Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 16 mars 2021 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques :

Je vous remercie. Il s'agit de notre première rencontre sous ce format, sur un enjeu qui apparaît comme majeur à l'ensemble du gouvernement. Il convient de donner au service de l'intérêt général une nouvelle jeunesse, ce qui signifie créer une nouvelle génération de serviteurs de l'État, de nos hôpitaux et collectivités territoriales, une génération qui ressemble vraiment à notre pays dans toute sa complexité, sa diversité sociale et territoriale, sa richesse, et ses talents.

Cela implique de repenser profondément l'attractivité de la fonction publique, de ses valeurs, et de ses métiers. Nous devons également le faire pour notre jeunesse, afin de lui redonner un outil de promotion de ce qu'elle aspire à construire pour le monde de demain, ainsi qu'une place pour grandir et faire revivre l'ascenseur social dans lequel nous savons que la fonction publique a joué un rôle essentiel depuis des décennies, voire des siècles.

Cette action repose sur deux piliers.

Depuis ma prise de fonction, je mène une politique volontariste en termes d'égalité des chances et des choix. L'objectif est de permettre à tous les jeunes qui le souhaitent de faire le choix de rejoindre la fonction publique, pour lui permettre de redevenir ce qu'elle a été, en particulier sous la IIIe République, c'est à dire un outil de promotion sociale et territoriale.

Le programme Talents du service public a en effet été présenté à Nantes en février dernier. C'est la première pierre d'une réforme plus globale de la gouvernance de nos politiques publiques et de la haute fonction publique, suite notamment à l'habilitation à adopter des ordonnances accordées par le Parlement par la loi du 6 août 2019. Ce recrutement ouvert et diversifié constitue une condition indispensable à l'adaptation de la fonction publique à la société.

Le deuxième pilier est le renforcement plus général de l'attractivité de la fonction publique, pour que nous puissions jouer toute notre part dans le plan « un jeune, une solution » annoncé l'été dernier. Il passe par davantage de stages et d'apprentissages, et c'est une autre priorité de mon action.

Le programme Talents du service public vise à faire émerger une nouvelle génération de hauts fonctionnaires qui ressemble à la France de 2021, afin de construire celle de 2030. C'est notre objectif de politique publique, ce n'est pas qu'une question de ressources humaines. Mon travail vise à nous assurer que tous les jeunes peuvent, s'ils en ont le mérite et le talent, servir la République, s'engager pour la cité, et embrasser à tous les niveaux des métiers de sens et de service public, pour redonner à la fonction publique son rôle d'ascenseur social. Aujourd'hui, elle ne remplit que de façon très incomplète cette mission. Les inégalités d'accès se sont aggravées au cours des deux dernières décennies. Dans ce domaine, l'incantation républicaine ne peut pas suffire. Seuls 1 % de fils d'ouvriers ont réussi le concours externe de l'ENA en 2019. C'est un défi majeur, et nous mobilisons des moyens pour traiter ces inégalités à la racine. Nous avons beaucoup investi, avec des mesures très ciblées depuis le début du quinquennat : obligation d'instruction à trois ans, classes dédoublées, dispositif Devoirs faits. Les petits-déjeuners gratuits à l'école ont encore été renforcés aujourd'hui même.

Ce sont des mesures essentielles qui porteront leurs fruits à moyen et long terme, mais nous avons aujourd'hui des jeunes qui ont le sentiment d'être sacrifiés, et à qui nous devons redonner des perspectives. C'est pourquoi nous avons annoncé le 11 février que les jeunes qui s'engagent dans la voie du service public pourront être accompagnés concrètement dans cette démarche, avec une trajectoire précise entre leur situation actuelle et les concours les plus difficiles et sélectifs de la haute fonction publique. Pour les boursiers de l'enseignement supérieur, un accompagnement à la réussite au concours sera déployé.

J'étais il y a encore quelques jours à l'université d'Évry, où une classe de préparation aux concours de la fonction publique a été ouverte il y a un an, pour présenter ce programme Talents du service public avec Élisabeth Moreno. Il suscite de véritables espoirs auprès de nombreux étudiants d'universités non parisiennes, et je tiens à vous en présenter quelques aspects. Il sera appliqué rapidement. Tout ce que je vous présente aujourd'hui sera mis en œuvre dans l'année.

Au-delà de ce principe, nous voulons créer des Cordées de service public, pour renforcer les Cordées de la réussite et aller chercher les jeunes partout sur le territoire, en particulier là où ils pensent que la haute fonction publique n'est pas faite pour eux. Nous savons que cette conviction est ancrée chez de nombreux collégiens et lycéens pourtant très méritants, qui pensent qu'ils ne sont pas nés au bon endroit et ne disposent pas des moyens financiers pour accéder à ces postes. Ils croient qu'être nés en zone rurale ou dans un quartier de la politique de la ville leur barre la route.

À la rentrée de septembre 2021, tous les élèves hauts fonctionnaires des 23 écoles de service public deviendront des tuteurs, dont une large majorité dans le cadre des Cordées de la fonction publique. 3 500 jeunes seront encordés grâce à cet engagement. C'est un levier d'égalité des chances et d'identification puissant. Ces élèves hauts fonctionnaires ressembleront aux jeunes qu'ils accompagneront. Les écoles de service public sont réparties sur tout le territoire : à Metz, Douai, Agen, Lyon… Pour les jeunes des zones rurales ou des quartiers de la politique de la ville à proximité de ces écoles, nous pourrons identifier les établissements qui bénéficieront de ces cordées.

Le deuxième principe de cette action est l'ouverture des classes Prépas talents. En septembre 2021, nous pourrons offrir 1 700 places aux boursiers qui présenteront un dossier. S'ils sont plus nombreux, nous donnerons la priorité aux jeunes issus d'un quartier prioritaire de la ville, d'une zone de revitalisation rurale, ou des outremers, soit 1 000 places de plus qu'en 2020. Vous l'avez permis en votant les crédits proposés dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, qui incluait les besoins financiers correspondant à cette action. L'ouverture de ces classes signifie que mon ministère financera à hauteur de 6 500 euros par étudiant les universités et pôles de formation qui s'engageront, et les étudiants à hauteur de 4 000 euros supplémentaires. Soit un total de 10 500 euros par étudiant.

Nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt, qui s'est achevé le 15 mars. Il a rencontré un grand succès, avec plus d'une cinquantaine de classes préparatoires intégrées existantes ou de nouveaux pôles universitaires qui ont proposé de créer une classe Prépa talents. Nous voulions au moins deux classes Prépas talents dans chaque région, sachant qu'il y a à ce jour des zones blanches. Nous allons sélectionner les classes à soutenir et financer. Il faudra qu'elles aient un lien fort avec l'université, et qu'elles puissent mettre en place un vrai programme de tutorat, mais aussi qu'elles proposent un diplôme. C'est un point très important pour rencontrer l'adhésion des jeunes qui ne veulent pas que leur année soit perdue s'ils ne réussissent pas le concours. Enfin, elles devront apporter la garantie qu'il ne sera plus nécessaire d'aller à Paris, à Sciences-Po ou à la Sorbonne, pour réussir ces concours de la haute fonction publique. C'est une action majeure de lutte contre les inégalités territoriales.

Enfin, ce programme Talents prévoit l'ouverture dès cette année d'une nouvelle voie d'accès à 6 concours, pour que les 1 700 élèves des Prépas talents puissent disposer de places à hauteur de leur engagement. Si nous poussons 1 700 élèves supplémentaires à se présenter, il est logique de prévoir des places supplémentaires. Ils passerons les mêmes épreuves, et seront examinés par les mêmes jurys que ceux qui se présentent aux concours externes actuels, mais nous créerons 15 % de places supplémentaires ouvertes à ces concours. Il s'agit de ceux de l'ENA, de l'INET, de l'EHESP, de l'ENSP, et l'ENAP, ainsi que du concours pour les directeurs d'hôpitaux et d'EHPAD. Soit 5 écoles et 6 concours. Sachant que les élèves des prépas talents pourront s'inscrire à l'ensemble des concours externes de la fonction publique, y compris bien sûr ceux de la magistrature, des IRA ou du Trésor public. Notre but est que ces élèves ne s'autocensurent plus et n'hésitent plus à se présenter.

Par ailleurs, nous voulons donner à chacun la possibilité de découvrir la fonction publique de l'intérieur et de l'intégrer, quel que soit son niveau de diplôme, à travers un plan de développement des stages et apprentissages. De manière générale, l'apprentissage est une voie d'excellence et d'insertion que nous voulons développer. Dès la rentrée prochaine, le recrutement des apprentis dans la fonction publique d'État sera renforcé, en augmentant les chiffres sur lesquels s'engagent les ministères. L'apprentissage permet des recrutements à tous les niveaux de diplôme. En 2018, la moitié des personnes recrutées dans la fonction publique par voie externe disposait d'un niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat. La fonction publique est sélective, mais elle est ouverte à tous les niveaux de qualification. En outre, elle ne passe pas toujours par les concours, et beaucoup de recrutements se font via des contrats. Nous devons en tout état de cause faire tomber cette idée selon laquelle la fonction publique serait réservée à ceux qui ont suivi des longues études.

Je souhaite également renforcer la visibilité des offres d'apprentissage et stages. Nous disposons d'une plateforme qui les rassemble, et qui sera rapidement reliée à celle du dispositif « un jeune, une solution ». Nous étudions aussi comment faciliter l'accès des apprentis à l'emploi public, pour que cette voie d'apprentissage, qui est très efficace dans le secteur privé, le devienne également dans la fonction publique.

Du côté de la fonction publique territoriale, nous accompagnerons aussi les employeurs locaux et territoriaux dans le développement de l'apprentissage, avec une aide de 3 000 euros pour chaque collectivité ayant signé un contrat d'apprentissage depuis le 1er juillet 2020. Cette aide est en place jusqu'au 31 mars, et suite aux annonces du Premier ministre hier, nous travaillons à l'étendre parallèlement à ce qui est fait pour le secteur privé. Nous ferons également en sorte que le financement de l'apprentissage dans les collectivités soit plus pérenne et opérationnel. J'y travaille avec Élisabeth Borne et les élus.

Enfin, je tiens à mentionner les stages pour les lycéens et étudiants. Nous devons leur permettre de s'approprier les valeurs du service public et susciter des vocations. Il convient que les élèves qui suivent des formations professionnalisantes puissent acquérir ces premières expériences au sein de la fonction publique. Le nombre de stagiaires accueillis sera significativement augmenté, et je m'assurerai que ces stages dans la fonction publique d'État bénéficieront d'une gratification dès le premier jour, quelle que soit la durée. Cette gratification sera en outre corrélée au niveau de diplôme.

Ces engagements seront traduits par des circulaires, effectives dans les prochains jours. Ils sont par ailleurs le résultat d'un dialogue important mené avec les organisations syndicales, que j'ai rencontrées hier encore. Ma priorité est de disposer d'une fonction publique exemplaire dans le cadre de notre politique en direction de la jeunesse, dans son rôle d'ascenseur social, et pour donner envie à tous les talents de s'engager au service de leurs concitoyens. Les jeunes souhaitent être utiles, et je souhaite que la fonction publique devienne pour eux une façon de traduire cette volonté, d'où qu'ils viennent.

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