Par ailleurs, le soutien apporté aux talents francophones correspond à un engagement très important. Il n'est pas possible de s'en remettre aux algorithmes des plateformes de streaming pour les soutenir. Nos audiences doivent bénéficier à ces artistes. Cette responsabilité nous anime beaucoup dans la stratégie éditoriale de nos antennes. Nous avons mis en place un dispositif pendant la crise pour soutenir les artistes français en les diffusant de manière à augmenter les droits qui leur sont versés. Nous remplissons également un certain nombre d'obligations au quotidien pour diffuser davantage les artistes français et francophones. Si nous ne possédons pas les mêmes indicateurs que les acteurs privés, ceux que nous utilisons sont beaucoup plus exigeants en termes de diversité. Ce n'est pas le taux de rotation des titres qui fait l'objet d'un suivi mais la diversité musicale, le nombre de titres et d'artistes différents, etc. Aujourd'hui, une radio comme France Inter, qui diffuse 11 000 titres distincts par an, soutient de manière unique la diversité. Aucune autre radio généraliste en France ne propose sur ses antennes une telle diversité. Il en va de même pour les artistes francophones : près de 3 500 titres francophones sont diffusés, pour près de 1 500 artistes différents.
Il existe un réel enjeu en matière de diversité mais également de soutien aux artistes émergents. Nous lançons chaque année plusieurs opérations pour soutenir la nouvelle scène française. Nous avons ouvert en 2021 la saison radiophonique avec une conférence de rentrée sur la musique et un concert rituel depuis trois ans, « La nouvelle scène », où chaque radio de Radio France pousse un artiste français encore très peu écouté et connu. Sur les plateformes de streaming, nous constatons que 90 % des écoutes sont concentrés sur 10 % d'artistes. La rémunération qui en découle concerne un nombre d'artistes très restreint. Soutenir la diversité des genres, des styles et les nouveaux artistes fait partie de nos obligations et de notre stratégie. Nous avons lancé l'année dernière un concours « Chanter 20 ans en 21 ». Nous voulions entendre ce que la jeunesse avait à dire de cette période difficile. Beaucoup de jeunes y ont participé. Lors du concert de rentrée, nous avons fait chanter la lauréate sélectionnée par un jury présidé par Pomme, que France Inter soutient depuis l'origine. Nous possédons une histoire avec beaucoup d'artistes français ou francophones comme Angèle, Clara Luciani et Eddy de Pretto, ayant démarré sur nos antennes et scènes et que nous soutenons dans la durée.
La stratégie numérique s'est accélérée pendant la crise sanitaire, avec l'émergence d'offres nouvelles, notamment les podcasts, sachant que certaines émissions en direct ne pouvaient pas se tenir, en particulièrement pendant le premier confinement. Nous avons également développé beaucoup d'offres pour les très jeunes publics. Aujourd'hui, en France, il n'existe pas de radio hertzienne pour les enfants, pour la raison qu'aucune mesure d'audience ni marché publicitaire n'est associé aux moins de 13 ans. À Radio France, nous avons développé une offre, d'abord par conviction, les jeunes ne pouvant vivre exclusivement dans un monde dominé par les écrans. Beaucoup de familles nous ont fait part des problèmes qu'engendrait l'invasion des écrans dans l'éducation de leurs enfants et de leur besoin de disposer d'une offre audio de qualité. Depuis 2018, nous développons donc des programmes audios pour les plus jeunes, dont l'écoute a explosé pendant le premier confinement. Le niveau d'écoute pour les collections de podcasts de France Inter atteint 40 millions depuis fin 2018. Le succès est donc réel auprès des familles. Beaucoup de podcasts correspondent à des histoires confiées à des auteurs. D'autres ont été développés dans le cadre de « Nation apprenante », afin de contribuer à l'éducation, l'accompagnement et la révision des enfants, des plus jeunes aux étudiants. Nous avons sélectionné des podcasts de philosophie, d'histoire ou de géographie. De nombreux contenus de France Inter, France Musique ou France Culture sont rééditorialisés pour constituer une offre pédagogique pour les différentes tranches d'âge.
Nous continuons à développer cette stratégie numérique, via les podcasts natifs, qui sont l'occasion d'innover dans les formes d'écriture et les publics que nous touchons. Nous travaillons également sur notre stratégie de distribution puisque pour les acteurs de la radio, le vrai sujet n'a pas trait aux droits dans la durée mais au risque d'être désintermédié dans l'accès à nos contenus. Pour prendre l'exemple d'une voiture, si le tableau de bord est géré demain par Google et Amazon, ces derniers privilégieront les plateformes avec lesquelles ils ont contractualisé ou qui font partie de leur environnement. Pour que la radio continue à être accessible directement dans le tableau de bord, nous devons développer une stratégie de long terme, qui passe par des alliances. La stratégie numérique nous oblige à conclure de nouveaux partenariats, ce qui est très positif. Nous avons notamment conclu avec les autres acteurs privés de la radio une alliance autour de Radioplayer, qui nous permet de travailler sur une interface commune pour tous les environnements dans lesquels nous avons le risque d'être désintermédiés, que ce soient les véhicules ou les enceintes connectées. Le développement d'alliances vise à développer nos propres offres distributeur.
Nous continuerons à innover. Nous souhaitons développer un véritable espace consacré à la musique pour mettre en avant notre spécificité, la prescription de la diversité musicale mais également la compréhension de la musique et les concerts diffusés sur nos chaînes de radio. Cet espace présentera tout ce que le service public propose de particulier, sachant que chaque semaine, 500 heures de musique sont diffusées sur toutes nos antennes, de la musique classique sur France Musique au hip-hop sur Mouv'. Cette diversité se reflètera dans notre offre musicale sur la plateforme Radio France. Nous réfléchissons également beaucoup à ce que notre offre continue à accompagner le citoyen dans la découverte, en tant qu'alternative aux algorithmes existant sur les autres plateformes, notamment anglo-saxonnes. Nous sommes partis d'un prisme éthique, à savoir le rôle du service public ainsi que les garde-fous et les outils à déployer pour maintenir cette logique de prescription et de diversité.
La qualité de l'information constitue une préoccupation majeure. Nous vivons en France une crise de confiance vis-à-vis de l'information depuis déjà plusieurs années, se traduisant par une montée des violences envers les journalistes mais également une transformation du paysage des médias. Dans ce contexte, nous préservons les équipes des rédactions puisque leur travail nous permet d'obtenir une information de qualité. Nous avons sanctuarisé les rédactions dans les développements de ces dernières années. Nous travaillons sur trois aspects dans l'évolution de l'information. En premier lieu, les nouveaux formats doivent nous permettre de parler à des citoyens qui aujourd'hui s'informent essentiellement sur les réseaux sociaux. Ceux-ci fonctionnent sur une logique de buzz et souvent, ce sont les fausses informations qui génèrent le plus de clics en raison de leur aspect « choc ». Nous réfléchissons sur les formats permettant de toucher ces personnes. En second lieu, nous travaillons sur la technologie. Les innovations technologiques sont très nombreuses, de la part des différents acteurs du web. Nous ne devons pas être en retard. La multiplication des sources, des contenus et des informations rend notre travail de recherche des fausses informations beaucoup plus complexe que dix ans plus tôt. Nous travaillons sur les technologies. Nous discutons avec l'École polytechnique pour nous inspirer de leurs recherches afin de traquer les fausses informations. En troisième lieu, nous menons beaucoup d'actions en termes d'éducation aux médias. Éduquer à la compréhension de ce qu'est une source fiable constitue aujourd'hui un enjeu fondamental. L'éducation aux médias vaut néanmoins pour toute la vie. Nous essayons donc de développer des modules très pédagogiques sur la désinformation et la manière dont les fausses informations se viralisent pour sensibiliser tout le monde à la désinformation, qui constitue un véritable danger comme nous avons pu le constater ces derniers mois lors de la crise sanitaire.
À propos des recettes publicitaires, le plafond existant depuis le début du COM 2015-2019 a été évoqué. Son respect est examiné chaque année par le CSA, notamment dans le cadre de son avis sur l'exécution du COM par Radio France. Dans la rédaction précédente, une ambiguïté existait à propos de la définition de son plafond et de son périmètre. Elle a été levée dans le cadre du nouveau COM 2020-2022, ce qui facilite beaucoup l'analyse du CSA. Nous avons respecté ce plafond en 2020 et le respecterons également en 2021.
Le succès éditorial important de certaines radios locales a été souligné, ainsi que toutes les actions menées par Radio France pour soutenir la lecture. Beaucoup d'émissions, avec une très forte audience, traitent du livre sur nos antennes. La matinale de France Inter invite très régulièrement des auteurs au moment de la sortie de leur livre et Pierre Rosanvallon m'a expliqué récemment qu'en sortant du studio de France Inter, il avait vu les ventes de son nouvel ouvrage croître très rapidement sur Amazon, comme jamais il ne l'avait connu en sortant d'une autre radio. La force prescriptrice de nos émissions est extrêmement importante et participe au soutien que nous apportons aux auteurs. Nous réalisons beaucoup d'actions en partenariat avec le Centre national du livre. Des émissions historiques de France Inter accompagnent la lecture des plus jeunes (par exemple « L'as-tu lu mon petit loup ») et sont destinées à la fois aux parents et aux enfants. Les « Barbatrucs », que nous avons expérimentés pendant le premier confinement, ont connu un tel succès auprès des parents pour leur donner des idées d'activités intelligentes à faire avec leurs enfants qu'ils ont été maintenus sur France Inter.
En ce qui concerne la question des recettes, la publicité, je l'ai dit, est plafonnée. Elle est limitée en nombre d'antennes (trois), en temps d'antenne et en montant dans le COM. Le dernier COM a maintenu à titre transitoire ce plafonnement. L'évolution générale du niveau des prix du marché publicitaire a gagné en volume depuis l'instauration de ce plafond en 2015 qui, lui, n'a pas changé. Les charges courantes évoluent également, ayant rendu nécessaires des efforts d'économies très importants. Les recettes doivent être dynamiques pour pouvoir absorber cette hausse des charges, sauf à conduire à réaliser de manière régulière de nouveaux programmes d'économies et plans de départ.
Au delà de la question de la publicité, qui sera sans doute reposée après 2022, les ressources propres connaissent une dynamique importante. J'ai développé le studio Radio France afin de valoriser nos contenus. Par exemple, l'émission « Affaires sensibles » sur France Inter connaît un grand succès et est adaptée aujourd'hui par France Télévisions. Beaucoup d'autres formats peuvent également être adaptés de manière audiovisuelle et faire l'objet d'une valorisation financière, y compris à l'étranger. Nous examinons ces pistes, même si elles sont moins nombreuses dans le secteur de l'audio que dans celui de la vidéo.
Enfin, une question très importante porte sur la redevance, qui se rattache à l'indépendance de nos médias, avant tout financière. Le financement est alimenté par une recette affectée, condition pour garantir l'indépendance du service public vis-à-vis d'annonceurs publicitaires, de partenaires commerciaux ou de conditions budgétaires annuelles. Cette redevance participe pleinement de notre indépendance éditoriale. La manière dont elle sera réformée, au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, constituera un élément très important pour Radio France comme pour toutes les autres sociétés audiovisuelles publiques, notamment pour se projeter dans la durée. Il est extrêmement important pour nous de disposer d'une vision pluriannuelle, afin de développer une stratégie dans la durée. Nous sommes dans une période où les investissements numériques sont très importants. Nous devons posséder une visibilité pluriannuelle sur nos actions, notamment vis-à-vis des équipes. Les COM nous le permettent. J'espère que la future recette qui suivra la suppression de la taxe d'habitation nous le permettra également.
Une grève est en cours à Radio France contre les expérimentations menées. Nous avons engagé 30 réorganisations depuis janvier 2021, alors que les conséquences de la crise sanitaire étaient encore perceptibles, avec une activité à la fois en présentiel et à distance. Nous attachons beaucoup d'importance au dialogue social et menons ces projets en étant très soucieux et engagés dans le dialogue à conduire avec l'ensemble des partenaires de l'entreprise.
Le rapport de l'experte indépendante Sophie Latraverse, travaillant auprès du Défenseur des droits, a été évoqué. J'avais chargé cette experte d'une mission d'enquête à la suite d'une déclaration faite dans un documentaire diffusé sur Canal + par l'une de nos journalistes sportives. L'enquête menée par une personnalité indépendante a permis de mettre le doigt sur les progrès réalisés dans l'entreprise ces dernières années. Nous avons en effet mis en place un dispositif d'alerte pour que les faits de sexisme puissent être traités par une équipe indépendante. Il s'agit d'un reflet d'une époque où la parole se libère, où beaucoup de témoignages sont exprimés, sur des faits récents comme plus anciens. La société évolue beaucoup sur ces questions, en lien notamment avec une présence plus forte des femmes sur nos antennes et nos rédactions, qui change le climat et leurs attentes dans leur environnement de travail. Ce qui était toléré quinze ans plus tôt l'est moins par les plus jeunes générations, notamment les jeunes journalistes femmes que nous formons. Mme Sophie Latraverse nous a éclairés sur toutes ces questions. Nous en avons tiré un certain nombre d'actions pour continuer à faire évoluer l'entreprise sur ces questions, sachant que nous devons être particulièrement exemplaires en tant que service public.
Par ailleurs, pour pouvoir réaliser les économies demandées, nous avons dû fermer les locales de FIP, corollairement à la mise en place d'une stratégie ambitieuse pour cette radio, qui devient progressivement une chaîne nationale de soutien à la diversité musicale en France. Nous y diffusons plus de 10 000 titres différents chaque semaine et plus de 100 000 par an. Nous avons nommé quatre délégués régionaux, dont la mission est de se rendre dans les festivals et les salles de concert pour identifier des jeunes de la scène française pour qu'ils soient ensuite diffusés sur toutes les antennes.
En ce qui concerne les expérimentations, des salariés y participent. Il importe de les accompagner. Des syndicats ont également signé un accord portant sur le sujet dont nous continuerons très loyalement à suivre les avancées. Aucune entreprise ne peut rester immobile dans la durée, alors que l'environnement change. Nous avons l'obligation de mener des évolutions, en respectant néanmoins le dialogue social, via des expérimentations notamment.
La question de l'information de qualité, et notamment du traitement des élections législatives allemandes sur nos antennes, a également été évoquée. Il importe de rappeler qu'il n'existe aucun média en France qui traite autant les sujets européens que nos antennes. Chaque jour, plus de deux heures de programme sont consacrées à des sujets européens ou relatifs à nos voisins. Nous possédons une direction de l'information internationale. Nous avons conservé, en dépit du contexte économique, des envoyés spéciaux dans un certain nombre de pays européens pour traiter de l'actualité. À l'occasion des élections allemandes, j'ai moi-même ouvert un événement public que nous avons organisé avec l'ambassadeur d'Allemagne à Paris pour traiter de tous les aspects de ces élections majeures. Il s'agit de l'un de nos principaux partenaires en Europe. Y voir les mouvements à l'œuvre est extrêmement important pour la compréhension de ce qui se joue en Europe, sur les questions environnementales, économiques et sociales. J'espère qu'au travers de nos programmes, vous pourrez vous apercevoir de la diversité des angles pris par nos journalistes qui, pour beaucoup, ont été envoyés spéciaux dans d'autres pays européens. Nous nous efforçons sur ces questions d'être à la hauteur de la qualité attendue du service public.
La question du modèle inspirant pour nos médias aujourd'hui est très vaste et nous pourrions en débattre très longuement. Nous assistons dans les médias privés à beaucoup de regroupements, motivés par des logiques publicitaires et économiques. Jusqu'à présent, ce sont plutôt les logiques d'offre éditoriale qui nous conduisent à coopérer dans l'audiovisuel public. Celles-ci doivent continuer à être notre moteur dans tous nos projets de coopération. Cela nous a conduits à créer Franceinfo et à proposer des matinales communes France Bleu et France 3, permettant à France 3 de développer ses programmes locaux. Nous pouvons à ces occasions innover et nous questionner sur le travail des journalistes, en étant ouverts sur le travail d'autres rédactions. Cette collaboration est très vertueuse. Nous essayons de le faire d'une manière qui accompagne la transformation de nos médias. Les pactes pour l'audiovisuel public prévus dans le COM 2020-2022 nous encouragent à continuer de le faire, en ayant toujours pour seul souci l'offre faite aux citoyens.