Intervention de Sibyle Veil

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France :

En ce qui concerne la première question relative aux coopérations entre France Bleu et France 3 dans les Hauts-de-France, Lille a été l'une des premières stations locales à expérimenter le déploiement de sa matinale sur France 3. Pour France Bleu Picardie Amiens, le lancement est prévu dans un peu plus d'un mois, en novembre prochain. Les matinales sont conçues de telle sorte que les équipes de France Bleu conservent leur autonomie éditoriale et que celles de France 3 apportent leur aide sur l'édition visuelle. Ce n'est toujours qu'un aspect des coopérations. D'autres se sont développées ces dernières années sur la couverture des grands événements, comme les manifestations sportives et culturelles. Plus nous avancerons dans un projet d'offre numérique partagée, plus les coopérations s'amplifieront.

Le chantier de réhabilitation est dantesque puisque nous réhabilitons un bâtiment, pour des raisons de normes de sécurité incendie et d'amiante, dans un endroit où nous produisons du son de qualité. La cohabitation des travaux et des émissions de radio constitue un défi depuis le début du chantier. Elle explique les décalages de temps et l'augmentation des coûts puisqu'il importe d'indemniser les entreprises pour leur délai d'intervention plus long. Il est nécessaire de déménager les équipes et de les extraire des zones de chantier puisqu'au moment de la conception, aucune zone tampon n'ayant été prévue entre les travaux et l'activité. Ce chantier court depuis plus de dix ans mais nous en voyons enfin le bout. Les travaux du chantier historique de réhabilitation devraient s'achever fin 2022 et les premiers ré-emménagements complets des différentes entités auront lieu durant l'année 2023. Des débats importants ont été menés avec l'État sur la conduite de ce chantier, ayant amené à mettre en place une logique non plus de suivi a posteriori des décalages mais d'engagements prévisionnels sur un objectif de durée et de maîtrise des dépenses du chantier. Cela se traduit dans les différents documents par la notion de coût total maximal de provisions. Un expert indépendant missionné par l'État est le garant de la bonne conduite du chantier. Ces dernières années, nous avons reçu un satisfecit des experts de l'État et des administrations suivant l'avancement du chantier s'agissant de la conduite et de la maîtrise de la durée et des engagements.

À propos du climat social, la grève très longue de deux mois de fin 2019 à début 2020 était tournée contre les économies prévues par l'entreprise pour absorber la baisse de 20 millions d'euros de la redevance, la hausse des charges courantes et les redéploiements nécessaires pour répondre à l'évolution des usages des Français, développer des plateformes numériques et de nouveaux formats. Pour la première fois de l'histoire de cette entreprise, l'État n'est pas intervenu, ce qui a permis à la direction d'être l'interlocuteur légitime des organisations syndicales. Il s'agit d'une avancée importante dans la gestion de l'entreprise publique. Nous avons réussi à négocier un accord de rupture conventionnelle collective avec les différentes organisations. Nous avons essayé d'avancer, en prenant en compte leurs remontées. Nous avons par exemple diminué le nombre de redéploiements, afin de réduire les suppressions de postes prévues. Nous avons été à l'écoute des remontées de l'entreprise, tout en respectant la trajectoire d'économies. Cette rupture conventionnelle se déroule aujourd'hui dans un climat serein.

Néanmoins, pour pouvoir continuer à exercer nos missions sans supprimer d'offres de programme, nous devons réorganiser notre manière de produire de la radio. Les outils numériques sont différents de ceux qui étaient utilisés avant. Nous expérimentons depuis la rentrée de nouvelles organisations du travail, ce qui a conduit la CGT à déposer un préavis de grève, en cours depuis le 6 octobre. Le taux de participation quotidien ne dépasse néanmoins pas dix salariés, ce qui montre qu'une très large majorité de salariés comprend les projets en cours. Nous avons signé un accord avec plusieurs organisations syndicales sur le suivi de cette expérimentation. Nous essayons d'avancer, dans un climat de discussions et de négociations, avec une expérimentation qui nous permettra de tirer des conséquences sur la qualité du travail, l'évolution des métiers et la qualité de nos productions, avant de prendre une décision d'évolution durable de ces nouvelles manières de produire. Nous essayons de le faire en toute responsabilité et dans le cadre du dialogue social.

En ce qui concerne les formations musicales de Radio France, il est prévu dans le cadre de la trajectoire d'économies de réduire la dimension de l'une d'entre elles, le chœur, à hauteur de 30 chanteurs, pour le ramener dans la moyenne européenne des chœurs radiophoniques. Ce projet permet également de traiter une question qui ne l'a jamais été à Radio France à propos d'une profession artistique extrêmement exigeante. Avec les années, la voix change, différemment selon les chanteurs. Nous accompagnons donc les chanteurs pour qu'ils évoluent vers d'autres activités et métiers. Il s'agit d'un véritable défi. À titre comparatif, les chanteurs du chœur de l'Opéra national de Paris bénéficient d'une retraite automatique à l'âge de 55 ans.

Le climat dans les orchestres est quant à lui très positif. Nous avons développé des projets très mobilisateurs et innovants. Pendant le premier confinement, chaque musicien a joué de chez lui et nous avons mixé l'ensemble des instruments, ce qui nous a par exemple permis de produire un magnifique Boléro de Ravel, qui a été écouté 4 millions de fois en France mais également 4 millions de fois à l'étranger. Lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques cet été, la passation entre Tokyo et Paris s'est déroulée avec une Marseillaise réinterprétée par Woodkid et jouée par l'Orchestre national de France. Nous nous efforçons de développer des projets populaires rendant la musique symphonique la plus vivante et accessible possible auprès des Français. Grâce à ces deux formations, nous contribuons par exemple à la rénovation de la bande originale de sept heures du film Napoléon d'Abel Gance. Il s'agit d'un projet culturel titanesque mais inédit. De telles initiatives artistiques, exigeantes et très mobilisatrices, permettent d'entrer dans la vie des Français et de faire rayonner ces musiques symphoniques. Cela n'épuise pas toute la stratégie artistique de nos formations musicales, très développée ces dernières années pour différencier le registre de chacune de nos formations. L'Orchestre philharmonique accompagne ainsi la création des jeunes compositeurs. L'Orchestre national de France fait quant à lui rayonner le patrimoine et nous avons hâte de reprendre les tournées à l'international.

En ce qui concerne les sujets de coopération avec les autres acteurs de l'audiovisuel public, aucune structure de suivi n'a été mise en place mais l'idée de pactes communs entre nos différentes sociétés a été développée. Ceux-ci sont négociés sous l'égide de l'État et permettent de formaliser la mise en commun de moyens et les nouvelles productions, qui sont réalisées à l'occasion du développement de projets de coopération sur la proximité, la culture, la musique, les formations – avec l'INA notamment –, etc. Deux pactes sont finalisés, sur l'outremer et la jeunesse. La négociation de pactes sur la culture et la musique est prévue.

En ce qui concerne le verdissement de la publicité sur nos antennes, nous avons pris cet engagement très tôt, car il correspond à une sensibilité forte des auditeurs, qui nous sollicitaient beaucoup sur cette question. Nous avons mis en place un dispositif permettant d'accompagner les acteurs possédant des produits écoresponsables ou agissant dans la promotion de l'environnement. Nous avons défini une stratégie qui n'exclut pas des industries car il est très difficile pour une entreprise de service public de discriminer certains acteurs. En revanche, nous avons privilégié le soutien aux acteurs adoptant une logique responsable dans les produits qu'ils diffusent, de manière à encourager la transition progressive des différents acteurs de l'économie française.

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