Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 15h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde :

C'est la cinquième fois que je me présente à vous. Lorsqu'en 2017, je vous avais présenté France Médias Monde pour la première fois, nous comptions 150 millions de contacts hebdomadaires. En 2020, 251 millions de personnes dans le monde sont venues regarder, écouter ou lire nos contenus chaque semaine, soit une progression de 21 % par rapport à 2019. Les langues de RFI ont reçu 22 millions de visites par mois en 2020 sur nos environnements propres, contre 5 millions de visites en 2017, soit une multiplication par quatre.

Ces chiffres démontrent l'excellence des équipes de France Médias Monde : celle de ses journalistes, de 60 nationalités et 20 langues différentes ; mais aussi de tous ses autres métiers, de la technique à la communication, la distribution, et la gestion, car, sur la même période, la redevance est passée de 257,7 à 254,7 millions d'euros, soit une baisse de 3 millions d'euros.

L'année 2020 a été exceptionnelle à plus d'un titre. Au delà de la crise pandémique, elle a montré la nécessité de nos missions éditoriales d'information, de prévention et d'interactivité, qui se sont révélées essentielles pour lutter contre les infox dans toutes nos langues de diffusion, protéger les populations, notamment africaines, contre la pandémie et rompre l'isolement pendant le confinement. Nous nous sommes également mobilisés en matière éducative, avec « l'école à la radio », et les Journées de solidarité avec les secteurs les plus touchés comme la culture, le tourisme, ou les étudiants.

Avec près de 2,5 milliards de vidéos et sons consultés en 2020, le numérique augmente plus vite que le broadcast – c'est-à-dire la radio et la télévision traditionnelles –, mais on aurait tort de croire à la fin de ce dernier. Il représente encore 66 % – et le numérique 34 % – de nos 251 millions de contacts hebdomadaires en 2020.

Par ailleurs, 59 % de ces contacts sont dus à nos langues étrangères, mais le français augmente lui aussi. Il y a donc une montée en puissance globale de toutes nos offres, qui nous placent résolument dans la « cour des grands » sur la scène internationale.

La sécurité de nos collaborateurs est restée une priorité permanente. Nous revisitons actuellement notre accord de télétravail pour tirer les enseignements de notre expérience de la crise sanitaire. Nous avons également mis en place une démarche vaccinale. Cette situation de crise a été gérée de manière rigoureuse, en maintenant les rémunérations des permanents et en garantissant un revenu solidaire pour les non-permanents et notamment les correspondants qui sont « le sel » de notre activité.

En outre, la baisse d'activité significative a permis de dégager un résultat très largement positif en 2020, permettant, non seulement de reconstituer nos capitaux propres – amputés par le financement du plan de départs –, mais même de les augmenter. Le CSA a ainsi salué « une gestion remarquable de la crise » de la part du service public, et de FMM en particulier.

Dans ce contexte de crise, nous avons mis en œuvre avec succès nos objectifs du COM en 2020 comme en 2021, à commencer par nos cinq objectifs spécifiques.

Notre premier objectif spécifique est de proposer une information professionnelle, indépendante, rigoureuse et vérifiée, premier rempart aux infox. Ce professionnalisme a par exemple permis à nos équipes de recevoir le Prix du Festival international du grand reportage d'actualité pour un reportage sur le Venezuela. L'Afghanistan a constitué une sorte de test pour ce professionnalisme. Je remercie le ministère des Affaires étrangères, l'Ambassade de France, le centre de crise et l'armée française d'avoir fait évacuer nos journalistes, leurs fixeurs, les correspondants, etc., de manière très encadrée et anticipée. Cela ne nous a pas empêchés de faire venir des envoyés spéciaux à Kaboul, au moment où tout le monde en sortait, ce qui nous a permis d'alimenter l'ensemble du secteur public audiovisuel, de la radio comme de la télévision, en plusieurs langues. Dès la mi-septembre, nous avons organisé une Journée « au nom des femmes afghanes ». La diffusion de RFI en FM a été rétablie à Kaboul, en français, mais nous examinons comment élargir cette offre à destination notamment des femmes, mais aussi de tous les Afghans, car nous avons la chance de disposer de journalistes parlant le dari et le pachtoune, notamment sur notre site Infomigrants – dont l'audience a considérablement augmenté en août –, et d'une rédaction en persan à RFI.

La proximité avec nos publics, à travers une stratégie multilingue et francophone, constitue notre deuxième objectif.

Nous avons ainsi développé notre usage des langues africaines, notamment au Sahel. Le projet Afri'Kibaaru, en coopération avec l'Agence française de développement (AFD) et Canal France International (CFI), notre filiale, nous a ainsi permis d'émettre en fulfulde – la langue des peuls – et en mandingue 2 heures par jour et 7 jours sur 7. Il a toutefois fallu deux ans à ce projet pour aboutir, l'AFD, en tant que banque, procédant par projets structurants. Ce manque de réactivité n'est pas de nature à améliorer la « e-réputation » de la France au Sahel… Dans une moindre mesure, nous avons également développé notre recours à l'haoussa, langue parlée au Nigéria et dans une partie du Niger, notamment par Boko Haram.

France 24 en espagnol est également passée le 24 septembre 2021 à 24 heures de diffusion, avec des émissions communes avec RFI en espagnol. Avec les 750 radios partenaires de RFI (dont 540 en espagnol) en Amérique latine, nous touchons désormais 20 millions de personnes par mois et 15 millions de personnes par semaine en podcast. France 24 en espagnol changera ainsi de statut, et ne sera plus une chaîne de complément dans cette zone très francophile.

La langue arabe revêt évidemment une importance stratégique. Le rapprochement entre France 24 en arabe et Monte Carlo Doualiya (MCD), avec des grilles rénovées et des émissions communes comme « Dans la sphère des tabous », permet de porter la laïcité en arabe,mais aussi de nombreuses autres valeurs.

Les 19 langues étrangères du groupe sont ainsi en progression, sans éviction pour autant de la francophonie : nous continuons à diffuser nos outils d'apprentissage du français et, même à travers nos langues étrangères, nous parlons de la francophonie et de la France.

Notre troisième objectif est le numérique, pour toucher notamment les jeunes générations, même si nous sommes présents dans des pays où 60 % de la population a moins de 25 ans. La moyenne d'âge de nos téléspectateurs en Afrique est ainsi de 34 ans. Pour autant, les réseaux sociaux y constituent aussi des carrefours d'audience pour les jeunes.

France 24 a cet été enregistré davantage de nombres de vues sur YouTube que BBC World, et reste la première chaîne française tous genres confondus sur Facebook et la première chaîne d'information en français sur Twitter, avec 4 millions d'abonnés.

Nous continuons à innover dans nos formats – vidéos mobiles, motion design, news sketching, stories Instagram, Tiktok, etc. –, et nous développons maintenant les podcasts, formats radio ou audio très prometteurs. Nous nous sommes également lancés dans l'intelligence artificielle pour accéder – toujours sous le contrôle des journalistes – à la transcription et la traduction automatiques, et dans le cloud pour virtualiser nos équipements.

Nous proposons désormais des offres entièrement numériques, comme ENTR, lancée en mai dernier avec la Deutsche Welle et d'autres médias européens – polonais, irlandais, portugais, roumains, etc. –, et dont 13 millions de vidéos ont déjà été vues. Ce programme destiné aux jeunes européens et exclusivement proposé en vidéo mobile en six langues, sur les réseaux sociaux, aborde des questions de logement, d'emploi, de justice, de climat, etc. La langue dans laquelle il est le plus consulté est le polonais, ce qui signifie que les jeunes Polonais regardent aussi des programmes en français sous-titrés en polonais. Or, les Polonais descendent actuellement dans la rue par milliers pour défendre leur appartenance à l'Union européenne. La deuxième langue dans laquelle est consultée ENTR n'est pas l'anglais : c'est le français. Nous comptons beaucoup sur cet outil pour fédérer les jeunes européens et pour ouvrir les débats – y compris critiques – dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne.

Notre quatrième objectif est d'être accessible à l'échelle du monde.

Malgré la pandémie, la distribution de France 24 a augmenté de 10 %. Elle comptait 444 millions de foyers raccordés fin 2020. Nous avons naturellement maintenu notre maillage de radio FM, l'un des plus vastes au monde avec plus de 180 relais FM, et développé notre réseau de 1 772 radios partenaires. Nous avons également accru notre présence en France, avec le lancement en pleine pandémie de MCD en Ile-de-France et à Marseille. RFI était déjà présente dans 6 villes– Strasbourg, Lyon, Lille, Marseille, Toulouse et Bordeaux –, en plus de Paris.

Notre cinquième objectif est une gestion rigoureuse et responsable, conformément aux recommandations de gestion de la Cour des comptes qui, dans le rapport qu'elle a rendu en mars, a appuyé nos démarches déjà engagées de renforcement des achats, d'automation du SIRH, de saisine plus rigoureuse du contrôle général économique et financier (CGFI), etc.

Par souci de concision, je me concentrerai seulement sur deux de nos objectifs communs avec l'ensemble de l'audiovisuel public : les coopérations et l'exemplarité.

Je m'étonne de l'avis du CSA, qui m'avait échappé, concernant l'arrêt des coopérations de France Médias Monde, alors que Franceinfo reprendra France 24 de minuit à 6 heures 30 ; l'émission commune aux deux chaînes passe de mensuelle à hebdomadaire ; le pôle investigation de Franceinfo et la lutte contre les infox ont été mis en synergie pour l'ensemble des autres rédactions. Jamais au contraire les volontés de rapprochement entre les rédactions ne m'ont semblé aussi nombreuses. France Médias Monde participe également à plusieurs expérimentations : Culture Prime en collaboration avec l'INA et France Culture ; TikTok ; le lancement d'un volet étudiant de Lumni ; la Fondation à destination des jeunes que France Télévisions a élargie à TV5 Monde et France Médias Monde ; les pactes sur la visibilité de l'outre-mer et de la jeunesse ; etc. Même en matière de gestion, les directeurs techniques, formation, achats, etc. travaillent de plus en plus ensemble. Nous apportons notre savoir-faire en matière de sécurité, tant en ce qui concerne la cyber sécurité que la sécurité sur le terrain.

Aucune holding n'a certes été créée, mais les synergies existent et fonctionnent. Nous étions tous ensemble hier à Médias en Seine et j'estime que nous formons une belle équipe.

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