Intervention de Anne-Laure Blin

Réunion du mardi 28 septembre 2021 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Blin, rapporteure :

La proposition de loi a un objectif éminemment pratique. En tant que parlementaires, citoyens, parents, nous avons tous été touchés de voir, au cours de la crise, des étudiants attendre, durant des heures, des aides alimentaires devant les locaux de banques alimentaires, d'associations ou d'épiceries sociales. Le dispositif proposé, même s'il est examiné dans le cadre de la niche parlementaire d'un groupe d'opposition, n'a pas de caractère politique ; il a vocation à s'appliquer rapidement, de la manière la plus opérationnelle possible, pour remédier aux problèmes que nous connaissons tous.

Lors de son audition de rentrée, la ministre n'a pas répondu à toutes mes questions, mais je sais, pour l'avoir interrogé, que le ministère sait parfaitement que l'application sur le territoire de l'offre de restauration étudiante se caractérise par des inégalités. N'étant pas tous élus de grandes métropoles, nous savons que, dans les villes moyennes, les étudiants n'ont pas accès à un CROUS. L'enjeu du texte est de combler cette lacune.

Nous pourrions avoir un grand débat idéologique sur les conditions de vie des étudiants, dont j'ai bien conscience qu'elles ne se limitent pas à la question de la restauration. Mais si nous pouvions au moins donner des clés pour résoudre le problème qui se pose dans ce domaine, nous ferions grandement avancer les choses. Notre mission n'est-elle pas d'améliorer le quotidien de nos concitoyens ? Nous n'avons pas toujours la possibilité de le faire. En l'espèce, nous pouvons adopter un dispositif opérationnel.

Madame Colboc, vous préconisez, comme la ministre et d'autres, le conventionnement. Je n'ai pas encore eu le temps d'analyser en détail la liste, que j'avais réclamée lors des auditions, des 190 établissements conventionnés. Toutefois, il apparaît qu'ils ne couvrent pas l'ensemble des académies. Certes, la ministre a souhaité augmenter leur nombre et donné pour consigne d'accélérer les choses, mais à peine dix conventions supplémentaires ont été signées en six mois, et elles ne sont pas encore effectives… Ainsi, à ce jour, il n'existe aucun conventionnement dans les académies des Antilles et de la Guyane, de Corse, de La Réunion, de Paris, de Nice-Toulon et de Poitiers-La Rochelle.

En outre, les étudiants doivent parfois effectuer un trajet d'une heure trente pour se rendre au restaurant conventionné susceptible de les accueillir, alors que ceux que j'ai interrogés m'ont indiqué que la durée de ce trajet aller-retour ne devait pas excéder vingt minutes, une demi-heure grand maximum ! Certains craignent que les CROUS ne pâtissent de la concurrence des établissements privés, mais leur principale concurrente, c'est la restauration à domicile. On peut toujours invoquer de nouveaux concepts, mais force est de constater qu'ils ne fonctionnent pas.

Quand bien même les 190 établissements conventionnés seraient fonctionnels pour le déjeuner, la plupart sont fermés le soir et le week-end, contrairement aux restaurants et cafétérias universitaires des grandes agglomérations. Qui plus est, sont exclus, de fait, de la liste de ces établissements l'ensemble des lycées, que je n'ai pas dénombrés précisément, qui accueillent des étudiants de BTS ou des classes préparatoires aux grandes écoles. Or, posez la question à ces étudiants, un repas à la cantine d'un lycée, privé ou public, coûte environ 7 euros !

Madame Mette, on ne peut certes pas mener une politique de restauration étudiante ambitieuse sans recourir aux deniers publics. Toutefois, l'État verse actuellement environ 3,30 euros pour chaque étudiant français. Or le fait est que cet argent public n'est pas entièrement utilisé puisque tous ne peuvent pas aller au restaurant universitaire.

Madame Manin, si nous proposons une mesure identique pour tous les étudiants concernés, quel que soit leur statut, boursier ou non-boursier, c'est pour la simple et bonne raison que la restauration universitaire est le seul domaine qui demeure universel : que vous soyez boursier ou non, vous avez droit au tarif social. Le dispositif du repas à 1 euro a été réservé dans un premier temps aux seuls boursiers, puis il a été étendu aux non-boursiers avant d'être à nouveau limité, cette fois aux boursiers et aux non-boursiers précaires. En tout état de cause, ceux des étudiants boursiers qui se trouvent dans une zone géographique non couverte par un CROUS ne peuvent pas en bénéficier ! On peut mener sciemment une telle politique ; ce n'est pas mon choix : le dispositif que nous proposons leur permettrait de bénéficier du tarif social à 1 euro. De fait, les CROUS nous ont indiqué qu'ils avaient la possibilité technique, grâce à la carte Izly – ils l'ont fait pendant la crise –, d'appliquer un tarif différent selon que l'étudiant est boursier ou non. Il suffirait donc de fournir aux étudiants des zones blanches une carte rechargeable conçue sur le même modèle que la carte Izly.

Monsieur Larive, nous pourrions avoir un grand débat sur les conditions de la vie étudiante. Mais vous ne pouvez pas affirmer qu'on ne peut pas se restaurer avec 6,60 euros. À preuve, lorsque le Gouvernement a baissé de 5 euros les aides personnalisées au logement (APL) des étudiants – j'étais, moi aussi, opposée à cette mesure –, M. Mélenchon est arrivé dans l'hémicycle avec un panier de courses qu'il avait rempli en dépensant 5 euros. Encore une fois, le principal concurrent des CROUS, c'est la restauration à domicile. Les étudiants qui n'ont pas les moyens – et je sais que, pour certains, un repas à 3,30 euros, c'est beaucoup – pourraient se restaurer chez eux.

En conclusion, je le répète, le dispositif proposé n'est pas polémique ; il est très pragmatique.

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