certains ajustements ont dû être mis en œuvre de manière soudaine, car nous n'avions pas d'autre choix. Plus généralement, la base du protocole sanitaire actuelle a été fixée début juillet 2020 et s'applique à l'ensemble de l'année scolaire en cours. Quoi qu'il en soit, notre travail se poursuit avec les collectivités, dont les communes. Les recteurs, les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN) et les inspecteurs ont pour consigne d'entretenir un lien étroit avec les communes. Je reste enfin à l'écoute de toutes les observations de terrain en la matière.

En réponse à Monsieur le député Garcia, je confirme que les étudiants qui réalisent la mission de médiation sont volontaires. Il s'agit en quelque sorte d'un « job » étudiant qui se déroule de mars à juin 2021. À cet égard, plusieurs dispositifs déployés ont été pérennisés, comme l'ouverture de certains postes d'assistants d'éducation. J'espère que nous n'aurons plus besoin de la mission de médiation en septembre prochain mais, si nécessaire, ce dispositif sera également pérennisé.

L'appui aux collectivités locales dans le cadre de la loi EGalim concerne essentiellement les communes rurales. Je rappelle qu'une série de moyens sont consacrés à ces collectivités dans le cadre du plan relance, notamment pour des travaux de rénovation des installations de restauration.

Je note que la tonalité d'ensemble des questions soulevées par Madame la députée Tolmont laisse penser que l'Éducation nationale subirait un affaiblissement budgétaire. Je conteste vivement ce point de vue. Les exemples que vous avez cités insistent sur les éléments de passif d'une sorte de comptabilité. À titre d'exemple, dans la Sarthe, nous fermons certes 43 classes, mais en ouvrons 53 en parallèle. Les fermetures et les ouvertures de classes font partie de la vie de l'Éducation nationale et permettent de tenir compte de l'évolution de la démographie et de rechercher l'équité. Sans elles, nous créerions des inégalités entre les établissements et pratiquerions la démagogie. Nous devons également prendre en considération la réalité du terrain, ce qui conduit certains territoires à présenter un taux d'encadrement supérieur à d'autres. Ainsi, certains territoires ruraux affichent quatorze élèves par classe en Lozère, dans la Creuse ou en Vendée, par exemple.

Je rappelle aussi l'engagement du Président de la République, qui prévoit de ne pas procéder à la fermeture d'écoles sans concertation avec les maires concernés. Malheureusement, le cœur du sujet est bien celui de l'évolution de la démographie, notamment en milieu rural. À cet égard, je maintiens ici que l'objectif de l'Éducation nationale est de contribuer au rebond rural dans la limite de ses capacités. Une stratégie en la matière est mise en œuvre dans chaque département avec les associations de maires afin d'accroître l'attractivité de l'école rurale, sachant que celle-ci jouit désormais d'un meilleur taux de réussite.

En tout état de cause, je le redis, il n'y a pas de baisse des crédits de l'Éducation nationale. Le quinquennat en cours repose sur une augmentation budgétaire de 6 milliards d'euros, contre 2 milliards d'euros durant le quinquennat précédent. Je vous invite à examiner les données chiffrées de 2017 à 2022 – car le budget 2022 sera fort. De plus, les moyens doivent être engagés au regard d'objectifs précis. Aujourd'hui, l'effectif de l'Éducation nationale regroupe 1,1 million de personnes pour environ 13 millions d'élèves. La problématique porte moins sur la création ou la suppression de postes que sur la qualité de l'allocation des moyens en fonction des priorités, ce que nous entendons assurer.

Nos choix se fondent sur les analyses de notre ministère et de l'OCDE, ainsi que sur le rapport de la Cour de comptes, c'est-à-dire sur des bases rationnelles. En aucun cas nos politiques ne peuvent être qualifiées de « politiques de coupes budgétaires ». L'Éducation nationale n'a jamais connu de si forte augmentation de budget. Le budget 2022 vous le démontrera encore davantage.

Par ailleurs, les parcours personnalisés ne sont pas remis en cause. À cet égard, le dispositif « Devoirs faits » a monté en puissance au collège. La logique d'investissement que nous mettons en œuvre s'observe non seulement au travers du budget, mais également dans le cadre du plan de relance. Les collectivités locales bénéficieront notamment d'un soutien en matière de rénovation thermique des établissements.

Je remercie Monsieur le député Bournazel pour ses propos. Je viens de répondre à la question relative à la pérennité des médiateurs. S'agissant de notre capacité à définir des dispositifs exceptionnels, nous devons effectivement mener une politique structurelle d'augmentations budgétaires et d'investissements, comme l'illustrent le dédoublement des classes et le plafonnement du nombre d'élèves à 24 par classe en grande section, en CP et en CE1. Un autre exemple réside dans les dispositifs propres à la crise sanitaire, comme la création exceptionnelle de postes d'assistants d'éducation, de nouveaux postes à l'école primaire et l'ensemble des dispositifs précités. Lorsque nous sortirons de la crise sanitaire, comme nous l'espérons tous, les éléments structurels d'augmentation budgétaire perdureront.

Pour ce qui concerne les questions de Madame la députée Descamps autour de la nécessité de rassurer les jeunes, je crois que nous leur devons des discours et des actes d'optimisme et de volontarisme. Les perspectives que nous donnons doivent bien entendu se traduire en actes. Il est important de rappeler que la jeunesse est la priorité absolue de notre gouvernement, ce qui renvoie au plan « Un jeune, une solution ». Le maintien de l'ouverture des établissements participe de cette politique en faveur de la jeunesse. À cet égard, le fait d'avoir regroupé les compétences de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports au sein du même ministère vise à mettre en œuvre une politique de jeunesse complète. À ce titre, Mmes Roxana Maracineanu, Sarah El Haïry et Nathalie Elimas ont à cœur de dégager des synergies entre ces différents domaines, notamment au travers du Plan mercredi et des Vacances apprenantes.

S'agissant du baccalauréat, notre effort a pour objectif de réduire les incertitudes des lycéens et de leur donner de la visibilité, tout en nous adaptant aux circonstances. En janvier, j'ai donc décidé que les enseignements de spécialité feraient l'objet d'une notation en contrôle continu et non pas au travers des épreuves de mars. Ce choix apporte de la sérénité aux établissements. Par ailleurs, nous avons cherché à objectiver le contrôle continu, qui représente désormais 40 % de la notation, en publiant un guide d'harmonisation.

En outre, nous pouvons rassurer les élèves sur la valeur du baccalauréat, qui maintient les épreuves terminales de philosophie et du grand oral. Selon nous, il demeure essentiel d'objectiver les notes du contrôle continu et d'assurer ces épreuves terminales, car il s'agit du cœur de la réforme du baccalauréat. Par ailleurs, les enseignements de spécialité rencontrent un grand assentiment chez les lycéens, car ils leur confèrent une plus grande liberté de choix et une plus grande cohérence avec leur orientation vers l'enseignement supérieur. Les lycéens savent que leur baccalauréat aura d'autant plus de valeur qu'ils suivent des enseignements approfondis par le biais des enseignements de spécialité.

Enfin, l'innovation importante que représente le baccalauréat 2021 peut effectivement susciter des inquiétudes, comme toute innovation. Le message que nous adressons à travers cette innovation est que la préparation à l'oral demeure vertueuse et que nous encourageons donc les pratiques théâtrales, par exemple. Bien entendu, nous garantirons la bienveillance dans la préparation et la réalisation de l'épreuve du grand oral. Je suis certain qu'elle représentera un progrès significatif pour notre système scolaire.

Je remercie Madame la députée Ressiguier d'avoir manifesté son accord avec le principe de l'ouverture des établissements. Il est important que ce principe rassemble tous les bancs, ce que je ne constatais pas toujours au démarrage de la crise sanitaire. Le protocole sanitaire repose sur une base susceptible d'évoluer en fonction des circonstances. Pour leur part, les médiateurs ont pour mission d'intervenir en appui du personnel médical.

En réponse à Madame la députée Faucillon, je tiens à confirmer la nécessité de revaloriser les salaires des professeurs. Nous procédons concrètement à cette revalorisation dès 2021, selon une logique qui doit être issue du dialogue social. À cet égard, j'espère que nous pourrons signer des accords pluriannuels avec les organisations syndicales qui le souhaiteront. Certes, seuls 31 % des professeurs sont touchés par les mesures de revalorisation en 2021. Toutefois, 100 % des professeurs sont concernés par la prime informatique. Les professeurs-documentalistes ont perçu une prime équivalente en parallèle. Par la suite, nous effectuerons le même travail de revalorisation à destination des CPE.

Nous avons réalisé une amorce substantielle de cette politique de revalorisation, à laquelle nous avons consacré 400 millions d'euros sur les crédits budgétaires supplémentaires de 2021. Nous entendons poursuivre dans cette voie, car le rattrapage du retard accumulé lors des quinquennats précédents ne pourra se résorber qu'en plusieurs années.

Je réaffirme donc l'objectif consistant à mieux rémunérer nos professeurs, et devant correspondre à des éléments de modernisation du système scolaire. En effet, ce sujet intègre également la nécessité de mieux organiser notre service public. L'Éducation nationale est l'une des plus grandes structures du monde. Nous devons démontrer qu'en dépit de sa taille, elle peut personnaliser les parcours professionnels de chacun. À ce titre, le dossier intitulé « Les professeurs du XXIe siècle », issu de travaux éclectiques conduits dans le cadre du Grenelle de l'Éducation, nous propose un chemin vers cette évolution souhaitable pour la fonction professorale.

La crise a démontré que le professeur jouera un rôle accru et central au cours de ce siècle. Les travaux du Grenelle ont également souligné que les travaux seront de plus en plus collectifs, selon une logique d'équipe plus prégnante, autour de la personnalisation du parcours de l'élève. Nous devons donc honorer à la fois le rendez-vous financier et le rendez-vous qualitatif de notre système scolaire. Ces éléments connaîtront des avancées nouvelles lors des semaines à venir.

Par ailleurs, je partage avec Monsieur le député Pancher le souci d'éviter les inégalités dont pourrait pâtir le monde rural. Ce dernier fait l'objet d'un effort spécifique, avec des taux d'encadrements plus favorables. En outre, je précise qu'un élève sortant de CM2 en école rurale n'est pas soumis à une destinée plus négative qu'un élève de l'école urbaine. En revanche, les inégalités peuvent apparaître dans l'enseignement secondaire. Ce sujet est pris en considération dans le cadre des stratégies rurales mises en place dans chaque département, dont les députés sont généralement parties prenantes. Je veux en outre citer notre nouveau programme d'investissement numérique dédié aux écoles rurales. Enfin, la jeunesse des territoires ruraux doit bénéficier de dispositifs particuliers comme celui des internats d'excellence. À cet égard, le plan de relance comporte l'objectif de création d'un internat d'excellence par département. J'ai d'ailleurs connaissance d'un internat de collège rural qui devait fermer ses portes et qui sera finalement conservé, ce dispositif devant aussi permettre d'attirer les familles dans les territoires ruraux.

Pour conclure, je crois avoir apporté toutes les réponses aux questions de madame la députée Faucillon. Vous avez qualifié mes remerciements au personnel de l'éducation de timides. Je corrige immédiatement cette méprise. J'adresse des remerciements très prononcés envers le personnel de l'Éducation nationale, dont le rôle fondamental joué pendant la crise est perçu par tous les Français. La résilience du dysfonctionnement scolaire reste à la base de la renaissance dont nous avons besoin.

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