Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

La France a signé, en 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais ne l'a toujours pas ratifiée. Les langues régionales font pourtant partie de notre patrimoine immatériel. Le Parlement l'a acté en introduisant l'article 75-1 dans notre Constitution, réforme que j'ai votée avec fierté en 2008 – à laquelle, je le rappelle, l'Académie française s'est opposée. Depuis, les lois du 8 juillet 2013 et du 26 juillet 2019 ont introduit quelques changements à la marge.

La proposition de loi que nous examinons à l'initiative de Paul Molac, qui était, à l'origine, ambitieuse et incisive, a été singulièrement édulcorée en première lecture à l'Assemblée nationale. Le Sénat a réintroduit plusieurs dispositions, ce qui a donné un nouveau souffle à cette ambition.

L'article 2 ter complète l'article L. 312-10 du code de l'éducation pour prévoir une troisième forme d'enseignement en langue régionale, de nature immersive. Ce type d'enseignement ne peut être dispensé, à l'heure actuelle, dans les écoles publiques.

La loi pour une école de la confiance a été à l'origine de plusieurs contentieux relatifs au forfait scolaire. En vertu de ce texte, en effet, la commune de résidence d'un élève ne disposant pas d'une école dispensant un enseignement de langue régionale peut verser, si elle le souhaite, une participation financière à une école privée sous contrat d'association située dans une commune voisine qui propose un tel enseignement. L'article 2 quinquies, ajouté par le Sénat, n'a a priori qu'une portée limitée, mais il a le mérite de clarifier les choses. Peut-être incitera-t-il certains maires à développer un enseignement en langue régionale dans leur commune.

Sept articles issus des travaux de l'Assemblée nationale ont été adoptés conformes par le Sénat, ce qui plaiderait pour que nous votions également conformes les quatre articles restant en discussion. Le groupe Les Républicains n'a déposé, à dessein, aucun amendement. Toutefois, d'autres groupes ont déposé des amendements de suppression, ce qui laisse augurer de l'adoption d'une nouvelle version du texte à l'issue du débat dans l'hémicycle.

Les Français sont majoritairement favorables à la reconnaissance officielle des langues régionales. C'est pourquoi le Parlement ne peut rester flou sur leur enseignement. Certes, l'éducation nationale permet l'apprentissage des langues régionales de manière parfois soutenue, selon les régions où elles sont en usage, comme c'est le cas en Alsace et dans les pays mosellans depuis 1992. Toutefois, l'office pour la langue et les cultures d'Alsace et de Moselle (OLCA) note la diminution de l'apprentissage du dialecte, dont les accents sont pourtant si savoureux.

Cette tendance a été amplifiée par la réforme du baccalauréat. La spécialité « langues, littératures et cultures étrangères et régionales » (LLCER) est fortement concurrencée par d'autres filières, dont les mathématiques. Notre ministre répète à l'envi vouloir soutenir et développer les langues régionales, mais les actes ne suivent pas les paroles. Le message officiel peut paraître séduisant : « Tu souhaites consolider ta maîtrise d'une langue régionale, telle que le breton, le basque, le catalan ou encore le créole ? Alors la spécialité LLCER est faite pour toi. » Cela étant, les 26 % d'élèves qui choisissent la spécialité LLCER anglais en classe de première ne sont plus très nombreux à présenter une langue régionale au bac.

Dans le rapport de la mission flash sur la mise en place de la carte des spécialités dans le cadre de la réforme du lycée, Géraldine Bannier et moi-même avons alerté sur la situation des langues régionales, souvent choisies comme option. En effet, certains établissements ont réduit les options proposées pour offrir de nouvelles spécialités. Pour éviter de porter un coup fatal aux langues régionales, il faut restaurer et améliorer leur attractivité en rétablissant l'option facultative bonifiante de langue régionale au bac.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'invite mes collègues à voter en faveur de la proposition de loi.

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