Intervention de Sabine Rubin

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

La France fait figure de havre pour la culture aux yeux du monde. Son rayonnement rejaillit sur chacun d'entre nous et beaucoup y trouvent un motif dont s'enorgueillir. Pourtant, que de lézardes derrière les belles tentures ! Un artiste sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et la crise sanitaire ne fait que renforcer ce phénomène. Un tiers des galeries françaises pourrait fermer prochainement. Hormis quelques veaux d'or idolâtrés par une élite, qui sait, du reste, imposer ses préférences jusque dans l'allocation des subventions publiques, les artistes français ont une existence précaire, pour ne pas dire indigente. Il n'est point de jardinier pour les hommes, se désespérait Saint-Exupéry en reconnaissant les traits de Mozart sur la figure d'un enfant miséreux : « Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné. »

Pour le dire plus clairement, il n'y a pas de liberté pour la création artistique dans le carcan des contraintes financières. Ces entraves ne relèvent pas d'une fatalité mais bien d'un choix politique. Avec cette proposition de loi, le groupe La France insoumise propose de faire le choix inverse. Pendant que Mozart dépérit, d'autres s'empiffrent. En matière de culture, comme dans tous les autres domaines, la rente est une gangrène, et ce qu'elle mange, les autres en sont privés. Je veux parler des ayants droit réclamant les revenus des artistes décédés jusqu'à soixante-dix ans après leur mort – ce n'était que cinq ans, en 1791, à la création des droits d'auteur. Certes, tous les ayants droit ne sont pas logés à la même enseigne, et nous comprenons les difficultés de certains. Après Victor Hugo, après Jean Zay, nous proposons de partager les bénéfices tirés des œuvres à parts égales entre la société et les ayants droit, pour une durée de soixante-dix ans à compter du décès, durée au terme de laquelle les œuvres tomberont dans le domaine public. Ces revenus serviront pour partie à financer la protection sociale des artistes, et pour le reste à abonder un fonds de soutien à la création.

Nous croyons que les œuvres d'art devraient enrichir toute la société, les artistes au premier chef, et non une poignée de privilégiés qui n'en sont pas les auteurs. Si vous partagez cette conviction, je vous invite, chers collègues, à voter pour cette proposition de loi.

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