Intervention de Anne-Laure Blin

Réunion du mardi 28 septembre 2021 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Blin, rapporteure :

Le système dont bénéficient nos 2,7 millions d'étudiants pour leurs études est très performant. Alors que le coût d'une année d'études est élevé, nombre de formations sont quasiment gratuites et les bourses sur critères sociaux ou au mérite permettent à de nombreux étudiants de réduire certaines de leurs dépenses à zéro.

L'alimentation est le deuxième poste de dépenses le plus important, après le logement. Là encore, le soutien public est de taille, à travers le réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), dont les « restos U » offrent des repas à tous, boursiers ou non, au tarif social de 3,30 euros. Le réseau compte 701 points de vente, sous la forme de restaurants assis et, de plus en plus, de cafétérias ou autres structures de vente à emporter, pour près de la moitié des ventes.

Là où se trouve la majorité des étudiants, l'offre est indéniablement de qualité – les étudiants le disent dans les questionnaires de satisfaction. Cependant, une étude de l'Observatoire national de la vie étudiante révèle que plus de la moitié de la population étudiante saute des repas durant une semaine normale de cours. Force est de constater que l'équité territoriale entre nos étudiants est aussi toute relative.

Les étudiants disposant de peu de facilités pour se rendre au « resto U » sont de plus en plus nombreux à préférer se restaurer à leur domicile, en faisant leurs courses au supermarché – le premier concurrent des CROUS. Le développement des enseignements à distance a renforcé le phénomène : compte tenu de la courte amplitude horaire de leur ouverture, les « restos U » sont vite saturés et les délais d'attente, décourageants. Surtout, de nombreux sites excentrés des campus – pour la plupart établissements préparant au brevet de technicien supérieur (BTS), instituts universitaires de technologie (IUT) ou antennes des grandes écoles – ne disposent tout simplement pas de restaurant ou de cafétéria universitaires. Pour ceux-là, le ministère a fait savoir, et la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation vient de le rappeler, qu'il existe des conventions par lesquelles 190 établissements – lycées, collèges, établissements de santé – ouvrent leurs cantines aux étudiants. La ministre a indiqué qu'elle voulait accroître leur nombre et que les nombreuses zones blanches restantes seraient identifiées. La ministre n'ayant pas entièrement répondu à ma question sur le sujet, nous manquons de précisions.

Le tarif social de 3,30 euros s'applique à la majorité des repas, mais de plus en plus de « restos U » proposent des menus à points. Ainsi, dans neuf CROUS, le repas complet au tarif social vaut 6 points, mais la note s'alourdit dès lors que l'on ajoute des plats à l'unité : de 1 à 3 points supplémentaires pour les entrées, fromages et desserts, de 4 à 6 points pour les plats garnis. Un repas complet revient ainsi entre 4,50 et 4,80 euros, quand il est facturé 3,30 euros dans d'autres « restos U ». Pour les étudiants de BTS ou de classes préparatoires dont l'établissement n'a pas bénéficié d'une convention avec le CROUS, lorsqu'il est pris dans la cantine d'un lycée, le repas coûte entre 4,35 euros et 7,50 euros. Les chiffres m'ont été communiqués par le ministère durant l'audition de la ministre ; les étudiants de vos circonscriptions vous le confirmeront. Le nombre d'étudiants ne bénéficiant pas d'un tarif de restauration sociale se situerait entre 200 000 – chiffres du ministère – et 500 000, selon certaines organisations étudiantes.

La présente proposition de loi issue du Sénat, que je vous propose d'adopter en l'état, a pour objet de restaurer l'équité territoriale là où elle fait défaut, de manière concrète et opérationnelle. Elle consiste à créer un titre-restaurant étudiant fonctionnant sur le modèle de celui qui est proposé aux salariés. Ce ticket permettrait aux étudiants éloignés de l'offre de restauration collective proposée par le réseau des œuvres universitaires d'accéder à une offre alimentaire diversifiée, en restauration commerciale comme dans les commerces de distribution alimentaire ou assimilés.

Le dispositif adopté par le Sénat n'entre pas en concurrence avec les CROUS puisqu'il n'y aura de titres-restaurant que là où il n'y a pas d'offre universitaire. Il sera limité à certains territoires identifiés et viendra compléter l'offre existante. Surtout, il a vocation à profiter à tous les étudiants, y compris à ceux issus des classes moyennes, souvent exclus des dispositifs sociaux, tels que le repas à 1 euro, par l'effet des seuils applicables aux bourses sur critères sociaux.

Il ne s'agit pas d'un chèque en blanc à tous les étudiants. Le système du titre‑restaurant, plébiscité par les salariés français, permet de s'assurer que la dépense va bien à l'alimentation, et pas à celle de la catégorie malbouffe, que la ministre a dit craindre tout à l'heure. Pour éviter la ruée vers les McDo, il suffira de ne pas autoriser le conventionnement avec ces établissements.

Techniquement, la solution est prête à l'emploi ; les auditions ont montré que le texte peut être mis en application dès maintenant. L'émetteur serait le CROUS ; il pourrait s'appuyer sur les grands concepteurs de titres, qui disposent déjà de l'ingénierie pour créer un tel titre de paiement. D'ailleurs, les étudiants ont déjà, avec la carte Izly, un titre de paiement CROUS dans leur poche. Les CROUS eux-mêmes ont su faire preuve de réactivité pendant la crise, en proposant, en quarante-huit à soixante-douze heures, des cartes monétaires créditées pour les achats de première nécessité. Le titre-restaurant ici proposé serait donc tout à fait réalisable dans un temps très court.

Nous, parlementaires, adoptons souvent des PPL satisfaisantes mais qui, une fois parties en navette au Sénat, tombent dans l'oubli. En adoptant conforme le présent texte, nous permettrons au dispositif d'exister avant la fin de l'année ; le pouvoir réglementaire en ajustera les détails pratiques, et le législateur pourra s'assurer de sa bonne application.

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