Je suis heureuse de traiter avec vous du calendrier de réouverture des lieux culturels, dont vous imaginez aisément combien elle me réjouit. Ces réouvertures sont attendues par le monde de la culture dans son entier comme par le public : nous allons enfin renouer avec le plaisir des sorties culturelles. Vous le savez, j'ai plaidé avec force et conviction, depuis plusieurs mois, pour qu'elles soient possibles dans une approche progressive, prudente et résiliente. Nous y sommes, et nous avons depuis la semaine dernière de la visibilité sur la réouverture, qui concernera tous les lieux culturels ; c'était essentiel à mes yeux.
Cette visibilité, qui donne à chacun le temps de se préparer, est permise par les progrès de la campagne de vaccination et par l'amélioration quotidienne de la situation sanitaire. L'ouverture des lieux culturels, qui sera donc la norme, préservera la santé de tous par des protocoles sanitaires stricts ; si la situation venait à se dégrader, des freinages ciblés auraient lieu. Tout cela ne peut se faire qu'avec des concertations, qui n'ont pas cessé au ministère et qui se sont accélérées. Depuis la fin de l'année dernière, les réunions avec les professionnels se sont succédé et le ministère de la Culture a été moteur dans la stratégie globale de réouverture. Nous avons aussi eu avec vous et avec les élus locaux des échanges réguliers, et l'audition qui nous réunit ce matin participe de cette concertation.
La reprise se fera de manière responsable. Certaines mesures sanitaires sont maintenues, non pour limiter l'ouverture des lieux culturels mais pour permettre sa poursuite sur le long terme. Respect des gestes de protection, port du masque généralisé, jauges réduites et plus strictes, au début en tout cas, que celles décidées à l'automne 2020 : ces mesures seront nécessaires pendant un temps sans doute long avant qu'elles puissent être allégées par paliers. Le président de la République a également mentionné l'utilisation d'un pass sanitaire permettant l'accès aux lieux et événements publics rassemblant plus de mille personnes – pas uniquement pour le secteur de la culture –, tout en assurant que leur tenue maintienne les risques sanitaires au plus bas. Le débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire permettra d'affiner les modalités de ce dispositif, sur lequel le Conseil scientifique a rendu son avis mardi dernier.
Je vous présente ce matin un calendrier clair qui donne de la visibilité et permet une reprise par étapes. Comme l'a annoncé le président de la République, tous les lieux culturels seront rouverts à compter du 19 mai, hormis les salles et festivals où le public se tient debout, et le couvre-feu sera reculé à 21 heures jusqu'au 8 juin. Durant cette période, les mesures encadrant la restauration du public seront les mêmes que pour les bars et restaurants : la consommation sera possible en extérieur et en configuration assise. Les jauges seront adaptées en fonction des secteurs. Les musées, monuments et centres d'art devraient pouvoir accueillir le public à raison d'un visiteur pour 8 m². Les salles de cinéma et de spectacle pourront recevoir le public assis dans la limite de 35 % de leur plafond habituel, dans la limite de 800 spectateurs. Les festivals qui se tiennent en extérieur pourront accueillir le public en configuration assise dans la même proportion mais la limite est portée à 1 000 festivaliers ; la même limite s'appliquera lorsque la jauge n'était pas prédéterminée.
Lors de la deuxième phase, qui courra du 9 au 30 juin, les restrictions de jauge seront assouplies et le couvre-feu, décalé à 23 heures, permettra de renouer avec le spectacle en soirée. La jauge à respecter pour les musées et monuments pourrait être abaissée à 4 m² par visiteur ; celle qui vaudra pour les salles de cinéma et de spectacle sera portée à 65 % du plafond habituel dans la limite de 5 000 spectateurs, et les règles concernant la restauration seront alignées sur celles qui vaudront pour les restaurants. Les festivals pourront accueillir le public en configuration assise dans la limite de 65 % de la jauge de référence et de 5 000 festivaliers ; lorsque les jauges ne sont pas prédéterminées, c'est aussi le plafond de 5 000 personnes qui s'appliquera. Les festivals et les manifestations culturelles se tenant en plein air et accueillant le public dans l'espace public de déambulation seront possibles dès le 9 juin. La jauge maximale lors des stations debout sera fixée par le préfet en fonction des manifestations – j'y tenais.
La troisième phase commencera le 1er juillet prochain, quand les restrictions de jauge seront levées pour toutes les salles où le public est assis. La distanciation physique restera de mise dans les espaces de circulation, où se brassent les personnes. Les festivals de plein air en configuration debout pourront reprendre dans le respect d'une jauge de 4 m² par festivalier, dans une limite définie par le préfet en fonction des considérations locales. De même, les spectacles et concerts debout pourront reprendre, selon un protocole adapté, avec un plafond de jauge fixé par le préfet en fonction du contexte.
Parce que ces jauges réduites auront inévitablement un impact sur les recettes des entreprises et des établissements culturels, je travaille d'arrache-pied avec le Premier ministre et avec le ministre de l'Économie et des Finances à la création d'un fonds de compensation des pertes de billetterie similaire au dispositif créé par le Gouvernement l'automne dernier.
En résumé, la reprise obéit à trois principes : c'est une réouverture générale, qui concerne tous les lieux de culture ; elle est progressive, avec un allégement des contraintes par paliers ; elle respecte la santé publique car nous n'oublions pas qu'en cette période où la situation sanitaire est encore très tendue, nous devons nous protéger, protéger nos proches et l'ensemble des citoyens.
Les enseignements artistiques reprendront, monsieur le président, dès le 19 mai « en présentiel » pour tous les élèves, mineurs et majeurs, pour le chant lyrique compris, mais uniquement en cours individuels ; l'enseignement de la danse sera encore réservé aux seuls mineurs, et sans contact. À partir du 9 juin, cet enseignement, toujours sans contact, pourra reprendre pour les élèves majeurs, puis pleinement à compter du 1er juillet, comme le chant lyrique en pratique collective : toutes les restrictions seront alors levées. Nous savons tous les efforts qu'ont déployés les conservatoires, les écoles de musique, de théâtre, de danse, ainsi que les collectivités territoriales pour s'adapter à la situation depuis plus d'un an. Je suis entièrement mobilisée, comme le sont les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), pour répondre à leurs interrogations.
Les fanfares et autres orchestres amateurs pourront reprendre en fonction de la réouverture des lieux. Pour les répétitions, les protocoles sanitaires existent déjà ; pour se produire en public, les règles seront celles qui valent pour le spectacle vivant car rien ne justifie « deux poids, deux mesures » selon que la pratique est commerciale ou bénévole.
Vous avez aussi mentionné « le mur de films » prévisible lors de la réouverture des salles de cinéma. Pour commencer, réjouissons-nous de cet embouteillage : il signale que le soutien massif apporté au secteur du cinéma et le fait que j'ai autorisé les tournages permettent, si j'ose dire, de pleurer la bouche pleine – que n'eût-on dit si la réouverture se faisait sans films français à proposer ! Il est vrai que le risque sera celui du trop-plein, puisque, le 19 mai, plus d'une trentaine de films sortiront sur les écrans français contre une douzaine en temps ordinaire à cette époque, et la même tendance se confirme pour les semaines suivantes. Nous avons anticipé ce phénomène et j'ai approuvé, le 1er avril dernier, un aménagement temporaire de la chronologie des médias ; les demandes commencent à arriver et quatre dérogations ont déjà été accordées. D'autre part, le 16 avril, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis ouvrant la possibilité temporaire d'une concertation des distributeurs sur le calendrier de sortie des films, et seulement sur ce point : la multidiffusion d'un même blockbuster, par exemple, est exclue de l'entente autorisée.
Pour donner suite à cet avis, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), à ma demande, a immédiatement soumis aux distributeurs un projet d'accord-cadre qui organiserait jusqu'à la fin de l'année les modalités de la concertation entre professionnels, dans le plein respect de la liberté contractuelle de chacun. Déjà, deux organisations – le Syndicat des distributeurs indépendants et Les Distributeurs indépendants réunis européens – et plusieurs entreprises individuelles ont confirmé leur accord avec cette démarche volontariste qui devrait permettre de parvenir à un calendrier concerté des sorties de films, ce dont je les félicite. Le texte de l'accord cadre sera finalisé dans quelques jours ; c'est un début, et j'invite les plus gros distributeurs, au premier chef les Français, à rejoindre ces discussions. Je leur fais confiance pour que cet accord soit le plus large possible, au plus grand bénéfice des exploitants et des spectateurs.
Enfin, notre action a un troisième volet : comme ce fut le cas en juin 2020, la Médiatrice du cinéma et le CNC pourront publier une recommandation portant sur le respect de la diversité de programmation. Les responsables de salles de cinéma ne s'attendent pas à ce que les blockbusters américains arrivent sur nos écrans avant septembre ; cela laisse une large période propice à la diffusion des films français.