Intervention de Delphine Ernotte-Cunci

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions :

Monsieur Roussel, l'important décalage entre le budget du sport pour 2020 et celui pour 2021 s'explique par les Jeux olympiques : ils entraînent un besoin de financement important des droits de diffusion et il faut mobiliser des moyens importants pour permettre leur diffusion sur nos antennes.

Depuis le début de la crise, toutes les grandes compétitions se sont tenues, quoique de façon décalée pour certaines, comme Roland-Garros et les Jeux olympiques, et ont été diffusées sur nos antennes. L'appétence de nos publics pour le sport est considérable : les Jeux olympiques ont été regardés par 50 millions de Français, les Jeux paralympiques ont eux aussi attiré énormément de public et les scores d'audience de Roland-Garros ont atteint des niveaux supérieurs à ceux réalisés au cours des dernières années, alors même qu'Amazon en détenait les droits de diffusion en soirée.

Le problème réside non pas tant dans le soutien aux fédérations sportives que dans la très forte croissance du montant des droits de diffusion : ils sont quasiment multipliés par deux à chaque renégociation des contrats, alors que les moyens des diffuseurs n'augmentent pas dans les mêmes proportions – au contraire. En effet, le financement du service public par la redevance est en décroissance et TF1 et M6 font face à un marché de la publicité qui est dans le meilleur des cas stable, voire légèrement décroissant. Or les fédérations, pour des raisons que je respecte, nous mettent en concurrence avec les grandes plateformes américaines. Amazon a ainsi acquis les droits de diffusion de Roland-Garros et de la Ligue 1. Les droits sportifs croissent donc de façon exponentielle. Quelle en est la conséquence pour nos concitoyens ? Un spectacle sportif qui était gratuit devient payant. C'est une forme de privatisation du sport. Je suis favorable à ce que l'on renforce le dispositif s'agissant des grands événements sportifs : ces derniers doivent être diffusés gratuitement sur une chaîne publique ou sur une chaîne privée, afin de ne pas imposer un abonnement supplémentaire à nos concitoyens. Un fan de football, s'il veut pouvoir regarder tous les matchs, doit payer 100 euros par mois. C'est une question importante pour le sport français. Certes, un certain nombre de droits sont sécurisés dans le service public, notamment ceux des Jeux olympiques de 2024, précisément pour que ce moment d'exposition de la France soit diffusé gratuitement sur tous les supports – téléviseurs, mobiles et ordinateurs.

Vous avez été plusieurs à m'interroger sur la fusion entre TF1 et M6. J'y suis favorable, mais sans naïveté car je pose des caveats. La concurrence des médias internationaux, principalement américains, menace ce média particulier qu'est la télévision, qui est un mélange d'informations et d'émissions quotidiennes créant des liens avec le téléspectateur. Les usages évoluent. Certaines personnes n'ont plus de télévision et préfèrent piocher dans des catalogues de contenus en ligne comme YouTube plutôt que de regarder des émissions en direct. Nous respectons ce choix, bien entendu, mais la question qui se pose à nous est de savoir comment défendre le média télévisuel et la valeur de lien social quotidien et de proximité qu'il apporte à l'ensemble de nos concitoyens.

Je vais vous parler franchement : je préfère avoir des concurrents nationaux forts, comme TF1 et M6, diffusant des contenus de qualité. D'une part, c'est un défi positif ; d'autre part, cela montre que la télévision dans son ensemble, qui est gratuite, sait faire des choses formidables. Je comprends donc mes concurrents TF1 et M6 lorsqu'ils disent avoir besoin de joindre leurs forces, dans un contexte concurrentiel difficile, pour continuer à faire une télévision de qualité.

Par ailleurs, ce regroupement d'entreprises privées montre la nécessité de continuer à investir dans le service public. En effet, si deux groupes privés, dont personne ne met en cause la gestion, disent que les temps sont durs, ils le sont tout autant, a fortiori, pour le service public. Le privé et le public doivent faire face à l'inflation des droits sportifs, des coûts de production des séries et de l'information, notamment pour financer les enquêtes nécessaires à la vérification de la véracité de ce qui nous est présenté.

Ce projet de fusion est aussi porteur de menaces, car s'il aboutit à la création d'un très gros acteur privé, ce qui risque de tenir le service public à l'écart de l'acquisition des droits sportifs. Nous devons déjà faire face à la prédation des plateformes américaines, il ne faudrait pas y ajouter celle du secteur privé. Il faut également faire attention à la publicité. TF1 et M6 ont milité par le passé pour qu'il n'y ait plus de publicité sur France Télévisions. Même si nous pesons très peu dans ce marché – moins de 10 % –, il est important que nous continuions à diffuser de la publicité, non pas tant parce que cela nous rapporte de l'argent que parce que cela nous permet d'acquérir des droits sportifs. En effet, dans le coût de diffusion d'un événement sportif le soir, pour TF1 ou M6, il convient d'enlever les recettes provenant de la publicité, ce qui n'est pas le cas pour France Télévisions. C'est cet argument de logique économique qui appuie notre demande de diffuser de la publicité après vingt heures lors de la retransmission d'événements sportifs.

En ce qui concerne nos relations avec les plateformes, je suis intransigeante, mais cela ne m'empêche pas, quand les conditions sont intéressantes et respectent nos droits acquis, de travailler au cas par cas avec elles. Je privilégie systématiquement Salto mais celle-ci est une entreprise indépendante, qui décide librement d'investir dans tel ou tel projet. France Télévisions en est actionnaire, mais n'est pas décisionnaire.

Je privilégie aussi la coopération entre services publics. C'est dans cette perspective que j'ai créé il y a quelques années une alliance avec les Allemands et les Italiens pour produire de grandes fictions. J'ai parlé de Germinal, mais je pourrais aussi citer Le Tour du monde en 80 jours, qui sera programmé avant Noël, et d'autres grandes fictions sont prévues. Nous sommes en train d'étendre cette coopération aux fictions pour les jeunes publics. Nous cherchons également à créer une sorte de marché européen qui donnerait accès en préachat à l'ensemble des œuvres que nous finançons.

Nous pourrons donc être amenés à coopérer avec les plateformes américaines, mais de façon marginale par rapport au nombre de fictions que nous finançons chaque année.

L'UER, dont je suis la présidente, est la plus ancienne et la plus grande association de médias dans le monde. Elle regroupe plus d'une centaine d'entreprises qui représentent cinquante-six pays d'Europe continentale au sens large – puisque cela inclut la Turquie et la Russie –, ainsi que l'Algérie et Israël.

Cette association est d'abord une force pour soutenir ses membres et les valeurs d'indépendance, d'impartialité et de transparence du service public qu'ils défendent. Elle est aussi un outil de coopération. Cela fait maintenant plus de soixante ans que nous échangeons quotidiennement des sujets d'informations entre services publics. Nous venons d'ailleurs d'étendre ce partage d'informations traditionnel au numérique avec une nouvelle offre, intitulée « Vu d'Europe ». Il s'agit de partager le regard des journalistes d'autres pays de l'Union européenne sur l'actualité française.

L'UER permet également d'acquérir des droits sportifs pour l'ensemble de ses membres, ce qui nous donne une force de négociation plus importante. Nous partageons aussi des créations, qu'il s'agisse de fictions ou de documentaires.

Enfin, l'UER est une force de lobbying à Bruxelles. Elle soutient les actions des commissaires européens Thierry Breton et Margrethe Vestager pour défendre, face aux grands acteurs américains, l'espace numérique européen et une place plus équitable sur le marché pour l'ensemble des acteurs économiques en Europe, notamment dans le secteur des médias. La Commission européenne a d'ailleurs adopté d'importants textes en ce sens, comme le Digital Services Act et le Digital Markets Act.

Madame Josso, vous m'avez interpellée, à juste titre, sur les femmes réalisatrices et, plus généralement, sur la diversité. Je fais la distinction entre parité et diversité. Ce sont deux objectifs que nous poursuivons, mais il importe de les distinguer, sinon les femmes passent à la trappe. Nous avons pris des engagements dont la réalisation est régulièrement évaluée par le CSA. Certains de ces engagements concernent les femmes expertes. Nous avons multiplié par deux le nombre de femmes expertes en 2020 ; 49 % des experts invités sur nos plateaux sont des femmes. La télévision contribue à façonner l'imaginaire commun. Nous faisons donc attention à présenter dans nos fictions des héroïnes féminines positives en nombre important. Nous montrons des femmes de tous milieux, fortes et différentes.

Nous faisons également attention à la parité parmi les journalistes et les animateurs et à atteindre une juste représentation des femmes dans les postes créatifs, à la fois dans la maison France Télévisions et à l'extérieur, chez les producteurs qui travaillent pour nous. Nous avons commencé par les réalisatrices. L'objectif était d'atteindre 30 % en 2021 ; nous l'avons atteint dès 2020. Nous en sommes à 33 % de femmes réalisatrices et j'espère que nous progresserons encore d'ici à la fin de l'année. Nous poursuivons nos efforts pour assurer une meilleure représentation des femmes parmi les scénaristes. Nous discutons beaucoup de ces enjeux avec les associations militantes.

Les résultats de nos efforts en matière de parité commencent à se voir à l'antenne et les gens nous le disent. S'agissant de la diversité, en revanche, nous sommes loin du compte, même si nous avons progressé.

La diversité, telle que l'entendent nos téléspectateurs, est plurielle. Elle est géographique : parle-t-on autant des campagnes et des banlieues que des centres-villes et de Paris ? Les outre-mer sont-ils représentés ? Elle est sociale : parle-t-on autant des classes populaires que des classes supérieures ? Elle est celle de l'origine et de la couleur de peau. Elle est enfin celle de la différence, notamment du handicap. Comme pour la parité, nous avons fait le choix de la mesurer en nous appuyant sur les chiffres du CSA, notamment ceux qu'il publie dans son enquête sur la diversité, qui concerne tous les médias. Grâce à ces indicateurs, nous avons dressé un premier état des lieux de nos magazines, de nos antennes et nos fictions afin de nous fixer des objectifs de progression. Ces objectifs sont plus qualitatifs que quantitatifs, à la différence de la parité, dont l'objectif s'exprime facilement en chiffres, puisqu'il s'agit d'atteindre une représentation à parts égales des femmes et des hommes.

Faire progresser la diversité tient à cœur à toutes les équipes de France Télévisions, tant dans nos fictions ou documentaires qu'à l'intérieur même de l'entreprise. Mme Faucillon l'a souligné : on ne parle pas assez des classes populaires à l'antenne, mais elles ne sont pas non plus suffisamment représentées dans notre groupe. Je me suis associée à la « Classe alpha », qui résulte d'une initiative de mon collègue de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), Laurent Vallet. C'est une idée formidable. Je vous encourage à vous rendre à Bry‑sur‑Marne pour voir ce que les équipes de l'INA ont réalisé. La Classe alpha donne une occasion de se former aux métiers de l'audiovisuel à des jeunes en situation de rupture totale avec l'école, mais également, pour ne pas faire une classe ghetto, à des personnes en reconversion. J'ai ainsi croisé une jeune sage-femme qui souhaitait travailler dans l'audiovisuel. Ces jeunes ont suivi une formation qualifiante et ont tenu le coup jusqu'au bout, avec beaucoup de joie, d'ailleurs. Nous avons contribué à cette initiative en proposant des stages et des contrats de qualification et nous poursuivrons notre travail avec ces jeunes pour adapter la formation à nos propres besoins de recrutement. La diversité est un sujet très important, qui demande que l'on travaille sur ce qui se voit et sur ce qui ne se voit pas dans l'entreprise afin d'y améliorer la mixité sociale.

Comment faire face aux plateformes ? C'est une question centrale pour France Télévisions, madame Victory. En tant que présidente de l'UER, j'ai vu deux pays – la Finlande et la Suède – qui ont réussi à reprendre le leadership sur les plateformes américaines via le numérique. Deux pays sur les cinquante-six que compte l'UER, c'est peu, mais cela donne énormément d'espoir. La Finlande a été la première. Elle a investi massivement dans l'équivalent national de france.tv, qui a ainsi dépassé Netflix. La stratégie consistant à augmenter les investissements dans le numérique, qui est celle que suit France Télévisions, semble donc être la bonne. L'exemple de la Suède le confirme : l'équivalent suédois de france.tv touche davantage de Suédois que les chaînes publiques linéaires. Cette inversion entre le poids du linéaire et celui du numérique a été possible en Suède grâce à des investissements importants. Il faut donc continuer à investir, à la fois technologiquement dans l'expérience utilisateur, et dans les contenus mis à disposition sur les plateformes numériques.

J'ai déjà parlé des risques de la fusion entre TF1 et M6. Outre le risque de prédation des droits sportifs, existe aussi le risque de prédation des talents. Les groupes privés peuvent en effet offrir des salaires qui n'ont rien à voir avec ceux du public. Nous risquons donc de nous faire « piquer » des scénaristes, des comédiens, des animateurs ou des journalistes. Cette guerre des talents est déjà en cours avec les plateformes américaines. Des gens de chez nous, conseillers de programmes en fiction ou en documentaire ont été débauchés par les plateformes américaines, qui leur offraient un salaire trois fois supérieur à celui qu'ils touchaient chez France Télévisions. Nous ne pouvons pas nous aligner : nous ne gagnerons pas la guerre de l'argent.

M. Bournazel, entre autres, a beaucoup insisté sur la qualité de l'information, sur la confiance et sur la lutte contre les fausses informations. À France Télévisions, nous travaillons sur ces questions en relation avec nos partenaires de l'audiovisuel public : Radio France, par l'intermédiaire de Franceinfo, mais également France Médias Monde et l'INA. Ces relations se traduisent par des synergies, Franceinfo étant la première grosse synergie de l'audiovisuel public. Nous avons annoncé avec mes camarades Sibyle Veil, présidente de Radio France, Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, et Laurent Vallet, président de l'INA, une nouvelle étape dans cette synergie autour de Franceinfo. Elle concerne précisément la vérification des informations et s'appuie sur deux piliers : l'Agence franceinfo, qui dépend de Radio France et irrigue l'ensemble des rédactions, et Les Révélateurs, qui dépend de France Télévisions et dont la mission est de vérifier les images et les vidéos. Cette vérification demande des technologies spécifiques, pour lesquelles nous nous appuyons beaucoup sur les chercheurs en intelligence artificielle de l'INA, dont la compétence est reconnue. Nous essayons donc de mutualiser nos compétences au service de la vérification des informations.

Ce travail réalisé en interne est diffusé auprès du public grâce à des émissions sur Franceinfo et des rubriques du journal de vingt heures dédiées à la vérification d'information. Le démontage de fausses informations pour aider le public à déchiffrer l'actualité prend du temps, car il est beaucoup plus facile d'affirmer n'importe quoi que de démontrer qu'une information est fausse.

Nous nous engageons également dans l'éducation à l'information et à l'image, car n'importe qui peut se faire piéger par une fausse information. Il est donc important d'apprendre à détecter une fausse information ou une fausse image afin de ne pas être manipulé. Cet engagement se traduit, dans le cadre de Lumni, par des programmes éducatifs mis à la disposition des élèves et des enseignants. Il se traduit, par ailleurs, par une « réserve citoyenne » composée de journalistes qui se rendent dans les classes pour expliquer et donner des exemples de manipulation de l'information, éveillant ainsi l'esprit critique des élèves.

Dénoncer les fausses informations, c'est comme remplir le tonneau des Danaïdes : plus on en dénonce, plus il s'en crée. Il faut donc rester modeste. Il importe également de faire preuve d'humilité en choisissant de ne pas publier une information dont on n'est pas complètement sûr. Parfois on se trompe ou on ne sait pas, et il faut aussi savoir le reconnaître. Cette posture morale est un moyen de rétablir la confiance.

C'est avec ce travail sérieux et humble que nous arriverons progressivement à faire croître la confiance de nos publics. Quand on interroge les Français sur leur confiance dans les médias – tous supports confondus : médias traditionnels et réseaux sociaux –, ce sont ceux du service public qu'ils placent en première position. La chaîne d'information du service public, Franceinfo, recueille une confiance beaucoup plus forte que ses pairs, car sa ligne éditoriale est celle d'un refus de la boucle et du buzz et privilégie le travail traditionnel du journaliste. Cette chaîne offre donc moins de spectacle télévisuel, mais davantage de décryptage, dans un climat plus apaisé.

Madame Thill, vous m'avez interrogée la façon dont France Télévisions assure le pluralisme – plus que la neutralité. Le CSA s'en assure, notamment en émettant des recommandations sur les temps de parole, et son rôle est encore renforcé en période électorale. Nous veillons à ce que toutes les tendances politiques soient justement représentées et que l'exposition de l'ensemble des candidats à la présidentielle soit équitable. Pour ce faire, nous ne comptons pas de la même manière le temps de parole d'un candidat qui s'exprime à trois heures du matin et celui d'un candidat qui s'exprime au journal de vingt heures. Cette première notion est donc d'abord assurée par une approche qualitative.

Nous veillons également à ce que tous les candidats soient traités équitablement dans chacune de nos émissions, dont certaines adoptent un ton calme, alors que d'autres choisissent un ton plus vif. Je ne peux pas reprocher à M. Ruquier d'avoir demandé à un candidat de gauche si l'union de la gauche était nécessaire : la question est posée à tous les candidats de gauche sur tous les plateaux de télévision. J'ajoute que M. Ruquier n'est pas journaliste, il anime une émission de divertissement. Je ne peux donc pas lui reprocher d'avoir des opinions politiques et de les exprimer dans le cadre d'une telle émission, tout comme le font ses invités ou alors on ne peut plus parler de rien dans les émissions de divertissement. En revanche, dans le cadre d'une émission politique animée par un journaliste, nous sommes vigilants quant à l'équité de traitement de tous les candidats.

La CGT est le premier syndicat de France Télévisions, je suis donc au courant du sujet évoqué par M. Larive. Je discute intensément avec l'ensemble des organisations syndicales. Je rappelle que France.tv Studio est une filiale à 100 % de France Télévisions. Il ne s'agit donc pas d'externalisation. Nous avons simplement cherché à regrouper toutes les activités de production au sein de la filiale de production, ce qui n'est pas illogique.

M. Larive m'a également interpellée sur l'absentéisme. L'entreprise France Télévisions a été exemplaire pendant la crise. Nous n'avons pas eu recours au chômage partiel, ce qui est normal, puisque nous sommes financés par l'argent public. Nous avons assuré le versement des salaires de tous les salariés, mais également des intermittents qui étaient planifiés avant que la crise ne se déclare. Nous avons créé un fonds de soutien. Il s'adresse non seulement aux intermittents, mais aussi aux petits producteurs qui avaient engagé des dépenses et se trouvaient dans une situation très difficile : nous avons pris en charge la moitié des surcoûts liés à la crise sanitaire. France Télévisions a donc eu une attitude responsable en soutenant ses salariés ainsi que l'ensemble du secteur. Dire cela, ce n'est pas faire de la propagande : le constat est partagé en interne.

Le télétravail forcé a créé des situations parfois très difficiles chez certains salariés. Notre accord relatif au télétravail a été modifié pendant la crise. Nous espérons désormais que tous les salariés reviendront travailler en présentiel. C'est la consigne donnée, en application stricte de l'accord de télétravail. Je ne crois pas à une entreprise totalement dématérialisée, où les équipes ne se réunissent pas. Nous sommes sur ce point parfaitement en adéquation avec la totalité des organisations syndicales. Je ne constate pas un accroissement de l'absentéisme par rapport aux périodes précédentes, mais nous sommes vigilants sur les cas individuels, car certains salariés peuvent se trouver dans une situation difficile. Nous sommes à la fois fermes sur le retour au travail en présentiel avec le maintien des gestes barrières et attentifs à la situation des salariés, qui sont restés dix-huit mois loin de leurs collègues, parfois dans un certain isolement.

Monsieur Pancher, la régionalisation de France 3 est une transformation majeure en direction de laquelle nous avons déjà réalisé de nombreuses avancées, notamment des contrats d'objectifs et de moyens avec de nombreuses régions, dont la Bretagne. Les objectifs assortis à ces contrats ne portent pas sur l'information, afin de ne pas courir de risque d'interprétation ou d'ingérence. Ces contrats permettent de réaliser des émissions spécifiques, en langue régionale comme en Bretagne, et même de créer des chaînes régionales de plein exercice, comme NoA en Nouvelle-Aquitaine. Nous écoutons les régions, les collectivités et les maires pour mieux comprendre ce qu'ils attendent des chaînes territoriales. Nous ferons un tour des régions afin de voir comment améliorer les dispositifs existants de contrats d'objectifs et de moyens.

Madame Faucillon, vous m'avez interpellée sur le fait que j'ai accepté les objectifs qui m'étaient assignés et les moyens qui m'étaient donnés. Permettez-moi de vous répondre avec humour que je suis très légaliste et que j'accepte les objectifs et les budgets votés par le Parlement.

Vous parlez du « coronaviril ». C'est une expression amusante, qui recouvre une certaine réalité. On nous a fait le reproche, à juste titre, d'avoir invité pendant la crise trop d'hommes sur nos plateaux. Cela dit, si on se contente de représenter la société telle qu'elle est, nous ne pourrons atteindre la parité. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ne compte qu'environ 20 % de femmes professeures de médecine, par exemple. Pour atteindre la parité et avoir une juste représentation des femmes sur les plateaux, le service public doit donc parfois essayer de corriger la réalité. Par conséquent, indépendamment des objectifs de parité qui nous sont assignés, que j'accepte et que je comprends, il faut qu'un vrai travail de mixité dans les postes à responsabilité soit réalisé dans notre pays. Pour reprendre l'exemple précédent, l'AP-HP compte 20 % de femmes parmi les professeurs de médecine, alors que les femmes représentent 75 % des étudiants en faculté de médecine.

La question de la redevance nous concerne à plusieurs titres. Pour l'instant, nous n'avons de visibilité sur notre financement que jusqu'à la fin de l'année 2022. C'est trop court : aucune entreprise ne peut être pilotée si l'on n'est pas en mesure d'estimer ses ressources à un horizon de deux ou trois ans. Une entreprise privée estime son chiffre d'affaires. Elle peut se tromper, mais elle a au moins une base pour travailler. Nous, nous n'en avons pas. Par ailleurs, la forme même de perception de la redevance est obsolète. D'abord, elle est attachée au poste de télévision alors que le poste de radio devrait être inclus, puisque la redevance finance également la radio. Cela peut induire nos concitoyens en erreur en les amenant à penser que la redevance ne finance que France Télévisions alors qu'elle finance aussi France Médias Monde, Radio France, l'INA et ARTE. Il faut donc moderniser l'assiette de la redevance. Ensuite, la perception est assise sur la taxe d'habitation, qui sera supprimée en 2023. Nous ne savons pas ce qui se passera après 2022.

On peut presque déterminer la nature d'un régime politique en fonction de la manière dont le service public est traité. Or l'un des principes essentiels est que le financement de l'audiovisuel public doit provenir d'une taxe affectée, qui ne dépend pas des alternances gouvernementales et qui assure à l'audiovisuel public une prévisibilité sur le moyen terme. Dans une démocratie saine, l'audiovisuel public doit bénéficier d'un financement indépendant. Nous sommes en fin de législature, il est donc trop tard pour discuter de ce sujet, mais il sera urgent pour la prochaine assemblée de s'en saisir.

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