Intervention de Béatrice Descamps

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps, rapporteure :

. L'objet de cette proposition de loi peut paraître simple, mais il est tellement important : améliorer et faciliter l'accompagnement des enfants atteints d'une maladie chronique ou d'un cancer. L'annonce de ce diagnostic est toujours un moment difficile et douloureux pour les familles. Si certaines pathologies peuvent être suivies sans hospitalisation et sans besoin d'apprentissage thérapeutique – je rappelle que la définition de la maladie chronique est très large – pour d'autres, l'hospitalisation immédiate est indispensable. Parents et enfants doivent alors comprendre et apprendre à gérer cette maladie, apprendre à repérer certains signes, à administrer certains traitements, à utiliser du matériel médical, à faire une injection, à utiliser un lecteur de glycémie. Les parents doivent être disponibles pour leur enfant pour le suivi de sa maladie, mais aussi pour le rassurer, le consoler parfois, l'écouter, l'accompagner et apprendre en même temps que lui. En l'espace d'un instant leur vie change, la vie de la famille change.

Pour tout cela, il faut que les parents soient disponibles immédiatement. C'est l'objet du premier article de cette proposition de loi : permettre à ces parents de prendre un congé sur le modèle du droit à des congés pour l'annonce de la survenue d'un handicap. Il s'agirait d'étendre ce droit à l'annonce de la survenue d'une pathologie chronique entraînant un apprentissage thérapeutique ou d'un cancer. Ce congé d'une durée de deux jours permettrait aux parents de s'occuper de leur enfant sans que cette absence ne soit décomptée de leurs congés payés ni qu'ils perdent une partie de leur salaire comme c'est le cas avec les congés pour garde d'enfant malade. Ceci étant dit, ces congés seront bien utiles, malheureusement, par la suite, pour ces familles. Je voudrais aussi rappeler ici combien l'annonce d'une maladie chez l'enfant est un choc pour les parents, un choc psychologique, et combien il me paraît tout simplement juste que l'on fasse mention de ces enfants et de ces parents dans la loi.

Mais l'enfant est aussi, le plus souvent, selon son âge, un élève. Les articles suivants de ce texte concernent donc plus spécifiquement l'élève, donc le temps scolaire et périscolaire. Rappelons d'ailleurs ici que l'article L. 111-1 du code de l'éducation dispose que le système éducatif « veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction ». Or, lorsque l'on regarde de plus près, on se rend compte combien, en la matière, la diversité territoriale est grande. Le retour à l'école pour ceux qui le peuvent est une nouvelle étape pour l'élève et ses parents. C'est aussi naturellement un moment angoissant pour les enseignants. Les questions sont nombreuses, les images erronées aussi parfois. Les enseignants ont besoin de connaître et comprendre les conséquences, les répercussions que la maladie ou son traitement peuvent avoir sur la scolarité de l'élève – son attention, sa concentration, sa fatigabilité – pour adapter au mieux leur pédagogie, et afin que l'élève bénéficie, si cela s'avère nécessaire et quand cela s'avère nécessaire, d'un accompagnement individualisé.

Bien sûr, un projet d'accueil individualisé (PAI) est généralement mis en place pour ces élèves. Ce document écrit vise à faciliter l'accueil des élèves ayant des problèmes de santé en leur permettant de suivre une scolarité normale tout en bénéficiant, par exemple, de leur traitement ou régime alimentaire particulier. Ce document, je veux ici le souligner, a connu une évolution très positive avec la circulaire de février dernier. Le PAI est un document essentiel, mais reste un document écrit, qui ne rassure pas toujours complètement l'enseignant et ne répond pas forcément à l'entièreté de ses questions.

Il me paraît donc essentiel qu'une réunion soit organisée le plus vite possible. C'est ce que propose l'article 2 : un échange avec l'ensemble des personnes impliquées dans la vie de l'élève. Cet échange doit porter sur les conséquences possibles de la maladie – ou de son traitement, je le répète – sur sa scolarité ou sur son comportement en classe, et non sur la maladie elle-même : le secret médical doit être préservé. Comme toujours quand il s'agit des enfants, les parents doivent consentir à cette réunion ; s'ils ne le souhaitent pas, malheureusement, l'échange ne pourra avoir lieu. Cette réunion doit aussi permettre à chaque intervenant de lever ses doutes, ses craintes, de comprendre mieux la réalité de la situation. Trop d'enfants souffrent, par exemple, de ne pouvoir participer à certaines activités scolaires ou périscolaires. Cela peut être tout à fait justifié, mais cela aussi résulter de la peur, de la précaution du personnel encadrant, ce que l'on peut comprendre : les enseignants, les accompagnants, sont des humains et les craintes sont tout à fait normales. Savoir se réunir en mettant l'élève au centre des réflexions, pour sa plus grande réussite, son épanouissement, tout en le protégeant, cela trouve toute sa place dans notre école de la confiance.

Le second alinéa de ce deuxième article va également en ce sens en mettant à la disposition des équipes pédagogiques une documentation permettant un suivi adapté. L'idée n'est pas de faire des fiches de conduite à tenir en cas d'urgence – cela existe déjà dans le PAI ; l'idée est de mettre à la disposition des intervenants de la documentation thématique pour comprendre et mieux appréhender les impacts de la maladie sur la scolarité de l'élève tout en donnant des pistes pédagogiques.

Cette attention particulière à la situation des élèves malades doit notamment être portée au moment des examens nationaux. Ce sont pour eux des moments stressants et anxiogènes. Ces examens sont importants et viennent sanctionner une partie de leur cursus. Leur pathologie ne doit pas les empêcher de réussir. Certains disposent pour cela d'aménagements des épreuves, mais ce n'est pas le cas de tous les élèves atteints d'une pathologie. Afin de rassurer ces derniers, mais aussi l'ensemble des élèves, les encadrants et les parents, il est proposé de généraliser la présence d'un infirmier ou d'une infirmière le jour des épreuves. Je proposerai également que le PAI soit transmis aux centres d'examens avec accord des responsables légaux ou de l'élève lui-même s'il est majeur.

Je voudrais, pour terminer, dire que si travailler sur ce sujet a été pour moi une évidence, elle a été confortée par les très nombreux témoignages que j'ai reçus depuis l'été dernier, quand j'ai fait un appel à témoignages pour mieux comprendre encore, entendre, écouter, et qui vont au-delà de ce que j'imaginais. Donc je remercie ici tous ces professionnels de santé, ces professionnels de l'éducation nationale, ces jeunes eux-mêmes, ces parents, avec qui j'ai pu discuter longuement, ainsi bien sûr que toutes les personnes que nous avons auditionnées ces dernières semaines.

Cette proposition concerne à la fois les enseignants, les enfants et les parents. Je voudrais également dire que je conçois vraiment ma proposition comme une véritable première étape de la reconnaissance par la loi des enfants atteints de maladie chronique, étape importante, qui en appellera sans doute d'autres. Ces enfants et leur famille ne choisissent pas de vivre ce bouleversement. Les enseignants ne veulent laisser personne sur le bord du chemin. En votant cette proposition de loi, nous pouvons les aider, les uns et les autres, nous pouvons choisir de ne pas faire de la maladie un frein à la scolarité ni à l'épanouissement de nos enfants. Nous pouvons franchir donc ici un pas supplémentaire pour une véritable égalité des chances. Je vous remercie.

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