À l'époque où j'étais directrice des relations institutionnelles de France Télévisions, j'étais en lien permanent avec le Parlement et je m'étais rendu compte à quel point la télévision appartient à tout le monde. Il est donc important que le téléspectateur puisse s'y retrouver. Le nombre d'amendements déposés sur chaque projet de loi était colossal et balayait tous les sujets. Nous avions de longs débats sur les contenus – il fallait que les émissions abordent toutes les thématiques.
S'agissant de la suppression de la publicité en soirée, pilotée par la commission Copé sur l'audiovisuel public, nous avions réussi à maintenir le parrainage, sauvegardant ainsi le financement de France Télévisions. Pour les télévisions privées, la publicité était passée de six à neuf minutes par heure, avec la possibilité d'une seconde coupure publicitaire. Ces débats étaient passionnants – on parlait assez peu des plateformes à l'époque.
Le respect du pluralisme est une garantie pour la démocratie. Chacun doit pouvoir être représenté à l'antenne. Les médias me semblent responsables. Comme média de service public, France Télévisions fait face à une responsabilité particulière, d'autant plus que le groupe propose un grand nombre d'émissions politiques en dehors des campagnes.
La question est très sensible, notamment durant les périodes électorales, ce qui montre que la télévision a encore un certain poids. La période hors élections est également complexe à gérer, à cause de l'éclatement du paysage politique. Le CSA a dû modifier sa délibération, qui était autrefois plus facile à suivre. Nous sommes d'abord passés du système des trois tiers à celui des quatre quarts, pour prendre en compte les partis non représentés. Hors élections, c'est désormais le système du « un tiers, deux tiers » qui prévaut : un tiers du temps doit être réservé à l'exécutif, et les deux autres tiers aux partis politiques – mais qu'est‑ce qu'un parti politique ? De nombreux critères sont pris en compte, comme les résultats aux élections, les sondages, la dynamique de campagne, le nombre d'élus ou les groupes politiques. Cette multiplicité des critères, si elle autorise une certaine liberté, peut faire l'objet de polémiques, notamment si l'on ne s'empare que d'un critère.
Hors élections, quand une personnalité politique évoque des sujets non électoraux, son temps de parole est comptabilisé d'une certaine façon. Pendant les périodes électorales, le décompte est différent. Un double décompte s'impose donc. Il est légitime que de nombreux débats soient organisés pour que les électeurs puissent connaître les aspirations et les programmes des personnalités politiques. Mais dès qu'un homme politique parle, son temps de parole est comptabilisé.
Concernant la représentation en période électorale, une loi votée avant la dernière élection présidentielle a prévu de prendre en compte les conditions horaires de programmation, une émission tôt le matin et une autre, tard le soir, ne rencontrant pas la même audience. Le CSA a donc fixé des tranches horaires pour la présentation des programmes lors de la dernière élection présidentielle – je rappelle que, durant les quinze derniers jours de la campagne, l'égalité stricte des temps de parole s'impose. Ces dispositions ont été assez difficiles à appliquer pour les médias – le CSA en a convenu a posteriori – mais, de par ma fonction à France Télévisions, j'y ai toujours été attentive. Ainsi, certaines grandes émissions politiques débutant à vingt et une heures basculaient dans une autre tranche horaire à partir de vingt‑deux heures trente.
Comptabiliser les déclarations des éditorialistes contreviendrait à la liberté éditoriale des médias. Or la mission première du CSA est de garantir la liberté d'expression et cette liberté éditoriale. Il faut revenir aux principes du pluralisme et du décompte des temps de parole. La loi de 1986 dispose que le CSA assure le respect des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, et que ces derniers transmettent les données relatives au temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux, les magazines et les programmes, données qu'ils communiquent également aux présidents des assemblées et aux responsables des différents partis politiques représentés. Qu'est-ce qu'une personnalité politique ? Pour le CSA, il s'agit d'une personnalité qui appartient à un parti ou qui indique qu'elle va en créer un, qui exerce un mandat ou qui a un passé d'élu et qui participe à un débat politique. Par exemple, Arnaud Montebourg verra son temps de parole comptabilisé, tout comme Ségolène Royal. Certaines personnalités politiques, qui quittent le débat politique et le font savoir, ne sont plus comptabilisées, mais elles peuvent être réintégrées dans le système de comptage par le CSA, qui décide au cas par cas. Le référentiel compte plus de 1 500 personnalités !
Hors période électorale, j'ai déjà évoqué le système du « un tiers deux tiers ». En période électorale, une règle pourrait toutefois s'appliquer aux journalistes et aux éditorialistes : celle de la prise en compte des propos correspondant à un soutien d'un candidat. Si ces personnalités soutiennent un candidat, leur temps de parole pourrait ainsi être comptabilisé. Mais, dans ce cas, peuvent-elles rester à l'antenne ? La délibération du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale est claire : si un journaliste se déclare candidat, il ne peut rester à l'antenne et n'est autorisé à réaliser des reportages que sur des sujets non politiques pendant la durant de la campagne officielle. C'est une disposition importante. Le CSA reste le garant de la liberté d'expression et de la liberté éditoriale, grâce aux règles qu'il impose.
Concernant la place des femmes dans les médias, le Parlement a joué un rôle essentiel. À la suite de l'adoption de la loi du 4 août 2014 précitée, les femmes sont davantage apparues à l'antenne. Auparavant, le CSA avait mis en place un baromètre de la diversité, données chiffrées sur la représentation de la société française. Malgré un aspect très quantitatif, ce baromètre a constitué un premier pas. À la suite de la loi de 2014, la délibération du 4 février 2015 relative au respect des droits des femmes dans les médias audiovisuels nationaux a imposé la transmission de données par type de programme et type d'exposition – chroniqueuses, journalistes, invitées politiques, etc. D'ailleurs, depuis 2017, les invitées politiques sont plus nombreuses, ce qui est probablement lié à la composition de la représentation nationale.
L'évolution des stéréotypes est fondamentale : de quelle manière les femmes sont‑elles représentées dans les fictions, les programmes jeunesse ou la téléréalité ? La qualification des expertes est également importante. Madame Calvez, votre rapport a joué un rôle moteur, rappelant que les femmes expertes doivent aussi être présentes lors des débats sur des sujets régaliens. Au moment de la crise sanitaire, un grand nombre d'épidémiologistes hommes sont intervenus dans les médias. Ce défaut doit être corrigé.
Il est très important de pointer du doigt les difficultés et de trouver des solutions : publications, rapports et comparaisons entre médias, voilà qui peut faire progresser la société. Vous, législateurs, menez le combat. Ensuite, le CSA applique vos décisions. En publiant des rapports, en rassemblant des données, le CSA permet à la société de prendre conscience de la réalité de la situation. Le téléspectateur doit se reconnaître dans la télévision, publique ou privée, miroir de la société. Depuis quelques années, le CSA a beaucoup œuvré auprès des médias, en mettant notamment en avant les progrès des uns et en lumière les manques des autres. Les médias diffusent aussi de nombreuses campagnes, comme celle sur les violences faites aux femmes. Si l'amélioration est sensible, nous devons cependant aller plus loin.
Concernant l'évolution de la pluralité politique au sein des médias, de nombreux partis sont représentés sur les antennes, mais c'est surtout la fréquence et de la régularité de l'apparition des personnalités politiques issues de ces partis qu'il faut gérer. Ainsi, lors de la crise sanitaire, les membres du Gouvernement, notamment le Premier ministre et le ministre de la santé, étaient très exposés, ce qui a considérablement augmenté le temps de parole du Gouvernement. Nous avons donc essayé de faire au mieux. Toutefois, dans sa délibération, le CSA avait prévu des circonstances exceptionnelles, ce qui souligne sa démarche de dialogue avec les médias et les éditeurs puisqu'il a appliqué ces dispositions particulières.
Le CSA et l'Autorité de la concurrence auront leur mot à dire sur la fusion entre TF1 et M6. Le premier interviendra sur le nombre de canaux TNT, qui doit passer de dix à sept, et sur la pluralité de l'information, car ces chaînes en produisent. Nous sommes au tout début du processus. Le projet vise à faire face aux géants du numérique, dans un contexte bouleversé. Il est difficile de faire des projections, mais cette fusion va probablement créer des problèmes de concentration dans le domaine de la publicité, de l'information et des difficultés en matière de pluralisme et de concurrence.
Le pacte pour la visibilité des outre-mer, issu de la disparition de France Ô, me semble très intéressant et bien pris en compte sur les différentes antennes du service public. Cela me semble d'ailleurs préférable à une unique chaîne, centrée sur les problématiques de l'outre-mer. Il serait pertinent que ce débat dépasse les seules chaînes du service public.
Il en va de même pour la représentation des territoires et des élus de province. Cependant, pour une fois, je défends la maison ! France 3 Régions va organiser environ cent trente débats pour les élections départementales et régionales. Même si nous ne devons pas simplement profiter de l'occasion que représentent les élections, elles permettent la tenue de débats locaux. En outre, France 3 et France Bleu proposent des émissions conjointes à huit heures trente le matin et la diffusion de France 3 Régions est allongée le soir. Lors de la crise sanitaire, les téléspectateurs ont plaidé pour un plus grand ancrage local de leurs informations et les médias doivent apprendre à se délocaliser.
Le baromètre sur la diversité intègre d'ailleurs un critère géographique. Cependant, montrer de beaux paysages ne suffit pas et des acteurs locaux doivent aussi s'exprimer à l'antenne de leur territoire ou de leur région. Les élections régionales et départementales vont nous y aider.
La loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, dispose que les médias de service public doivent diffuser des modules d'éducation civique afin d'expliquer ce que sont ces élections régionales et départementales. Il ne s'agit pas d'une incitation au vote, mais d'une présentation de l'utilité du vote. Il me semble intéressant de multiplier de telles initiatives.
Vous m'avez interrogée sur le début tardif des émissions du soir. Lors des débats sur la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, la suppression de la publicité après vingt heures sur les antennes du service public laissait espérer des programmes moins dépendants de l'audience, plus qualitatifs et moins tardifs. Il y a eu une petite dérive mais comme les médias restent concurrents et que ces programmes de première partie de soirée sont un carrefour d'audience, cela n'aide pas… Le CSA rappelle les médias à l'ordre et des concertations ont eu lieu. Il est effectivement important que la première partie de soirée ne démarre pas trop tard. Pourtant, avec la campagne présidentielle à venir, les émissions risquent de dépasser minuit !
Il m'est difficile de me prononcer sur le nombre de membres qui pourraient composer le collège de l'ARCOM. C'est vous, élus, qui allez le décider et je ne me permettrai pas de le faire à votre place, par respect du législateur. Dans tous les cas, il faudra que les membres soient complémentaires, tout comme les expertises.
Il est important que l'ARCOM puisse lutter contre le piratage afin de protéger les auteurs, les ayants droit ou l'équilibre économique des manifestations sportives. Cela participe d'un exercice sain de la citoyenneté et de la concorde entre citoyens. Même si je suis une technicienne du pluralisme et de la déontologie, et que cela me prend beaucoup de temps, en tant que citoyenne, j'estime qu'un tel transfert de prérogatives est très positif. Le législateur accompagne d'ailleurs ce mouvement depuis des années.
La transaction pénale permettrait d'aller plus vite qu'une décision judiciaire, si j'ai bien compris. Je ne suis ni pour ni contre. Le législateur décidera. En tant qu'ancienne assistante parlementaire, j'estime que c'est vous, élus, qui avez les moyens de prendre les bonnes décisions. Le législateur légifère, le CSA applique. De leur côté, les chaînes appliquent les lois, ainsi que les délibérations et décisions du CSA.