Intervention de Maud Petit

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Petit :

À travers cette proposition de loi, il nous est proposé de débattre de la pertinence de réformer la rétribution des droits d'auteur et des droits voisins afin de lutter plus efficacement contre la précarité des professionnels des arts et de la culture. Concrètement, le texte prévoit qu'à compter du décès de l'artiste-auteur, les droits sur l'œuvre seront partagés à 50 % entre ses ayants droit et le nouveau domaine public commun. Ce dispositif aurait pour but de financer la protection sociale des métiers artistiques tout en soutenant la création.

Le groupe Démocrate est très attaché à la défense de la propriété intellectuelle, dont dépend la juste rémunération des artistes-auteurs, donc la pérennité du processus de création. Nous avons été à l'initiative de la loi du 24 juillet 2019 visant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, qui contraint les diffuseurs et les plateformes en ligne à rémunérer les producteurs pour les contenus qu'ils créent et que les GAFAN utilisent. Nous sommes attachés au droit d'auteur et aux droits voisins parce qu'ils contribuent au maintien d'un cercle vertueux de la production artistique. Ils contribuent déjà au financement de la création par l'intermédiaire de la rémunération pour copie privée.

Il est vrai que la crise sanitaire fragilise la situation parfois précaire de ces artistes‑auteurs. Des mesures fortes du Gouvernement viennent les épauler : le plan de relance prévoit de leur consacrer 50 millions d'euros ; un fonds d'urgence spécifique de 17 millions d'euros a été décidé ; le seuil requis afin de conserver leurs droits à la sécurité sociale, au congé maternité et aux congés maladie a été modifié.

Sur la forme, des discussions auraient dû être menées avant de proposer un tel changement. Vous n'avez de cesse de réclamer de la concertation, à juste titre, mais vous faites fi de l'avis des représentants des ayants droit, très majoritairement hostiles à votre proposition.

Sur le fond, vous proposez la création d'un domaine public commun. Cette idée ne nous paraît pas adéquate pour lutter contre la précarisation des publics concernés. Vous remettez en cause le bien-fondé de la temporalité des bénéfices pour les ayants droit après le décès de l'auteur. À la différence du droit de propriété, qui est perpétuel, les droits de propriété intellectuelle sont temporaires pour garantir à tous l'accès aux œuvres par la suite. Cette temporalité compense les faibles rémunérations des artistes-auteurs, que vous dénoncez. C'est la précarité qui justifie le maintien des droits après la disparition de l'auteur, prévu par diverses conventions internationales.

Nous soutenons le dispositif actuel, qui reflète un compromis équilibré entre le respect du droit de propriété, et donc des intérêts privés, et le respect du principe de libre circulation des œuvres qui permet un accès à la culture du grand public.

Votre proposition dénonce une privatisation des œuvres alors que la nouvelle directive sur les droits d'auteur garantit l'accès des productions au grand public. À l'heure du streaming audio et vidéo, les nouvelles pratiques numériques permettent d'accéder à l'ensemble des catalogues et constituent une incroyable révolution pour l'accès aux œuvres.

Rappelons que les droits d'auteur et les droits voisins bénéficient d'une protection constitutionnelle. Appliquer votre dispositif semble inenvisageable, puisqu'il affecterait une grande partie des droits de propriété intellectuelle reversés aujourd'hui. Il contreviendrait également aux engagements internationaux de la France, notamment la convention de Berne et le droit européen. Notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.

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