La présente proposition de loi a pour objectif de permettre aux étudiants de réduire leurs dépenses alimentaires, de bénéficier d'une restauration à un tarif social et de créer un cercle vertueux avec les acteurs locaux de la restauration.
Pour ne pas déséquilibrer le fonctionnement des CROUS, la version initiale du texte a été modifiée au Sénat par un amendement tendant à cibler celles et ceux qui sont éloignés des structures de restauration universitaire, nonobstant leurs lieux d'études et formation. Si l'objectif de départ est louable, nous ne pouvons que nous interroger sur les effets secondaires d'un tel dispositif, étant entendu que nous partageons la position des organisations étudiantes, qui évoquent une fausse bonne idée.
Le premier point de désaccord réside dans la crainte que la mesure ne bénéficie qu'aux enseignes de restauration rapide et se transforme en soutien au secteur privé, plutôt qu'en aide aux étudiants. Cela risque d'accentuer les difficultés financières des CROUS et, à terme, d'affaiblir ce service public dont la mission de restauration représente 30 % du chiffre d'affaires. Alors que les restaurants universitaires mettent l'accent sur une alimentation mieux équilibrée, l'utilisation de ce ticket dans la restauration rapide privée risquerait d'en faire un vecteur de malbouffe et de renforcer une habitude de consommation guère des plus saines chez nos étudiants.
Par ailleurs, il est à craindre que la perte d'une partie des ressources des CROUS mette à mal des missions telles que le logement, les aides sociales et la culture. Quid des aspects de socialisation et de repérage des étudiants en difficulté ou en décrochage après presque deux ans de cours par visioconférence ? Il faut absolument éviter l'individualisme et le repli de nos étudiants sur la sphère privée. Aussi, restreindre le bénéfice du dispositif aux seuls étudiants éloignés des restaurants universitaires introduit une inégalité et un critère uniquement géographique, et non social.
Un deuxième point de désaccord se trouve dans le financement de la mesure. D'abord, la proposition de loi ne contient pas d'éléments budgétaires. Qui finance la mesure ? Quelles sont les conditions d'entrée ? Quel est le tarif du ticket ? Seul l'exposé des motifs évoque une valeur du ticket restaurant de 6,60 euros, avec une prise en charge de 3,30 euros par les étudiants – un coût encore élevé pour les plus précaires. Ensuite, une inconnue pèse sur la prise en charge du complément : sera-t-il versé par l'État ou les collectivités territoriales ? Le manque de clarté fait craindre un nouvel alourdissement des charges des collectivités. Enfin, le coût de la mesure est estimé à plus d'1 million d'euros alors que la dotation budgétaire annuelle des CROUS s'élève à seulement 367 millions pour 2021, hors les crédits supplémentaires du Plan de relance pour compenser la baisse à 1 euro du prix du ticket de « resto U ».
Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à toute mesure permettant d'améliorer les conditions de vie et d'étude de nos étudiants, qui se sont fortement détériorées avec la pandémie. Toutefois, plutôt que d'investir dans le dispositif ici proposé, nous préférons les soutenir directement, à travers une aide financière qu'ils réclament tous.
Les difficultés de nos étudiants ne se limitent pas à l'alimentation. L'urgence commande qu'ils reçoivent une aide financière directe, notamment pour se loger et avoir un emploi. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur le texte.