La précarité étudiante a fait la Une des journaux ces derniers mois : dans notre pays, un étudiant sur cinq se situe sous le seuil de pauvreté. Près de la moitié des jeunes gens doivent désormais, quand cela leur est possible, travailler parallèlement à leurs études pour faire face à l'augmentation du coût du logement et de la vie. Cette précarité a été accentuée par la crise de la covid-19 : face à l'augmentation des dépenses courantes, certains étudiants ont été dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires ; d'autres se sont retrouvés confinés dans des logements parfois insalubres.
La paupérisation des étudiants est le fruit des politiques publiques menées depuis plusieurs années. La refonte de l'enseignement supérieur et celle du marché du travail ont provoqué une montée des inégalités et de la pauvreté. Les gouvernements qui se sont succédé n'ont jamais alloué aux CROUS un budget corrélé à l'augmentation significative du nombre des étudiants. Qui plus est, sous le quinquennat actuel, les aides personnalisées au logement (APL) ont été constamment revues à la baisse. Face à cette situation, l'État doit tout mettre en œuvre pour lutter contre la paupérisation de notre jeunesse.
Le texte que nous examinons a le mérite de mettre en lumière le manque de services de restauration dans les établissements d'enseignement supérieur. Avec 750 implantations dans 221 villes, les restaurants et cafétérias gérés par les CROUS ne sont pas répartis de manière homogène sur le territoire. Le sénateur Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi, estime ainsi que 600 000 étudiants sans « resto U » ont été particulièrement lésés pendant la crise sanitaire, car ils n'ont pas pu bénéficier du dispositif des repas à 1 euro.
Cela dit, je ne pense pas qu'un ticket restaurant étudiant soit la solution aux situations de précarité que je viens de décrire. Un tel dispositif aurait pour conséquence l'annihilation des CROUS et leur mise en concurrence avec les entreprises privées. L'exposé des motifs l'assume d'ailleurs sans ambages : « Les restaurants universitaires connaissent une baisse de fréquentation due au changement des habitudes des étudiants préférant une restauration rapide dans le public ou le privé. »
Le montant du ticket – 6,60 euros – ne permettant en aucun cas aux restaurateurs de proposer des repas complets et équilibrés, les étudiants n'auront d'autre solution pour se nourrir que de se rendre dans les fast-foods. Or conforter ainsi les enseignes dites de la malbouffe aurait des conséquences dramatiques sur la santé des étudiants et un impact désastreux sur l'environnement, et serait en contradiction directe avec les poncifs délivrés par le Président de la République et sa majorité.
Pour ces différentes raisons, nous ne sommes pas favorables au dispositif proposé, pas plus que l'ensemble des syndicats étudiants d'ailleurs. Si les services de restauration publics sont insuffisants ou défaillants, il est préférable d'en construire de nouveaux ou de les réformer. Plutôt qu'un dispositif infantilisant, mieux vaut proposer à la jeunesse une véritable allocation lui permettant d'avoir les moyens effectifs de son autonomie.
Nous avions déposé deux amendements en ce sens, tous deux jugés irrecevables. Le premier avait pour objet d'expérimenter l'allocation du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans, sachant que, selon un sondage OpinionWay publié le 15 février 2021 et réalisé pour Les Échos et Radio Classique, 68 % des personnes interrogées sont favorables à l'extension du RSA aux jeunes à partir de 18 ans, dont 79 % des jeunes et 73 % des électeurs d'Emmanuel Macron ! Le second visait à étudier la possibilité de verser une allocation autonomie équivalente à 1 063 euros par mois à chaque jeune détaché du foyer fiscal de ses parents. Le même sondage met en lumière que, selon deux tiers des personnes interrogées, le Gouvernement « ne prend pas suffisamment en compte la situation des jeunes qui ont 20 ans aujourd'hui ». Hélas ! nous ne pourrons pas débattre de ces propositions.