Intervention de Béatrice Descamps

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps :

L'exception culturelle française doit rester une fierté. À l'heure où l'ensemble des secteurs de la culture souffre particulièrement de la crise que nous traversons, il n'est pas inutile d'ouvrir une réflexion sur les financements et l'appui que nous devons leur apporter. Merci pour cela, monsieur le rapporteur.

Toutefois, je crains que, pour noble que soit la cause, votre proposition de loi ne remette en question la nature même de la propriété intellectuelle, bâtie depuis près de deux siècles sur la dualité du droit de l'auteur, à la fois moral et patrimonial. La patrimonialité du droit d'auteur n'est pas une aberration. Lorsque Tolkien écrit des contes pour ses enfants, ceux-ci ne sont-ils pas les mieux placés pour gérer ces récits après la mort de leur auteur ? Lorsqu'une famille a été présente dans la vie de l'auteur, l'a soutenu et même inspiré, de quel droit viendrait-on remettre en cause son droit, alors que celui-ci est déjà si particulier puisque les œuvres tombent dans le domaine public soixante-dix ans après le décès de l'auteur ? Vous semblez d'ailleurs, dans votre article 1er, faire une distinction entre le droit d'auteur et les droits voisins, ces derniers s'éteignant soixante-dix ans après la publication de l'œuvre et non du décès de l'auteur. On peut s'interroger sur cette durée mais elle a été définie au niveau européen, et l'on a pu voir récemment que les débats sur les droits d'auteur ne sont jamais faciles au niveau continental. Mon groupe ne peut soutenir la redevance de 50 % que vous proposez sur ces droits patrimoniaux. D'ailleurs, les revenus qu'ils procurent sont déjà taxés, comme n'importe quel autre revenu, sans compter la redevance sur la copie privée.

Si nous n'avons pas la même philosophie concernant le partage des droits de la culture, je comprends votre volonté de mieux financer la création artistique. Les prélèvements sur la copie privée, institués dans les années 1980 pour financer la création, devaient permettre de s'adapter à un nouveau mode de consommation de la culture. Près de quarante ans plus tard, la culture ne se consomme plus du tout de la même façon, et de nouveaux modes de financement doivent être cherchés du côté des plateformes numériques, des sites de streaming ou de partage. Les besoins ne sont pas les mêmes pour tous les types d'art : si les éditeurs restent très présents dans l'industrie du livre, un jeune musicien pourra plus facilement enregistrer, mixer puis publier sa musique sur une plateforme numérique pour la partager. Il y a donc très certainement un moyen plus juste de trouver des financements pour la création et pour nos auteurs que de prélever leurs héritiers.

Enfin, la réflexion mérite d'être menée concernant l'extension du régime de l'intermittence aux auteurs, aux plasticiens et à tous les artistes qui n'y ont pas accès. Cependant, la question du financement doit être traitée de manière plus complète, car le régime actuel de l'assurance chômage dans le monde du spectacle est fortement déficitaire. Les arts que vous mentionnez ne sont précisément pas du spectacle : ils ne peuvent donc jouir des mêmes dispositifs que l'intermittence. Ainsi, le groupe UDI et Indépendants ne pourra soutenir votre proposition de loi, mais nous restons ouverts au débat pour atteindre vos objectifs, qui nous semblent justes.

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